À la croisée des chemins ruraux

Réflexions sur leur régime domanial

Chroniques & Opinions

L’application des règles fondamentales de la domanialité publique pourrait permettre de mieux protéger les chemins ruraux, en garantissant efficacement leur indisponibilité et en améliorant leur gestion, sans que les inconvénients de cette solution ne paraissent dirimants. De nombreuses règles régissant le domaine public routier communal, telles que le redressement et l’élargissement, leurs sont déjà applicables. Ils pourraient, en fonction de leurs caractéristiques physiques et de leur fréquentation, être plus ou moins exemptés de l’application des autres règles liées à la domanialité publique, dans la mesure où celles-ci ne relèvent pas de son noyau dur incompressible. C’est le cas de l’alignement et des contraventions de voirie routière, dont la sévérité pourrait apparaître disproportionnée. La domanialité publique n’est pas un bloc. Il est peut-être temps d’en questionner à nouveau “l’identité”, et de restaurer l’état d’esprit originel.

Qu’ils suivent le tracé immémorial des pistes des anciennes tribus de chasseurs-cueilleurs 1, perpétuent les chemins creux de la période gauloise 2, se superposent aux voies romaines 3 ou se faufilent plus hasardeusement dans les failles du relief, les chemins dessinent depuis des milliers d’années « la ligne de force du territoire agraire » 4. Le droit français réserve un sort particulier aux chemins dits « ruraux », c’est-à-dire aux voies qui appartiennent à une commune et qui, se situant en dehors de l’agglomération 5, sont affectées à l’usage du public sans avoir été classées comme voies communales (v. C. rur., art. L. 161-1).

Pour les protéger et les entretenir, le législateur en a depuis longtemps attribué la propriété aux communes 6, sur l’ancien modèle anglais 7. L’appartenance municipale est aujourd’hui présumée pour tout chemin affecté à l’usage du public (C. rur., art. L. 161-3), cette affectation étant elle-même présumée notamment par l’utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l’autorité municipale (C. rur., art. L. 161-3). La domanialité privée de ces voies, qui pourrait bien être le lointain vestige d’une ancienne propriété collective 8 en plus d’une commodité permettant d’en négliger l’entretien, est en tout état de cause décalée par rapport à leur affectation à l’usage du public 9.

Certains auteurs assimilent même ces chemins à un service public 10. Il est vrai qu’à l’origine, ils étaient voués presqu’exclusivement au défrichement des parcelles et à la desserte des champs ; cette affectation plus « collective » que « publique » les distinguait, au moins théoriquement, de la plupart des anciens chemins vicinaux destinés à relier les villages entre eux et dont une partie importante fut transférée dans la voirie communale, c’est-à-dire dans le domaine public 11. Mais aujourd’hui, si les chemins ruraux demeurent des voies de dessertes des exploitations (C. rur., art. D. 161-8), leur affectation se « déspécialise » 12 au profit de la promenade et de la randonnée (via, le cas échéant, leur inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée, C. rur., art. L. 161-2) et le législateur les destine plus généralement à la circulation publique (C. voirie routière, art. L. 161-1) – autant dire à l’usage direct du public. Au-delà, ce patrimoine joue un rôle important dans l’aménagement rural et dans la préservation de la nature puisqu’il abrite une faune et une flore remarquablement diverses et tient parfois lieu de corridor écologique 13.

Intellectuellement fragile, le régime de domanialité privée auquel ces biens sont soumis apparaît parfois insuffisant à les protéger contre deux problèmes récurrents. La négligence des autorités communales d’abord : nombre de ces chemins tracés en noir sur les cartes IGN sont devenus inaccessibles 14. La domanialité privée les exempte de toute obligation d’entretien 15 en dépit de leur qualité d’ouvrage public dont le régime spécial de responsabilité pour défaut d’entretien normal est conditionné au souhait de la commune d’en assurer l’entretien 16. La passivité de la commune laisse le champ libre à l’exercice de l’usucapion par les riverains, prescription qu’autorise, ici encore, la qualité de domaine privé du bien concerné 17. De toute façon, les autorités municipales qui constatent le mauvais état d’entretien de certains de ces chemins, peuvent les aliéner après avoir unilatéralement décidé de leur non-affectation à la circulation publique 18, et après enquête du conseil municipal (C. rur., art. L. 161-10).

La modification du tracé de ces chemins ou, plus subtilement, la mise en adéquation de l’assiette de la propriété communale avec le tracé concrètement emprunté est une seconde difficulté. Le redressement ou l’élargissement des chemins ruraux de deux mètres ou moins peut reposer sur les mécanismes autoritaires et exorbitants propres à la voirie routière (C. voirie routière, art. L. 141-6 rendu applicable par renvoi de l’article L. 161-9 du code rural), ce qui, par parenthèse, alimente l’ambiguïté de leur qualification domaniale. Mais lorsqu’il s’agit d’en modifier l’emplacement, les acteurs locaux sont souvent conduits à réaliser une double vente ou même à instrumentaliser la prescription acquisitive 19 afin de contourner l’interdiction jurisprudentielle de réaliser l’échange d’un chemin rural 20.

Convaincus de l’urgence qu’il y avait à remédier à ces difficultés, quelques parlementaires ont souhaité insérer des dispositions protectrices au sein de la foisonnante loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (ci-après, loi Climat et résilience) 21. L’article 235 du texte adopté par la commission mixte paritaire était issu d’une série d’amendements déposés à l’Assemblée nationale (notamment les amendements n° 5005 de M. Aubert et n° 2507 de MM. Venteau et a.). Le texte paralysait le pouvoir communal de désaffecter unilatéralement les chemins afin de les céder ; il permettait également aux communes ou aux associations syndicales d’imposer de nouvelles contributions aux utilisateurs responsables de dégradations ; il autorisait l’échange ; enfin, il facilitait l’externalisation de l’entretien de ces biens à des associations loi 1901. Ces dispositions ont été annulées par le Conseil constitutionnel qui, déniant le lien qu’elles avaient avec l’objet de la loi, les a implicitement qualifiées de cavaliers législatifs 22.

