Promoimpresa étend son emprise sur le domaine public, mais bute sur le domaine privé

Cours & Tribunaux

CE, 2 décembre 2022, n° 455033, Société Paris Tennis : Lebon
CE, 2 décembre 2022, n° 460100 : Lebon

Dans deux décisions d’importance, le Conseil d’État a saisi l’occasion de s’approprier la décision Promoimpresa de la CJUE. Il juge dans la première que l’autorisation, disponible en nombre limité, d’occupation du domaine public permettant d’exercer une activité de services doit faire l’objet d’une procédure de sélection préalable comportant toutes les garanties d’impartialité et de transparence. Il estime en revanche dans la seconde que ces obligations de publicité et de mise en concurrence ne s’appliquent pas à la conclusion de baux portant sur des biens appartenant au domaine privé, qui ne constituent pas une autorisation pour l’accès à une activité de service ou à son exercice.


CONCLUSIONS

I. CADRE DES LITIGES

A. Contexte jurisprudentiel

Il y a vingt ans, votre rapport public Collectivités publiques et concurrence constatait déjà que le domaine public était devenu « le siège d’enjeux économiques (…) considérables » et que les décisions prises par les gestionnaires publics étaient « susceptibles d’avoir de fortes incidences en matière de concurrence » ; il en est ainsi, releviez-vous alors, lorsque l’Administration confie à un partenaire privé le soin de construire dans le cadre d’un bail emphytéotique un bâtiment destiné à répondre à ses besoins ou lorsqu’un gestionnaire de domaine public confie à un partenaire privé une concession d’endigage… Dans tous ces cas, « l’exigence de bonne gestion et l’exigence de ne pas porter atteinte au fonctionnement concurrentiel du marché se rejoignent » et « la situation n’est pas éloignée de celle qui prévaut en matière de commande publique ».

Par vos décisions du 26 mars 1999, Société EDA 1, et du 22 novembre 2000, Société L&P Publicité 2, vous avez, dans la ligne de votre jurisprudence Million et Marais 3, décidé, pour apprécier la légalité d’actes relatifs respectivement à la gestion du domaine public et à l’exercice du pouvoir de police administrative, d’intégrer le droit de la concurrence dans le bloc de légalité applicable.

Pour autant, le principe de l’entière liberté de passation des conventions domaniales posée par votre décision Dame Dejean du 26 avril 1944 4 est resté longtemps la règle, à l’exception de la circonstance où un contrat comporte à la fois une autorisation d’occupation du domaine public et une délégation de service public ; c’est alors le régime juridique de cette dernière qui s’applique, y compris au stade de l’appel à la concurrence 5.

Vous aviez réaffirmé cette liberté dans votre décision Jean-Bouin, qui, notons-le, portait déjà sur une contestation de la société Paris Tennis 6. Vous y aviez jugé qu’« aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n’impose à une personne publique d’organiser une procédure de publicité préalable à la délivrance d’une autorisation ou à la passation d’un contrat d’occupation d’une dépendance du domaine public, ayant dans l’un ou l’autre cas pour seul objet l’occupation d’une telle dépendance. La circonstance que l’occupant de la dépendance domaniale serait un opérateur sur un marché concurrentiel est sans incidence » 7.

Les deux affaires qui vous sont soumises aujourd’hui vont vous conduire à réexaminer, à l’aune de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), le principe d’une obligation de publicité et de mise en concurrence préalablement à la délivrance d’un titre d’occupation du domaine public à un opérateur économique agissant sur un marché concurrentiel, que ce titre soit contractuel ou unilatéral, mais aussi ces mêmes exigences s’agissant de la gestion du domaine privé d’une personne publique.

En effet, elles posent toutes deux la question de l’application de l’article 12 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, dite directive Services, dont le délai de transposition a expiré le 28 décembre 2009, tel qu’interprété par la CJUE dans son arrêt Promoimpresa 8.

