Stationnement payant : les collectivités peuvent écarter le droit d’opposition à la collecte de l’immatriculation

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Les collectivités territoriales peuvent bien écarter le droit d’opposition au traitement des données à caractère personnel afin de recueillir le numéro d’immatriculation des véhicules dans le cadre du stationnement payant sur la voie publique. C’est ce qu’a récemment indiqué le directeur général de la Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités aux présidents de France Urbaine, de l’Association des maires de France, d’Intercommunalités de France et du Gart.
La Cnil s’y était initialement opposée, estimant qu’aucune disposition spécifique ne permettait d’écarter ce droit d’opposition. Elle avait en conséquence mis en demeure fin 2021 la commune de Marseille, qui procédait à un tel recueil, de régulariser sa situation dans les 6 mois. L’autorité avait invité dans le même temps le ministre de l’Intérieur, soit à donner un cadre réglementaire à la pratique, soit à réaffirmer la possibilité pour l’usager d’exercer son droit d’opposition. Le ministère s’y était plié, travaillant à un projet de décret permettant aux collectivités d’écarter ce droit d’opposition. Inutilement, puisque consulté sur le projet de texte, la section de l’intérieur du Conseil d’État, prenant le contrepied de la Cnil, a jugé que le cadre juridique existant était suffisant.
Le Palais-Royal convient que la collecte du numéro d’immatriculation constitue une donnée à caractère personnel et que l’usager est en droit de s’y opposer. Mais, combinant la lecture de l’article 56 de la loi Informatiques et libertés et de l’article 23 du RGPD, il relève, d’une part, que le droit d’opposition ne s’applique pas lorsque son application « a été écartée par une disposition expresse de l’acte instaurant le traitement » et, d’autre part, que cette mise à l’écart est possible « par la voie de mesures législatives ». Or le Conseil d’État rappelle que, dans les domaines de compétences qui leur ont été attribuées par la loi, les communes, les Epci ou les syndicats mixtes compétents peuvent prendre des actes pouvant être regardés comme de telles « mesures législatives », en raison notamment de leur caractère réglementaire et de leur régime de publicité.
Pour écarter le droit d’opposition, les collectivités doivent toutefois veiller à respecter plusieurs conditions de forme et de fond. D’abord, la disposition écartant le droit d’opposition doit figurer sur l’acte ayant autorisé le traitement, « afin que ces deux éléments puissent être lus de manière concomitante ». Ensuite, cette dérogation au droit d’opposition doit être justifiée par un motif d’intérêt général. Peuvent relever de ce dernier « l’efficacité du contrôle du stationnement payant pour assurer la sécurité publique » ou « la bonne gestion de la collecte des redevances ». En outre, une délibération prise par le conseil municipal ou l’organe délibérant du groupement compétent (Epci ou syndicat mixte) est nécessaire. La gestion du paiement du stationnement ayant été dépénalisée, l’acte n’est en effet plus rattachable à un pouvoir de police et il n’entre pas dans le champ des compétences que le conseil municipal peut déléguer à l’exécutif. Cette délibération doit encore préciser certaines modalités du traitement systématique du numéro d’immatriculation. Doivent l’être : les finalités du traitement, les catégories de données à caractère personnel concernées (ici, le numéro d’immatriculation), l’étendue des limitations introduites aux droits garantis par le RGPD (ici, la dérogation dûment justifiée), les garanties destinées à prévenir les abus ou l’accès ou le transfert illicite des données concernées, l’identité du (ou des) responsable(s) du traitement, les durées de conservation et garanties applicables, en tenant compte de la nature, de la portée et des finalités du traitement, les risques pour les droits et libertés des personnes concernées et le droit de ces dernières d’être informées de la limitation à leur droit d’opposition.

En revanche, les collectivités qui ne souhaiteraient pas adopter une telle délibération doivent modifier leurs dispositions de paiement de la redevance de stationnement afin de permettre à l’usager de s’opposer à la saisie et à la collecte de cette information localement.

Dans une note du 1er juin dernier, la Cnil rappelle sur son site, de manière générale, les conditions de dérogation au droit d’opposition.