En dépit de son dénouement malheureux, cette tentative parlementaire de réformer le régime des chemins ruraux est, comme les précédentes, riche d’enseignements. L’histoire récente montre que, si des propositions visent régulièrement à y introduire des éléments exorbitants du droit commun de la domanialité privée (si tant est que cette notion ait une réalité), il n’a jamais été véritablement question d’assumer la domanialité publique de ces biens qui pourtant paraîtrait plus logique, comme si cela constituait un tabou. Il n’est pas inintéressant d’évaluer l’intérêt du classement des chemins ruraux dans le domaine public, dont ils satisfont déjà les critères, et qu’une simple suppression de l’alinéa 2 de l’article L. 161-1 du Code rural et de la pêche mari- time pourrait ainsi réaliser. On se bornera à simuler les effets potentiels de l’application des éléments essentiels de la domanialité publique, tels que l’indisponibilité domaniale ou les règles d’entretien et de gestion, en écartant de nos réflexions les normes dont le champ d’application est partiel ou propre à la domanialité publique routière, comme les techniques exorbitantes de délimitation ou la protection pénale. Au premier abord, l’appli- cation de la domanialité publique aux chemins ruraux pourrait permettre de garantir efficacement leur indisponibilité (I) et d’améliorer leur gestion (II).


I. GARANTIR L’INDISPONIBILITÉ

La cession des chemins ruraux est soumise à des règles contraignantes et exorbitantes qui pourraient, sans grande peine, évoluer vers une inaliénabilité pleinement assumée s’ils appartenaient au domaine public (A). La règle de l’imprescriptibilité, quant à elle, éviterait la captation de propriété dont les chemins ruraux font l’objet depuis des décennies, à condition d’autoriser l’échange, les deux questions étant étonnamment liées (B).

A. Une inaliénabilité à assumer

En l’état actuel du droit, l’aliénabilité d’un chemin rural est subordonnée à sa désaffectation à l’usage du public (C. rur., art. L. 161- 10). Cette condition, qui ne se situe pas sur le même plan que le déclassement du domaine public, acte juridique auquel elle ne saurait être assimilée, n’est pas inconnue de certains régimes de domanialité privée. Par exemple, la cession d’un immeuble du domaine privé de l’État est subordonnée au fait que le bien ne soit plus utilisé par ses services ou par l’un de ses établissements publics (CGPPP, art. L. 3211-1). De plus, la désaffectation des chemins ruraux présente un caractère subjectif ou volontariste depuis que la solution traditionnelle par laquelle le Conseil d’État exigeait que la désaffectation d’un chemin rural résultât d’un état de fait, tel que l’absence d’utilisation du chemin comme « voie de passage » par le public 23, a été récemment renversée. La cour administrative d’appel de Nantes, dans une décision du 22 septembre 2020, indique désormais que, même si « la désaffectation d’un chemin rural résulte, en principe, d’un état de fait, caractérisé notamment par la circonstance qu’il n’est plus utilisé comme voie de passage et qu’il ne fait plus l’objet de la part de l’autorité communale d’actes réitérés de surveillance ou de voirie », le conseil municipal conserve le droit « de décider l’aliénation d’un chemin rural, alors même que ce chemin n’aurait pas cessé d’être utilisé par le public, sous réserve que soit adoptée par ce conseil municipal une délibération décidant expressément de cesser l’affectation du chemin à l’usage du public » 24. Cette solution assure aux communes propriétaires la maîtrise de l’affectation de leurs chemins ruraux qui ne sont pas recouverts du « voile » de la domanialité publique 25 et retrouvent ainsi le plein exercice de leur jus utendi sur des biens qui leur appartiennent.

Mais à mieux y regarder, les rapports entre le régime de la désaffectation des chemins ruraux et le droit commun de la domanialité privée demeurent ambigus. En premier lieu, si les chemins ruraux ne sont pas soumis à proprement parler à cette obligation de déclassement qui signe la singularité de la domanialité publique, leur cession fait l’objet d’une enquête publique qui constate la désaffectation (C. rur., art. L. 161-10, L. 161-10-1, D. 161-25 à D. 161-27), ce qui constitue une exigence assez comparable.

En second lieu, la solution volontariste de la cour administrative d’appel de Nantes est sur la sellette. En dépit de son orthodoxie constitutionnelle 26, elle a été critiquée par de nombreux parlementaires qui craignent que la possibilité accordée aux communes de décider unilatéralement de la désaffectation de leurs chemins ruraux ne provoque des cessions en cascade 27. L’amendement n° CS5005 déposé par M. Julien Aubert dans la loi Climat et résilience visait à contrecarrer cette solution en redéfinissant la désaffectation – à laquelle est subordonnée la cession – comme la conséquence d’une « cause naturelle et spontanée consécutive à un désintérêt durable du public ». Cette première mouture fut remplacée par les amendements de Mme Estrosi-Sassone (am. n° 287) et de Mme Rossignol (n° 2031) qui interdisaient au conseil municipal de renverser la présomption d’affectation du chemin à l’usage du public, lorsque cette présomption était retenue sur l’utilisation comme voie de passage ou sur les actes réitérés de surveillance (v. C. rur., art. L. 161-2). La proposition ôtait concrètement à la commune toute maîtrise de l’affectation de ses propres chemins et, par conséquent, toute maîtrise de leur aliénabilité, puisque la désaffectation ne pouvait plus découler que d’éléments objectifs, étrangers à sa volonté. On sait le sort que le Conseil constitutionnel a réservé à cette disposition ; il demeure intéressant de constater comment le Parlement a souhaité faire des usagers les véritables maîtres de l’affectation et de l’aliénabilité des chemins ruraux, rognant ainsi sévèrement la propriété publique des communes.