B. Faits et procédure

Les faits de l’affaire n° 455033 sont les suivants. Le Sénat a conclu avec la fédération française de tennis – Ligue de Paris, le 12 janvier 2016, un contrat d’une durée de quinze ans portant sur l’exploitation des six courts de tennis situés dans le jardin du Luxembourg. La société Paris Tennis a contesté la validité de ce contrat devant le tribunal administratif de Paris au motif qu’il aurait dû faire l’objet d’une mise en concurrence préalable, mais ce tribunal a rejeté sa demande par un jugement du 16 mai 2017. Par un arrêt du 10 juillet 2019, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté son appel formé contre ce jugement.

Vous avez annulé cet arrêt par une décision du 10 juillet 2020 de vos 7e et 2e chambres réunies, Société Paris Tennis 9. Vous y avez tout d’abord confirmé que ce contrat constituait un contrat d’occupation domanial et non une convention de délégation de service public mais vous avez jugé que la cour avait commis une erreur de droit en estimant que le contrat était dispensé des formalités de publicité et de mise en concurrence au seul motif qu’il ne présentait pas d’intérêt transfrontalier certain, « alors qu’une telle circonstance était sans incidence sur l’application de la directive du 12 décembre 2006 ».

Après renvoi, la cour a, par un arrêt n° 20PA02414 du 27 mai 2021, réitéré la qualification domaniale du contrat, mais a éludé l’examen de la question de sa soumission à des obligations de publicité et de mise en concurrence auquel vous l’aviez pourtant invitée, pour rejeter le recours sur un autre terrain. La société Paris Tennis se pourvoit régulièrement en cassation contre cet arrêt.

Rappelons au préalable que vous vous êtes reconnu compétents en jugeant que les dispositions de l’article 8 de l’ordonnance n° 581100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires 10 ne sauraient être interprétées comme excluant que le juge administratif puisse connaître de recours en contestation de la validité de contrats susceptibles d’être soumis à des obligations de publicité et de mise en concurrence.

Quant aux faits de l’affaire n° 460100, les voici : en 1956, la commune de Biarritz a acquis un hôtel prestigieux, l’hôtel du Palais, construit par Napoléon III pour l’impératrice Eugénie. En 1962, un contrat de locatiogérance a été conclu entre la commune et la société d’économie mixte (SEM) Socomix pour la gestion de cet hôtel auquel a été attribué le label de « palace ». Par une délibération du 30 juillet 2018, le conseil municipal de Biarritz a autorisé le maire de la commune à signer avec la société Socomix un bail emphytéotique d’une durée de 75 ans portant sur les murs de l’hôtel du Palais avec, pour contrepartie, une redevance annuelle d’un montant de 920 000 € (hors taxes). Grâce aux droits réels dont la SEM est désormais titulaire, elle a pu obtenir des financements de la part de banques afin de procéder à la rénovation du palace. La SEM Socomix s’est associée au groupe Hyatt pour exploiter l’hôtel.

Par quatre délibérations du 15 octobre 2018, le conseil municipal a ensuite approuvé le traité d’apport du fonds de commerce de l’hôtel de la commune à la société Socomix, l’entrée au capital de la SEM des sociétés DF collection et JC Decaux et la modification des statuts de la SEM.

M. A., conseiller municipal, a demandé au tribunal administratif de Pau d’annuler la délibération du 30 juillet 2018, tandis qu’une autre conseillère municipale, Mme M., demandait l’annulation des délibérations du 15 octobre 2018 tout en excipant de l’illégalité de la première délibération. Ces demandes ont été rejetées par un jugement du 5 juillet 2019. La cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté leurs requêtes par un arrêt du 2 novembre 2021 11, qui a d’ores-et-déjà été largement commenté par la doctrine et qui a donné lieu à plusieurs questions écrites de parlementaires au gouvernement 12. Mme M. n’a pas formé de pourvoi et M. A. se pourvoit en cassation contre l’arrêt en tant qu’il a rejeté ses conclusions dirigées contre la délibération du 30 juillet 2018 approuvant la conclusion du bail emphytéotique.

