En bref…
CE, 12 déc. 2022, n° 467497, Sté Cuisine éco-logique et diététique caribéenne
Cassation d’une ordonnance de référé mesures utiles (CJA, art. L. 521-3), au motif que le premier juge s’est cru habilité à prescrire à l’occupant sans titre expulsé du domaine public maritime de démolir les ouvrages qu’il y avait implantés, alors que les injonctions prononcées à ce titre ne sauraient emporter qu’un caractère provisoire et conservatoire (Contrats-marchés publ. 2023, comm. 92, obs. Muller. Dans le même sens, pour une occupation constitutive de contravention de grande voirie, CE, 23 mars 2005, n° 268522). On n’est finalement pas très loin de l’ancienne interdiction des mesures préjudiciant au principal, qui s’imposait avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives.
Ce verrou saute cependant face à un texte législatif contraire (CJA, art. L. 521-3-1 al. 2, à propos du relogement des occupants illégaux de la zone des cinquante pas géométriques) ; ici, le Conseil d’État n’en a pas fait application, l’installation en cause étant un restaurant de plage certes établi dans la zone considérée (au Gosier, en Guadeloupe), mais sans que le droit au logement fût visiblement en jeu. Il y a toujours un peu de flou quant aux limites exactes des pouvoirs du juge du référé, certaines décisions ayant par le passé prescrit la démolition d’installations légères (par ex., pour celle d’un toboggan de plage, sur le fondement de l’ancien article R. 102-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, CAA Bordeaux, 19 déc. 1989, n° 89BX01718, Cne de Mimizan). Et même si la ligne qu’illustre l’arrêt du 12 décembre 2022 paraît de bon sens, puisqu’il faut bien ventiler les compétences entre juge du référé et juge du fond pour le contentieux du « squat domanial », elle repose sur un petit artifice : car en pratique, l’expulsion elle- même est prononcée la plupart du temps par le premier et lui seul ; or, elle emporte un effet définitif.

Philippe Yolka
Professeur de droit public
Université Grenoble Alpes