Malgré quelques défauts 28 – quel texte en est complètement dépourvu ? –, la disposition avortée répondait aux attentes de certains élus et, apparemment, du gouvernement 29, attentifs à maintenir les nouvelles affectations des chemins ruraux aux loisirs et à la randonnée. Ce très relatif consensus pourrait inciter le Conseil d’État à désavouer la solution de la cour administrative d’appel de Nantes pour réitérer sa jurisprudence traditionnelle qui concevait la désaffectation des chemins ruraux comme un état de fait et non comme la manifestation de la volonté communale. De même, il n’est pas impossible qu’une disposition analogue soit insérée dans un prochain projet ou proposition de loi. Or, si le législateur ou le juge décidait de restaurer la conception originelle selon laquelle la désaffectation du chemin n’est pas une décision publique mais un constat objectif plaçant la commune dans une situation passive, le régime de désaffectation des chemins ruraux deviendrait plus strict encore que la domanialité publique, pour laquelle la désaffectation découle en principe d’un choix librement exercé par la personne publique propriétaire, préalable à l’acte formel de déclassement 30. Dans ce cas, il serait plus logique de les faire basculer dans le domaine public, ne serait-ce que pour conserver un semblant de cohérence à la domanialité privée qui ne tolèrerait qu’au prix d’une violente torsion des concepts les mieux ancrés du droit des biens une telle paralysie du jus uten- di. Les chemins ruraux seraient alors soumis à une obligation de déclassement qui formaliserait leur désaffectation objective, sans que la procédure actuelle qui, on l’a dit, comporte déjà une enquête publique, n’en soit excessivement complexifiée.

B. Vers l’imprescriptibilité

Il convient d’évaluer l’intérêt de soumettre les chemins ruraux à la règle de l’imprescriptibilité, autre volet de l’indisponibilité domaniale. L’imprescriptibilité aurait pour principal atout d’interrompre la disparition des chemins ruraux sur lesquels, depuis des décennies, des milliers de riverains exercent discrètement leur droit de prescription acquisitive. À la suite des élus locaux, de nombreux parlementaires se sont émus de cette captation de patrimoine public réalisée en faveur de propriétaires privés en toute légalité et dans l’indifférence 31. La proposition Tandonnet 32 visait à étendre l’imprescriptibilité des dépendances du domaine public aux chemins ruraux. Transformée au cours de la discussion en simple moratoire biennal sur l’usucapion, elle avait été assortie d’une obligation d’effectuer un recensement de l’ensemble des chemins par les autorités municipales. Par la suite, la proposition avait été insérée dans le projet de loi bio- diversité, pour être en bout de course qualifiée de cavalier législatif et écartée – déjà ! – par le Conseil constitutionnel 33. La nécessité de réaliser l’inventaire exhaustif des chemins ruraux, absents des cadastres 34, fut mise en avant au cours de la discussion parlementaire. Elle conduit à penser que, si le transfert de ce patrimoine dans le domaine public devait être la solution adoptée, elle devrait, en tout état de cause, s’accompagner d’une meilleure connaissance de celui-ci.

Actuellement, les autorités communales s’accommodent d’autant mieux de la prescriptibilité des chemins qu’elle leur permet de contourner la prohibition de l’échange”

Bien que déclarer l’imprescriptibilité des chemins ruraux apparaisse comme la solution idéale pour en interdire la captation par les riverains, cette règle pourrait dans le même temps, de manière surprenante, empêcher les communes de mettre en œuvre certains palliatifs commodes à l’interdiction de recourir à l’échange. Actuellement, les autorités communales s’accommodent d’autant mieux de la prescriptibilité des chemins qu’elle leur permet de contourner la prohibition de l’échange sur laquelle s’arc-boute le Conseil d’État 35 au nom d’une contestable exclusivité de la procédure de vente figurant à l’article L. 161-10 du code rural36. Pour dépasser cette prohibition en évitant d’importants mouvements d’argent public dans ou hors du Trésor, les communes acquièrent par usucapion l’assiette de la nouvelle section de chemin rural se situant sur le bien d’autrui, en laissant le propriétaire privé riverain exercer, en contrepartie, la prescription acquisitive de la parcelle du domaine privé sur laquelle il exerce une possession univoque 37.

La soumission des chemins ruraux à l’imprescriptibilité domaniale mettrait fin à cette pratique commode. Toutefois, cet argument est impuissant à délégitimer la domanialité publique, pour au moins deux raisons. Premièrement, c’est l’interdiction faite aux communes de pratiquer l’échange qui souffre d’une regrettable fragilité théorique, et non l’éventuelle soumission des chemins ruraux à l’imprescriptibilité domaniale, laquelle obéirait au contraire à une véritable logique. L’échange demeure dans bien des cas la manière la plus commode de rectifier ou de faire évoluer le tracé d’un chemin rural, puisqu’il s’agit de troquer l’actuelle propriété publique, souvent située à l’intérieur d’un champ cultivé, contre la bande de terrain située sur l’un des côtés de la parcelle, qui sert alors de support au nouveau tracé 38. Il est d’ailleurs discrètement mis en œuvre par certains maires, les recours contentieux étant rares contre des procédés qui, pour être illégaux, satisfont l’intérêt général dans le respect des droits privés des riverains, en tout cas lorsqu’ils sont correctement négociés 39. Si l’échange des chemins ruraux avait été autorisé, comme le prévoyait l’article 235 de la loi Climat et résilience 40, l’usucapion aurait perdu de son intérêt et la prescriptibilité de ces biens, liée à leur qualification domaniale actuelle, ne serait plus l’expédient commode qu’il est aujourd’hui. C’est donc bien l’interdiction de l’échange qui pose problème, et non l’imprescriptibilité. Deuxièmement, non seulement la domanialité publique n’est pas incompatible avec l’échange, mais l’article L. 3112-3 du CGPPP en prévoit même expressément la mise en œuvre, à la condition d’un préalable déclassement qui, dans notre hypothèse, ne saurait poser problème. Si l’on veut bien adopter une lecture compréhensive de cette disposition qui doit exclusivement s’appliquer « en vue de permettre l’amélioration des conditions d’exercice d’une mission de service public » 41, les chemins ruraux, devenus dépendances du domaine public, pourraient enfin être légalement échangés. Enfin, et plus simplement encore, ils pourraient se voir appliquer l’article L. 112-2 du code de la voirie routière qui prévoit et encadre ce procédé pour la voirie routière.