Vous êtes bien compétents pour connaître de ce litige alors même qu’il est constant que le bail porte sur le domaine privé de la commune. En effet, si la décision du Tribunal des conflits SARL Brasserie du Théâtre c/ Commune de Reims 13 est venue clarifier la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction 14, elle ne concernait toutefois que les recours dans lesquels une personne privée conteste une décision prise à son égard et non ceux dans lesquels une décision relative à la gestion courante du domaine privé serait contestée par un tiers, comme vous l’avez rappelé dans votre décision Commune de Valbonne 15.

Votre jurisprudence retient ainsi, à la suite de ces deux décisions, deux hypothèses de compétence de la juridiction administrative quand elle est saisie de la contestation d’un acte portant sur le domaine privé et ne comprenant aucune clause exorbitante de droit commun :

– elle est compétente quand l’acte contesté par la personne concernée affecte le périmètre ou la consistance du domaine privé de la collectivité publique. Vous avez jugé que tel était le cas de la conclusion d’un bail emphytéotique 16 ou de la cession de parcelles du domaine privée 17 ;

– elle est également compétente quand l’acte est attaqué par un tiers au contrat, par exemple un élu d’opposition ou un contribuable local (Cne de Valbonne, précitée).


II. EXAMEN DES QUESTIONS DE DROIT

Avant d’en venir aux moyens des deux pourvois, arrêtons-nous sur les questions centrales qui vous sont posées dans chacune de ces deux affaires, à savoir, d’une part, le contrat passé par le Sénat avec la société Paris Tennis portant sur son domaine public et, d’autre part, le bail emphytéotique conclu par la commune de Biarritz avec la SEM Socomix et portant sur un bien de son domaine privé entrent-ils dans le champ d’application de l’article 12 de la directive Services, ce qui commanderait alors une procédure de publicité et de mise en concurrence préalable ?

A. Dans l’affaire n°455033, trois questions doivent être résolues afin d’appliquer le cadre juridique pertinent

1° Le contrat attaqué constitue-t-il une convention de délégation de service public ? C’est évidemment le premier temps du raisonnement puisque la qualification de DSP entraînerait l’application du droit de la commande publique.

2° En cas de réponse négative à la question précédente, le contrat attaqué doit-il être regardé comme délivrant une autorisation pour une activité, disponible en nombre limité en raison de la rareté des ressources naturelles ou des capacités techniques utilisables, au sens de l’article 12 de la directive Services ?

3° En cas de réponse négative aux deux questions précédentes, le contrat attaqué entre-t-il dans le champ du principe de non- discrimination dans la liberté d’établissement (TFUE, art. 49) ou de libre prestation des services (TFUE, art. 56) en raison notamment de son intérêt transfrontalier certain ?

1. Confirmation de la nature de convention d’occupation domaniale du contrat en cause

Vous exercez un contrôle de l’exacte qualification d’un contrat comme délégation de service public 18, sur le fondement des faits et stipulations souverainement appréciés par le juge du fond 19.

La société Paris Tennis soutient que la cour administrative d’appel de Paris a commis une erreur de qualification juridique des faits et dénaturé les stipulations de la convention du 12 janvier 2016, en écartant la qualification de délégation de service public (DSP) au profit de celle de convention d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public. Dit autrement, le pourvoi vous demande de revenir sur votre décision du 10 juillet 2020, Société Paris Tennis, reprise par la cour, qui a jugé qu’aucune des stipulations de la convention ne permettait de caractériser l’existence d’une mission de service public que le Sénat aurait entendu déléguer à la ligue de Paris et que, si un certain nombre d’obligations pesaient sur le cocontractant, en termes notamment d’horaires et de travaux d’entretien, le Sénat ne s’était réservé aucun droit de contrôle sur la gestion même de l’activité sportive de la ligue de Paris de tennis, pour en conclure que la convention en cause devait être regardée comme un contrat d’occupation du domaine public et non comme une concession de service public.

Le pourvoi examine le contrat au regard des critères d’identification du service public tels qu’ils ont notamment été dégagés par votre décision APREI 20. Pour résumer, il considère que le service objet de la convention répond à un intérêt général, qu’il suppose un contrôle, notamment le respect d’horaires d’ouverture et une obligation d’accueil pour les agents du Sénat et les sénateurs, que les réévaluations tarifaires sont encadrées, et que le Sénat peut piloter l’exécution du contrat par des « recommandations » contraignantes portant sur l’ensemble de l’activité de la ligue, laquelle doit en outre fournir de nombreux éléments 21.

Rappelons à cet égard que la mise à disposition d’une personne privée d’une parcelle du domaine public ne prive pas l’autorité administrative de tout contrôle sur son bien. Au contraire et comme vous l’avez jugé dans votre décision n° 121520 de 1996 22, il appartient à l’autorité chargée de la gestion du domaine public de fixer, tant dans l’intérêt dudit domaine et de sa gestion que dans l’intérêt général, les conditions auxquelles elle entend subordonner les permissions d’occupation. C’est pourquoi les conventions d’occupation du domaine public comportent des clauses qui encadrent l’utilisation du domaine par l’occupant et qui permettent à l’autorité publique d’exercer un contrôle sur cette utilisation, au travers de clauses d’information, de consultation ou d’approbation. Ces clauses se distinguent des stipulations d’une délégation de service public car elles ont précisément pour objet le contrôle de l’utilisation du domaine et non le pilotage de l’activité exercée par le cocontractant.

Nous vous inviterons par conséquent à confirmer la nature de convention d’occupation domaniale du contrat en cause.

2. Le contrat rentre-t-il dans le champ d’application de l’article 12 ?

L’article 12 (pt 1) de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 dispose : « Lorsque le nombre d’autorisations disponibles pour une activité donnée est limité en raison de la rareté des ressources naturelles ou des capacités techniques utilisables, les États membres appliquent une procédure de sélection entre les candidats potentiels qui prévoit toutes les garanties d’impartialité et de transparence, notamment la publicité adéquate de l’ouverture de la procédure, de son déroulement et de sa clôture ».

La même directive prévoit que constitue un régime d’autorisation « toute procédure qui a pour effet d’obliger un prestataire ou un destinataire à faire une démarche auprès d’une autorité compétente en vue d’obtenir un acte formel ou une décision implicite relative à l’accès à une activité de service ou à son exercice ». L’arrêt Promoimpresa précise en effet que les autorisations qu’il vise sont des actes formels, quelle que soit leur qualification en droit national, devant être obtenus afin de pouvoir exercer une activité économique (pt 41). La notion de « régime d’autorisation » recouvre notamment les procédures administratives par lesquelles sont octroyés des autorisations, licences, agréments ou concessions mais aussi l’obligation, pour pouvoir exercer l’activité, d’être inscrit à un ordre professionnel ou dans un registre, dans un rôle ou une base de données, d’être conventionné auprès d’un organisme ou d’obtenir une carte professionnelle (pt 3).

La CJUE a jugé que la délivrance d’autorisations d’occupation du domaine public était susceptible d’être soumise à cette exigence de transparence 23. Puis, par un arrêt du 30 janvier 2018 24, elle a jugé que l’exigence de transparence s’applique bien à des situations purement internes aux États membres en application de l’article 12 de la directive 25.

Vous aurez ainsi pour la première fois à mettre en œuvre les critères définis par cet arrêt de la CJUE et à en donner le mode d’emploi.