Ainsi, l’indisponibilité liée à la domanialité publique pourrait avoir des effets intéressants pour les chemins ruraux, sans que les inconvénients de cette solution ne paraissent dirimants. Le plus souvent, le rejet de la domanialité publique de ces voies est justifié par l’absence d’obligation d’entretien dont leurs gestionnaires bénéficient. Cet argument doit être à présent discuté, tout comme la faculté du régime de domanialité publique à permettre l’amélioration de leur gestion.


II. AMÉLIORER LA GESTION

Souvent avancé, l’argument selon lequel la domanialité privée des chemins ruraux permet aux communes d’échapper à l’obligation d’entretien peine à convaincre (A). En outre, rien n’empêcherait des chemins ruraux appartenant au domaine public de confier une place significative aux riverains et aux autres acteurs privés, qui est un enjeu actuel important (B).

A. Pour une véritable obligation d’entretien

Au prix d’un surprenant renversement de la logique juridique, c’est pour préserver la liberté des communes de ne pas entretenir leurs chemins ruraux qu’il est convenu de les maintenir dans le domaine privé 42, quitte à ce que le régime juridique, qui précède la qualification, demeure en « porte-à-faux » vis-à-vis de la réalité de leur affectation 43. Les communes n’auraient tout simplement pas les moyens d’entretenir des chemins ruraux dont elles ignorent parfois jusqu’à l’existence, raison pour laquelle les dépenses y relatives ne sont pas obligatoires (CGCT, art. 2321-2).

La réalité est tout de même plus subtile. Indépendamment même du fait que le maire exerce sur les chemins ruraux un pouvoir de police générale dont l’abstention est fautive en cas de péril grave 44, certains d’entre eux sont soumis à une obligation d’entretien liée à leur qualification d’ouvrages publics. Les chemins ruraux connaissent sur ce point des spécificités qui altèrent la cohérence du régime de l’ouvrage public et que l’on peut résumer comme suit : l’usager peut engager la responsabilité de la commune pour défaut présumé d’entretien normal 45 (condition classique), à condition que la commune ait précédemment manifesté sa volonté d’assumer cet entretien 46 postérieurement à son incorporation, en réalisant des travaux destinés à en assurer ou à en améliorer la viabilité 47 (condition spécifique). Par ailleurs et logiquement, le tiers bénéficie du traditionnel régime de responsabilité sans faute si le dommage est causé par un chemin déclaré entretenu 48.

L’extension de l’obligation d’entretien à l’ensemble des chemins ruraux aurait plusieurs avantages. Elle unifierait le régime de l’entretien des ouvrages publics en mettant un terme à une condition qu’en droit des contrats on qualifierait volontiers de « potestative ». Elle permettrait de ne pas appliquer les rudimentaires règles du code civil (C. civ., art. 1240, anc. 1382) aux victimes d’accidents survenus sur des chemins non-entretenus et restaurerait l’égalité entre les victimes de chemins ruraux entretenus et non-entretenus. Elle empêcherait l’exercice de l’usucapion par les riverains, qui pourraient difficilement démontrer l’existence d’une possession non-équivoque sur un chemin entretenu – même si ce problème pourrait être aussi réglé par l’application de la règle d’imprescriptibilité domaniale, v. supra. De plus, elle inciterait les communes à établir l’inventaire de leurs biens 49 et, progressivement, à en écarter les moins utiles à la circulation publique, quitte à céder ces derniers afin de les soumettre in fine au régime des chemins (privés) d’exploitation 50. De plus, l’extension de l’obligation d’entretien mettrait fin à la situation dans laquelle une commune accorde un permis de construire pour une parcelle desservie par un chemin rural, ne cessant par la suite de se dégrader 51. Enfin, et de manière générale, elle aurait le mérite d’assumer pleinement l’affectation des chemins ruraux à l’utilité publique, et pas seulement aux circulations agricoles, mais aussi aux activités touristiques et de plein-air, qui prennent une importance non négligeable dans le développement de la ruralité, via notamment les plans départementaux des itinéraires de promenade et de randonnée (C. rur., art. L. 161-2). L’extension de l’obligation d’entretien accompagnerait la prise de conscience générale dont témoignent les questions et propositions parlementaires récentes.

Il n’est pas certain que la domanialité publique soit l’unique moyen de réaliser cet objectif. Néanmoins, que l’on justifie l’obligation d’entretien du domaine public immobilier par l’affectation à l’utilité publique 52, par la qualification d’ouvrage public de la plupart de ses dépendances, par l’obligation d’ordonnancer les dépenses obligatoires 53, ou qu’on la fonde sur l’application de textes spéciaux, il est un fait incontestable qu’il doit être entretenu. Du reste, si les chemins ruraux devaient un jour appartenir au domaine public, ils seraient soit incorporés à la voirie communale, soumise à une obligation d’entretien (C. voirie routière, art. L. 141-8,), soit soumis à des règles s’en inspirant. À cet égard, sont d’ores et déjà applicables aux chemins ruraux la contribution spéciale prévue par l’article L. 141-9 du code de la voirie routière pour les véhicules détériorant la voirie communale (C. rur., art. L. 161-8), ainsi que les articles L. 115-1, L. 141-10 et L. 141-11 du code de la voirie routière relatifs à la coordination des travaux exécutés sur les voies publiques (C. rur., art. L. 161- 13, 2°), ce qui constitue un premier pas vers cette assimilation.

La principale entrave à l’extension de l’obligation d’entretien n’est pas juridique mais financière

La principale entrave à l’extension de l’obligation d’entretien n’est donc pas juridique mais financière. L’objection peut être levée en invoquant plusieurs arguments. Tout d’abord, les enjeux budgétaires expriment toujours des enjeux politiques sous-jacents. Si la sauvegarde des chemins ruraux devient une priorité pour les pouvoirs publics locaux et nationaux, comme les débats récents peuvent le laisser penser, alors on peut croire que « l’intendance suivra ». Plus encore, il est possible d’imaginer que seuls les chemins ruraux les plus importants, et notamment ceux qui sont situés dans les nouveaux faubourgs urbains, les plus utilisés, les mieux connus, notamment par des « nouveaux » acteurs locaux tels que les associations de randonnée, et les mieux entretenus par les communes auraient vocation à intégrer le domaine public et la voirie communale. Les autres voies, celles pour lesquelles la commune est exemptée de toute obligation d’entretien, dont l’utilité publique est moins prégnante et qui desservent prioritairement les propriétés riveraines, pourraient, soit, demeurer dans le domaine privé dont le régime serait assoupli (la procédure de redressement n’est pas indispensable à ce type de voies), soit être transmises en pleine propriété aux riverains qui devraient s’acquitter des obligations relatives aux chemins d’exploitation (C. rur., art. L. 162-1 à L. 162-5) ou s’assembler en association (v. infra). Enfin, les problèmes d’ordre financier peuvent pour partie être résolus par la coopération avec les acteurs privés.

B. Susciter la coopération avec les acteurs privés

L’une des manières de répondre aux enjeux, notamment budgétaires, liés à l’entretien de nos chemins ruraux consiste à s’appuyer sur les riverains qui ont tout intérêt à disposer de voies en bon état. Actuellement, les procédés qui permettent de requérir leur participation sont plutôt autoritaires et unilatéraux, voire dirigistes. D’abord, les riverains d’un chemin créé ou entretenu par une association syndicale de propriétaires autorisées (ASA) antérieurement à son incorporation dans la voirie rurale ou ceux des chemins dont le tracé a été modifié à la suite d’une proposition de la commission communale d’aménagement foncier, ou dont l’ouverture, le redressement, l’élargissement, la réparation ou l’entretien incombait à une association syndicale avant le 1er janvier 1959 sont assujettis à une taxe spéciale. Une même contribution peut être prélevée sur les riverains d’un chemin utilisé pour l’exploitation d’un ou de plusieurs fonds (C. rur., art. L. 161-7). Ensuite, une ASA, composée en principe de propriétaires riverains 54, peut être constituée lorsque la commune a rejeté la proposition faite par une majorité d’intéressés (la moitié plus un de propriétaires représentant les deux tiers de la superficie ou l’inverse) de se charger des travaux nécessaires pour mettre ou maintenir la voie en état de viabilité ou d’instituer ou d’augmenter la taxe spéciale évoquée plus haut (C. rur., art. L. 161-11). Par sa lourdeur administrative et son exorbitance, la constitution d’une ASA, établissement public créé par le préfet 55, laisse peu de place à l’émergence d’une libre coopération entre commune propriétaire, riverains et usagers des chemins ruraux.

Certes, rien n’empêche une association loi 1901 « composée d’usagers, tels que des randonneurs et des promeneurs, de participer volontairement à l’entretien de chemins ruraux » 56, dans le cadre de ce qui s’apparente à une offre de concours 57. Pour encourager cette forme de coopération spontanée encore trop timide, un amendement parlementaire avait proposé, dans le cadre du débat relatif à la loi Climat et résilience, qu’une association loi 1901 puisse restaurer et entretenir un chemin rural, à condition qu’il n’existât pas d’association syndicale autorisée (ASA), soit à la demande de la commune propriétaire, soit, gratuitement, sur initiative de l’association. Les associations de droit commun, qui aurait été composées aussi bien de propriétaires riverains que de tiers usagers, étaient judicieusement appelées à jouer un rôle complémentaire, manière de reconnaître, selon le promoteur de cette disposition 58, le travail qu’elles fournissaient déjà en ce sens.

L’assouplissement et l’externalisation de la gestion et de l’entre- tien des chemins ruraux est parfaitement compatible avec un changement de qualification domaniale. Si le juge administra- tif veille à ce que les collectivités territoriales ne se départissent pas de la gestion de leurs propriétés en faveur d’un établissement public en dehors de tout cadre législatif 59, cette jurisprudence, qui s’applique aussi bien au domaine public qu’au domaine privé, n’empêche absolument pas d’externaliser la gestion de biens du domaine public. D’ailleurs, l’État dispose déjà d’outils spécifiquement dédiés à la restauration ou à l’entretien de ses dépendances domaniales, telle la convention de gestion – contrat par lesquels l’État confie la conservation, la protection ou la mise en valeur de l’un de ses immeubles à une personne publique, une association ou une fondation – (CGPPP, art. L. 2123-2,) ou le BEA valorisation. Au plan local, les instruments existent aussi, indépendamment du statut des biens concernés. Au-delà des offres de concours spontanées 60 ou des mécanismes déjà indiqués, qui mobilisent ASA et associations loi 1901, rien n’empêche la commune gestionnaire du domaine public local d’externaliser conventionnellement l’entretien, l’amélioration ou la conservation de ses dépendances, via un marché public de service ou de travaux – et non une concession dès lors que le cocontractant ne pourra se rémunérer sur l’usager –, dans le respect du code de la commande publique, à condition de ne pas se dessaisir complètement de la compétence de gestion 61.

Le transfert de l’entretien d’un bien peut préfigurer le transfert de sa gestion puis de sa propriété. On l’a dit, une partie des chemins ruraux pourraient être rétrocédés aux riverains sous la forme de chemins privés d’exploitation, ou bien être transmis en pleine propriété à une association d’usagers et/ou de riverains. Le député Cubertafon avait déposé en ce sens un amendement n° 4070 à la loi Climat et résilience prévoyant l’appropriation de certains chemins par une association loi 1901 qui en aurait assuré l’entretien et l’affectation à l’usage public. Les biens auraient fait retour dans le patrimoine de la commune en cas de dissolution de l’association. Finalement rejetée, une telle proposition, qui peut paraître excessive, a eu le mérite d’ouvrir le débat sur la nécessité d’établir une gradation dans l’exorbitance du régime des chemins ruraux, en fonction de leur plus ou moins grande imprégnation par l’intérêt public.