Vous le savez, « le domaine public d’une personne publique est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public » (nous soulignons), selon la célèbre définition donnée par la Cour de cassation 26 et par votre décision Société Le Béton 27, et reprise à l’article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP), dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques 28.

Le domaine public ne peut, par définition, pas faire l’objet d’une occupation ou d’une utilisation privative, sans titre, par une personne privée 29. L’article L. 2122-1-1 du CGPPP impose désormais une obligation de publicité et de mise en concurrence pour la plupart des cas d’occupation du domaine public par des tiers. Il dispose en effet :

« Sauf dispositions législatives contraires, lorsque le titre [mentionné à l’article L. 2122-1] permet à son titulaire d’occuper ou d’utiliser le domaine public en vue d’une exploitation économique, l’autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester.
Lorsque l’occupation ou l’utilisation autorisée est de courte durée ou que le nombre d’autorisations disponibles pour l’exercice de l’activité économique projetée n’est pas limité, l’autorité compétente n’est tenue que de procéder à une publicité préalable à la délivrance du titre, de nature à permettre la manifestation d’un intérêt pertinent et à informer les candidats potentiels sur les conditions générales d’attribution » (nous soulignons).

Votre décision donnera ainsi les critères d’appréciation applicables aux autorisations délivrées antérieurement à la publication du CGPPP issu de l’ordonnance de 2017 30, affaires dans lesquelles la directive est directement invocable 31, comme vous l’avez jugé en 2020. Mais compte-tenu de la rédaction choisie par le CGPPP, très proche de celle de la directive qu’il transpose, elle donnera aussi d’utiles indications sur la mise en œuvre des dispositions du CGPPP applicables aux titres délivrés à compter du 1er juillet 2017.

En effet, les deux critères usités par la directive et cet article sont identiques 32 :

● le premier critère est celui d’une autorisation qui a pour effet d’obliger un prestataire ou un destinataire à faire une démarche auprès d’une autorité compétente en vue d’obtenir un acte relatif à l’accès à une activité de service ou à son exercice, dans le domaine économique ;

● le second critère est celui du caractère limité du nombre d’autorisations disponibles pour une activité donnée en raison de la rareté des ressources naturelles ou des capacités techniques utilisables. S’il est rempli, une procédure de sélection est nécessaire. Si ce nombre n’est pas limité, il n’y pas d’obligation communautaire de mise en concurrence, mais le CGPPP impose à présent une publicité préalable.

Pour mémoire, la CJUE considère que la question de savoir si une ressource est rare relève de l’appréciation du juge national 33. Nous vous proposons d’exercer un contrôle de l’erreur de qualification juridique des faits sur la mise en œuvre de ces deux critères. Ce degré de contrôle est aussi celui que vous pratiquez sur la caractérisation des prérogatives de puissance publique 34, ce qui aura son importance dans la seconde affaire que vous examinez.

S’agissant de l’interprétation du premier critère, une première option serait de considérer que les titres d’occupation du domaine ne constituent des autorisations, au sens des dispositions de la directive 2006/123, que lorsque leur obtention est nécessaire, en droit ou en fait, à l’accès à une catégorie d’activité déterminée ou à son exercice. Autrement dit, cela reviendrait à distinguer, parmi les activités de nature économique, celles qui nécessitent une autorisation d’exercice de l’activité elle-même et celles qui nécessitent uniquement le droit d’occuper ou d’utiliser le domaine public.