CONCLUSION

L’application des règles fondamentales de la domanialité publique pourrait permettre de mieux protéger les chemins ruraux. De nombreuses règles régissant le domaine public routier communal, telles que le redressement et l’élargissement (C. voirie routière, art. L. 141-6, par renvoi de l’article L. 161-9 du code rural), leurs sont déjà applicables. Ils pourraient, en fonction de leurs caractéristiques physiques et de leur fréquentation, être plus ou moins exemptés de l’application des autres règles liées à la domanialité publique, dans la mesure où celles-ci ne relèvent pas de son noyau dur incompressible. C’est le cas de l’alignement (C. voirie routière, art. L. 112-1 et s.) 62 et des contraventions de voirie routière (C. voirie routière, art. L. 116-1 et s.), dont la sévérité pourrait apparaître disproportionnée. La domanialité publique n’est pas un bloc. Il est peut-être temps d’en questionner à nouveau « l’identité », et de restaurer l’état d’esprit originel, celui qui anima Proudhon, et qui justifierait d’agréger dans ce domaine l’ensemble des réseaux et des voies de communication, quitte, en contrepartie, à désengorger le domaine public affecté au service public 63.

1 G. Roupnel, Histoire de la campagne française, Plon, 1974 rééd., p. 205. 2 G. Vincent, Les chemins creux en groupes de l’époque de la Tène : Rev. des études anciennes, t. XXXI, n° 4, p. 327.
3 La réalité historique est complexe. Il a été supposé que les routes primitives ont souvent servi de tracé à nos routes modernes, alors que les voies romaines, tracées au cordeau dans un dessein commercial et militaire, ont souvent fini par être abandonnées. Il y a là une leçon à méditer.
4 G. Roupnel, Histoire de la campagne française, op. cit., p. 198.
5 CE, 16 févr. 1894, n° 76252 : Lebon, p. 131 ; 8 févr. 1907 : Lebon, p. 134 – 22 mars 1929, n° 6635 : Lebon, p. 356 ; 9 juill. 1929, n° 7341 : Lebon, p. 708 – 14 juin 1972, n° 80486 : Lebon, p. 441 ; 19 mai 1976 : Dr. adm. 1976, comm. 184 – 11 mai 1984, n° 24755 : Lebon, p. 782 – 13 mars 1996, n° 142023 : LPA 24 juill. 1996, p. 12 – CAA Bordeaux, 8 mars 1999, n° 97BX01339 – CE, 17 févr. 2010, n° 316669 – CAA Marseille, 14 mars 2011, n° 09MA00728 – Rép. min. à QE n° 25382 : JO AN 23 juill. 1990, p. 3531 – J.-M. Demange, Ch. Lavialle, Chemins ruraux : JCl. Rural, fasc. 10, 2021, n° 36.
6 Quand bien même certaines compétences sur les chemins ruraux affectés à la circulation publique auraient été transféré à un EPCI (circulaire du 20 février 2006 relative à l’assistance au profit des communes et de leurs groupements à la définition de l’intérêt communautaire de la voirie : BO min. int. 2006-2, p. 164).
7 M. Isambert, Traité de la voirie rurale et urbaine. Des chemins et des rues communaux, d’après la loi du 28 juillet 1824, Partie 1, Constantin, 1825 (gallica.bnf.fr), p. 119.
8 M. Bourjol, Les biens communaux, LGDJ, 1989.
9 Ch. Lavialle, La fin des chemins ruraux ?, in Mélanges offerts à Pierre Montané de la Roque, Toulouse, Presses IEP, 1986, t. 1, p. 459 ; fasc. préc. – M.-C. Rouault, Domaine privé communal : le juge judiciaire est seul compétent : JCP N 2005, 1269 – A. Leroy et M. Malard, La détermination du domaine privé : LPA 4 mai 2001, p. 51.
10 G.-D. Marillia, L’absence d’entretien des chemins ruraux : Vie communale, 25 févr. 2021.
11 Ch. Lavialle, Chemins ruraux : JCl Rural, fasc. 10, 2021, n° 2.
12 J. Debeaurain, La déspécialisation des chemins ruraux et chemins d’exploitation : RD rur. 2012, doss. 6.
13 P. Benezech-Sarron, La protection contractuelle des sols, th. dactyl. Univ. Savoie-Mont-Blanc, 2021, p. 223.
14 S. Tesson, Sur les chemins noirs, Gallimard, 2016. Il demeure environ 700 000 km de chemins ruraux ; en quarante ans, ils ont diminué de moitié. 15 Ch. Lavialle, De la difficulté d’aliéner un chemin rural, note sous CE, 18 déc. 2015, n° 378809 : RD rur. 2016, comm. 70.
16 L’usager ne peut engager la responsabilité de la commune pour défaut présumé d’entretien normal (CAA Marseille, 15 oct. 2020, n° 19MA03110) qu’à condition que la commune ait précédemment manifesté sa volonté d’assumer cet entretien (CE, 3 déc. 1986, n° 65391 – Rép. min. à QE [Masson] n° 00024 : JO Sénat 31 août 2017, p. 2758) ; et le tiers dispose en ce cas d’un régime de responsabilité sans faute (CAA Nancy, 22 déc. 2020, n° 19NC00422).
17 CA Paris, 16 nov. 1983 : Gaz. Pal. 1984, 1, p. 183, concl. Sodini – Cass. 3e civ., 1er avr. 2009, n° 08-11.854 – 9 juin 2015, n° 14-12.383 – 5 févr. 2013, n° 11-28.299 – Rép. min. à QE n° 14215 [Masson] : JO Sénat 26 mars 2015, p. 701 – Rép. min. à QE n° 12455[Masson] : JO Sénat 24 sept. 2015, p. 2249.
18 CAA Nantes, 22 sept. 2020, n° 20NT01144, Cne de Langesse : AJDA 2021, p. 247 – Rép. min. à QE n° 36468 [Kramal] : JO AN 8 juin 2021, p. 4725.
19 T. confl., 28 juin 1976, n° C2027.
20 Ph. Yolka, L’interdiction d’échanger les chemins ruraux : RD rur. 2008, comm. 43.
21 JO 24 août 2021.
22 Cons. const., 13 août 2021, n° 2021-825 DC, Loi Climat et résilience.
23 CE, 25 nov. 1988, n° 59069.
24 CAA Nantes 22 sept. 2020, n° 20NT01144, Cne de Langesse : AJDA 2021, p. 247. V. aussi TA Nancy, 15 déc. 2020, n° 1903215, 1903449 et 1903284, Cne de Commercy.
25 Y. Gaudemet, Préface à Ph. Yolka, La propriété publique. Éléments pour une théorie, LGDJ, 1997.
26 La propriété publique est protégée par le Conseil constitutionnel non plus « à titre égal » (Cons. const., 26 juin 1986, n° 1986-207 DC, Privatisations : RDP 1989, p. 399, note Favoreu), mais « comme » les propriétés privées (Cons. const., 26 juin 2003, n° 2003-473 DC, Simplification du droit : AJDA 2003, p. 2348, note Fatôme et Richer – 17 déc. 2010, n° 2010- 67/86QPC, Région Centre et Région Poitou-Charentes : JCP A 2011, p. 24, note Yolka) dans toutes ses composantes, usus, fructus et abusus, (v. par ex. Cons. const., déc. 94-346 DC, Droits réels : AJDA 1994, p. 786, note Gondouin ; RFDA 1994, p. 1106, note Lavialle ; RFDC 1994, p. 814, note P. Bon). Pour une analyse de la conception française de la propriété publique, Y. Gaudemet, Constitution et biens publics : CCC n° 37, oct. 2012.
27 Rép. min. à QE n° 36468 [Krabal] : JO AN 8 juin 2021, p. 4725 ; Dr. voirie 2021, p. 142.
28 La proposition aurait pu gêner les opérations de réorganisation de l’espace rural, et notamment les opérations d’urbanisation d’anciens terrains traversés de chemins ruraux (J. Cahen, La sécurisation des cessions de chemins ruraux, des chausse-trappes à maîtriser : RD rur. 2008, 1062).
29 Rép. min. : JO Sénat 10 juin 2021, p. 3690.
30 CGPPP, art. L. 2141-1. La formulation de la décision suivante tendrait même à faire penser que seul un déclassement suffit pour les dépendances du domaine public affectées à l’usage direct du public, la désaffectation « suivant » d’elle-même (CAA Lyon, 9 juill. 2020, n° 18LY00747).
31 CA Paris, 16 nov. 1983 : Gaz. Pal. 1984, 1, p. 183, concl. Sodini – Cass. 3e civ., 1er avr. 2009, n° 08-11.854 – 9 juin 2015, n° 14-12.383 – 5 févr. 2013, n° 11-28.299 – Rép. min. à QE n° 14215 [Masson] : JO Sénat 26 mars 2015, p. 701 – Rép. min. à QE n° 12455 [Masson] : JO Sénat 24 sept. 2015, p. 2249. 32 Proposition de loi tendant à interdire la prescription acquisitive des immeubles du domaine privé des collectivités territoriales et à autoriser l’échange en matière de voies rurales, n° 292, déposée le 16 janvier 2014 au Sénat.
33 Cons. const., 4 août 2016, n° 2016-737 DC, Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages : AJDA 2016, p. 1605 ; Constitutions 2016, p. 487, chron. K. Foucher.
34 Ph. Yolka, Les biens immobiliers des personnes publiques : une situation « cadastrophique » : Dr. Voirie 2021, p. 97.
35 CE, 13 févr. 1920, n° 43495 : Lebon, p. 157 – 20 févr. 1981, n° 13526 : Lebon, p. 637 ; Dr. adm. 1981, comm 114 – 23 mai 1986, n° 48303 : Lebon, p. 147 ; Dr. adm. 1986, comm. 377 ; AJDA 1986, II, p. 462, note J. C. – 11 sept. 1995, n° 129596 – 4 mars 1996, n° 146129 – Cass. 3e civ., 14 déc. 2004, n° 03-16.834 – CAA Lyon, 6 oct. 2009, n° 07LY02921 – TA Clermont- Ferrand, 4 nov. 2009, n° 091083 : AJDA 2010, p. 917 – CE, 17 nov. 2010, n° 338338 : JCP A 2011, 2003, note J.-C. Videlin et Ph. Yolka. Le rôle du juge administratif en matière d’aliénation d’un bien du domaine privé se justifie par la compétence du juge administratif à l’égard des actes détachables des contrats affectant le périmètre et la consistance du domaine privé (T. confl., 22 nov. 2010, n° C3764, Sarl Brasserie du théâtre : Lebon ; AJDA 2010, p. 2423, chron. Botteghi et Lallet ; BJCP 2011, n° 74, p. 55, concl. Collin et obs. Schwartz ; Contrats-Marchés publ. 2011, comm. 26, note Devillers ; Dr. adm. 2011, comm. 20, note Melleray ; GDDAB, 3e éd., 2018, comm. Melleray ; JCP A 2011, 2239, chron. Chamard-Heim ; JCP G 2011, 537, chron. Eveillard.
36 Cette jurisprudence administrative contestable, frisant même le contra legem (CGPPP, art. L. 1111-4), est officieusement fondée sur les difficultés qu’il y aurait à organiser correctement, au cours d’un échange, la procédure d’enquête prévue pour la vente et ainsi d’assurer, dans ce cadre, le respect du droit de priorité des riverains (v. C. rur., art. 161-10). V. A. Leroy et M. Malard, La détermination du domaine privé : LPA 14 mai 2001, p. 51. Les arguments avancés pour prohiber l’échange ne sont guère convaincants, v. Ph. Yolka, L’interdiction d’échanger les chemins ruraux, préc.