Mais dans le cas du domaine public, cette interprétation restrictive ne serait ni logique ni conforme à l’arrêt de la cour. Ni logique car, comme nous l’avons rappelé précédemment, le domaine public ne pouvant, par essence, pas faire l’objet d’une occupation ou d’une utilisation privative sans titre par une personne privée, c’est bien le titre octroyé qui est la condition de l’activité économique. Autrement dit, un titre d’occupation du domaine public aux fins d’y exercer une activité économique sera toujours une autorisation au sens de l’article 12 de la directive Services. Toute autre interprétation nous paraîtrait contraire à l’arrêt de la CJUE qui juge, en son point 41, que des concessions – en l’espèce ayant trait à l’accès à l’activité relative à l’exploitation des biens du domaine public maritime ou lacustre en Italie – peuvent être qualifiées d’« autorisations », au sens des dispositions de la directive 2006/123, en ce qu’elles constituent des actes formels, quelle que soit leur qualification en droit national, devant être obtenus par les prestataires, [auprès des autorités nationales], afin de pouvoir exercer leur activité économique.

Dès lors qu’un titre est toujours nécessaire pour occuper ou utiliser le domaine public, ce premier critère tiré de la nécessité d’une autorisation sera systématiquement rempli et l’analyse doit donc porter sur la nature de l’activité – économique ou pas – et non sur l’objet ni sur l’effet de l’autorisation conférée 35.

Disons-le d’emblée, en l’espèce, la qualification d’activité économique ne nous paraît pas faire de doute. En effet, il ressort clairement des pièces du dossier que la ligue de Paris de Tennis met les cours de tennis en location moyennant un paiement par les utilisateurs et la société Paris Tennis souhaiterait exercer cette même activité à titre lucratif.

C’est donc le second critère, celui de la rareté, qui déterminera s’il y a ou pas obligation de mise en concurrence.

La CJUE donne une indication pour évaluer cette condition : le ressort géographique de l’entité qui octroie l’autorisation. Ainsi, « le fait que les concessions en cause au principal sont octroyées non pas au niveau national mais au niveau communal doit, notamment, être pris en considération afin de déterminer si lesdites zones pouvant faire l’objet d’une exploitation économique sont en nombre limité » (pt 43) 36. Ainsi, lorsqu’une autorité a un ressort local, la rareté sera appréciée à son niveau. Ce raisonnement renvoie donc implicitement à l’existence de substituts à l’autorisation contestée sur un périmètre donné.

Il est certes délicat d’appliquer cette indication à une autorité domaniale comme le Sénat, qui ne dispose pas de ressort territorial, mais on comprend que la cour se réfère à l’idée d’une zone de chalandise. En l’espèce, les parties s’entendent pour dire que la rareté doit être appréciée au niveau de Paris et éventuellement de sa banlieue.

S’agissant ensuite du mode d’appréciation de la rareté, outre la question du périmètre géographique, une première option, la plus radicale, consisterait à estimer qu’une occupation domaniale est toujours disponible en quantité limitée. C’est par exemple le raisonnement suivi par le juge des référés du tribunal administratif de Nice appliquant les dispositions du CGPPP, que vous avez confirmé par une décision de votre 8e chambre, en jugeant que, compte tenu de son office, le juge des référés avait pu estimer que le nombre d’autorisations disponibles pour exercer sur la voie publique un commerce ambulant de pizzas n’était pas sans limite 37.

La seconde option, qui nous paraît plus conforme aux objectifs de la directive, consisterait à vérifier au cas par cas si les autorisations sont en pratique limitées. C’est le raisonnement suivi par exemple par la cour administrative d’appel de Lyon qui a estimé que l’autorisation d’occuper une place publique de Chalon-sur-Saône ne revêtait pas de caractère de rareté 38.

En l’espèce, le Sénat soutient qu’il n’y a pas de rareté des terrains de tennis : 179 terrains municipaux sont gérés par la ville et 225 par des personnes privées, notamment dans le cadre de concessions de la ville de Paris, auxquels s’ajoutent les six terrains du Luxembourg, et éventuellement ceux des communes voisines. La société Paris Tennis évoque seulement sa difficulté à trouver d’autres terrains dans le quartier. Eu égard à la rareté des installations sportives de tennis à Paris et aux caractéristiques particulières des courts de tennis faisant l’objet du présent contentieux en termes de centralité et de notoriété, nous vous proposons de considérer que le titre domanial portant sur la gestion de ces terrains est une autorisation dont le nombre est limité « en raison de la rareté des capacités techniques utilisables » au sens de la directive.

3. Le contrat attaqué entre-t-il dans le champ du principe de non-discrimination dans la liberté d’établissement (TFUE, art. 49) ou de libre prestation des services (TFUE, art. 5) en raison notamment de son intérêt transfrontalier certain ?

Notons qu’il résulte du même arrêt Promoimpresa Srl qu’un « intérêt transfrontalier certain » est requis pour l’invocabilité de l’article 49 du TFUE 39. En l’espèce, les moyens tirés de ce que les stipulations de l’article 49 impliquent une forme de publicité et de mise en concurrence sont inopérants, ces principes issus du droit primaire ne s’appliquant qu’en dehors du champ des directives d’harmonisation en vertu des points 59 à 62 de l’arrêt Promoimpresa 40.

Si toutefois vous ne nous aviez pas suivie sur la qualification juridique de la concession domaniale comme une autorisation au sens de la directive Services, vous pourrez juger qu’elle n’entre pas non plus dans le champ de l’article 49 du TFUE, pour l’application duquel un intérêt transfrontalier certain doit être caractérisé « sur la base de l’ensemble des critères pertinents, tels que l’importance économique du marché, le lieu géographique de son exécution ou ses aspects techniques, en ayant égard aux caractéristiques propres du marché concerné » (pt 66 41). Le service en cause est fourni par des prestataires locaux et le prestige international du jardin du Luxembourg ne nous semble pas suffisant pour caractériser un intérêt transfrontalier. En outre, le montant du bénéfice net lié à la concession invoqué par la société Paris Tennis, à le supposer établi, ne nous paraît pas non plus suffisant pour caractériser un tel intérêt 42.

B. Dans l’affaire n°460100, il vous faudra répondre aux deux questions suivantes pour appliquer le cadre juridique pertinent

1° Un bail emphytéotique doit-il être regardé comme délivrant une autorisation pour une activité, disponible en nombre limité, comme nous vous l’avons proposé s’agissant d’une convention d’occupation du domaine public ?

2° En cas de réponse négative, le contrat attaqué entre-t-il dans le champ du principe de non-discrimination dans la liberté d’établissement (TFUE, art. 49) en raison de son intérêt transfrontalier certain ?

1. La nature du contrat

Arrêtons-nous un instant sur la nature du contrat. Le bail en cause est régi par les dispositions des articles L. 451-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime 43. Il s’agit d’un contrat synallagmatique, faisant naître des obligations réciproques dont la durée est déterminée entre 18 et 99 ans. Trois caractéristiques essentielles doivent être soulignées : d’abord, l’acte confère un droit réel immobilier à l’emphytéote. Ce droit réel lui donne des prérogatives plus étendues que celles que peuvent conférer d’autres baux dont, par exemple, le bail commercial. Ainsi, ce droit peut être hypothéqué, cédé, transmis aux héritiers ou faire l’objet de saisie immobilière ou encore permettre la constitution de servitudes. Ensuite, il s’agit d’un contrat de longue durée mais qui ne peut pas se prolonger par tacite reconduction, et l’emphytéote ne peut pas se prévaloir d’un droit au maintien dans les lieux, contrairement au locataire d’un bail commercial. Enfin, ce droit est librement cessible ; il est possible pour le preneur de sous-louer le fonds par la voie d’un bail commercial par exemple.

Il est à distinguer du bail emphytéotique administratif prévu par l’article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) et qui confère à la personne publique un pouvoir de contrôle sur l’usage du bien et certains actes du co-contractant (CGCT, art. L. 1311-3).