37 T. confl., 28 juin 1976, n° 2027 : Lebon. Bien qu’une réponse ministérielle ait pu jeter le froid sur la possibilité qu’ont les personnes publiques de recourir à l’usucapion (Rép. min. à QE n° 93233 [Zimmermann] : JO AN, 22 mars 2011, p. 2727), la doctrine (Ph. Yolka, Le point sur l’usucapion par les personnes publiques : JCP N 29 avr. 2011, p. 5 – Th. Bompard, Prescriptions et propriétés publiques : RDP 2019, p. 895 – H. Devillers, L’utilisation du bien d’autrui par une personne publique, Mare & Martin, 2019, p. 274) et la jurisprudence (Cass. 3e civ., 26 mars 2013, n° 12-10.012 – 19 mai 2015, n° 14-13.517 – 23 juin 2015, n° 14-15.625 – 15 déc. 2016, n° 15-24.931 – 1er févr. 2018, n° 16-23.200 – CAA Nancy, 23 juill. 2019, n° 16NC00278 et 16NC00307, Cne de Gresswiller : Dr. Voirie 2019, p. 221) confirment cette possibilité.
38 D. Lochouarn, Voirie rurale, des mesures protectrices au bout du chemin, préc.
39 Ibid. ; Rép. min. à QE n° 06013 [Bouloux] : JO Sénat 5 juill. 2018, p. 3300.
40 L’article avait tenté d’autoriser l’échange des chemins ruraux, tout en soumettant la procédure à l’avis du directeur départemental des finances publiques (renvoi à CGPPP, art. L. 3222-2) et à l’édiction d’une délibération, le cas échéant motivée, du conseil municipal (renvoi à CGCT, art. L. 2241-1).
41 Les chemins ruraux sont un service public selon G.-D. Marillia, L’absence d’entretien des chemins ruraux, Vie communale, 25 févr. 2021.
42 Ch. Lavialle, De la difficulté d’aliéner un chemin rural, note sous CE, 18 déc. 2015, n° 378809 : RD rur. 2016, comm. 70 – G.-D. Marillia, préc.
43 C. Lavialle, La fin des chemins ruraux ?, préc.
44 CAA Douai, 27 juin 2019, n° 17DA00201 : RD rur. 2019, comm. 113, D. Lochouarn.
45 CAA Marseille, 15 oct. 2020, n° 19MA03110.
46 CE, 3 déc. 1986, n° 65391 – Rép. min. n° 00024 [Masson] : JO Sénat 31 août 2017, p. 2758.
47 CE, 26 sept. 2012, n° 347068. Ex. : rebouchage de trous, élagage des haies (CAA Nantes, 30 déc. 2004, n° 01NT01536), réalisation d’un enrobé ou réparation de l’empierrement (TA Lyon, 21 oct. 2008, n° 0603763).
48 CAA Nancy, 22 déc. 2020, n° 19NC00422.
49 C’est ce qui avait été prévu par l’article 76 de la loi Biodiversité avant censure du Conseil constitutionnel.
50 Cass. 13 juin 1837 : DP 1837, 1, p. 423 – CAA Nancy, 19 déc. 1991, n° 90NC00127 – CA Toulouse, 14 déc. 1998, n° 97/0319 – CAA Lyon, 6 mai 2008, n° 06LY01030 – CAA Marseille, 8 oct. 2012, n° 12MA01368 – C. rur. art. L. 162-1 et s.
51 G.-D. Marillia, préc.
52 CE, 3 mai 1963, Cne de Saint-Brévin-les-Pins : Lebon, p. 259 ; RDP 1963, p. 1174, note Waline ; CJEG 1964, J., p. 186, note Virolle – C. Chamard- Heim, in P. Gonod, F. Melleray et Ph. Yolka, Traité de droit administratif, Dalloz, 2011, p. 324.
53 N. Foulquier, Droit administratif des biens, LexisNexis, 2018, 4e éd., p. 242 – J.-M. Auby, P. Bon, J.-B. Auby et Ph. Terneyre, Droit administratif des biens, Dalloz, 2020, p. 115 – C. Palluel, L’entretien des biens publics, une obligation générale introuvable ? : Dr. com. oct. 2018, p. 15.
54 Rép. min.à QE n° 11248 [Vall] : JO Sénat 4 mars 2010, p. 537.
55 Ord. n° 2004-632, 1er juill. 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires, art. 2.
56 Rép. min. à QE n° 11274 [A. de Montesquiou] : JO Sénat 4 mars 2010, p. 537.
57 V. par ex. CAA de Lyon, 5 nov. 2009, n° 07LY00792.
58 Am. n° 4068 du député Cubertafon.
59 CAA Nancy, 16 avr. 1998, n° 95NC01673, Région Nord-Pas-de- Calais : Lebon, T. ; Dr. admin. 1998, n° 308 ; RDI 1999, p. 77, note Lavialle, spécifiquement fondée sur la répartition des compétences régionales et l’interdiction de créer un établissement public hors de toute disposition législative.
60 C. Chamard-Heim et a., L’externalisation de la gestion des propriétés publiques : JCP A 2012, 2136.
61 O. de David Beauregard-Berthier, La création d’un établissement public pour gérer des propriétés publiques : JCP A 2012, 2134.
62 L’alignement est sous étroit contrôle constitutionnel (Cons. const., 2 déc. 2011, n° 2011-201 QPC : AJDA 2011, p. 2382 ; AJDA 2012, p. 489, comm. N. Foulquier ; JCP A 2012, 2038, H. Pauliat ; JCP A 2011, act. 761 ; AJDI 2012, p. 93, chron. S. Gilbert ; RD imm. 2012, p. 170, obs. N. Foulquier ; Dr. adm. 2012, comm. 28, S. Deliancourt ; BJCL 2012, p. 418, obs. S. Traoré) et conventionnel (X. Braud, Droit administratif des biens, 2e éd., Gualino, p. 155).
63 Ch. Lavialle, Que reste-t-il de la jurisprudence Société Le Béton ? : RFDA 2010, p. 533.


Hugo Devillers
Maître de conférences
Université Sorbonne Paris Nord (IDPS)