Et comme nous l’avons dit, il est à distinguer du bail commercial. Ce dernier, prévu aux articles L. 145-1 et suivants du code de commerce, est un contrat de location accordé au bénéfice d’une activité commerciale, industrielle ou artisanale dans lequel est exploité un fonds de commerce. À l’échéance du bail, le locataire bénéficie d’un droit au renouvellement de son bail (art. L. 145-8). Et s’il est possible pour le bailleur de refuser le renouvellement, le bailleur doit payer, sauf exceptions, au locataire évincé une indemnité égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement (art. L. 145-14 et L. 145-17).

2. La nature de l’autorisation

Dès lors que la CJUE ne reconnaît pas de différence de principe entre le domaine public et le domaine privé des personnes publiques, la seule circonstance que la délibération en litige porte sur un bien du domaine privé ne suffit pas à écarter l’application de l’article 12 de la directive Services. Il vous faut donc, comme l’a fait à juste titre la cour administrative d’appel de Bordeaux, examiner in concreto l’application des deux critères de l’arrêt Promoimpresa au cas d’un bail emphytéotique conclu pour l’exploitation d’un hôtel relevant du domaine privé d’une commune.

Deux approches sont possibles, défendues chacune par une partie de la doctrine :

● Pour celle qui retient une approche large, le bail serait nécessaire pour permettre au locataire d’exploiter l’hôtel et donc pour exercer l’activité économique correspondante. L’argument principal de la doctrine en ce sens est la grande ressemblance entre une autorisation d’occupation temporaire du domaine public et un bail de droit privé. Un jugement du tribunal judiciaire du Mans a opté pour cette approche, en excluant le renouvellement automatique du bail dans le cas de l’exploitation d’un restaurant situé en bordure d’un étang, sur un terrain situé dans une forêt domaniale appartenant au domaine privé de l’État 44.

● Pour une autre partie de la doctrine, une approche stricte de la notion d’autorisation doit être retenue. Il s’agit en effet d’analyser « si la personne publique agit comme une personne privée, comme un propriétaire ordinaire dans les conditions de droit commun » pour reprendre les termes des conclusions du commissaire du gouvernement Romieu sur l’affaire Terrier 45, ou si elle se comporte comme une administration qui délivrerait une autorisation d’exercer une activité économique.

Nous vous proposons de retenir cette deuxième approche, en vous fondant sur la lettre de la directive.

La définition de l’« autorité compétente » figurant à son article 4 nous semble déterminante. Il s’agit de « tout organe ou toute instance ayant, dans un État membre, un rôle de contrôle ou de réglementation des activités de services, notamment les autorités administratives, y compris les tribunaux agissant à ce titre, les ordres professionnels et les associations ou autres organismes professionnels qui, dans le cadre de leur autonomie juridique, réglementent de façon collective l’accès aux activités de services ou leur exercice ». Elle démontre que l’autorité publique en cause doit agir en tant qu’administration réglementant une activité au titre de ses prérogatives de puissance publique. À l’inverse, n’est pas une autorité compétente délivrant une autorisation au sens de la directive une administration qui se comporte comme un opérateur ou bailleur privé, gérant son domaine privé sans prérogative particulière.

Par définition, le critère de la nature économique de l’activité sera toujours rempli en présence d’un bail commercial ; il le sera fréquemment en présence d’un bail emphytéotique permettant la conduite d’un projet économique, comme c’est le cas en espèce, même si dans ce dernier cas, il sera possible de distinguer des opérations purement patrimoniales de la personne publique, d’opérations visant une rentabilité économique au profit de la personne privée.

Mais le critère déterminant sera celui de l’administration agissant en tant que telle. Il s’agira donc de rechercher si, en donnant à bail un immeuble du domaine privé à une entreprise privée ou à un commerçant, une personne publique délivre, ce faisant, une autorisation d’exercice de l’activité en cause ou si elle agit comme le ferait n’importe quel propriétaire privé 46.

En pratique, ce critère recoupera très largement la distinction entre domaine public et domaine privé, mais il pourra exister des hypothèses où, même sur ce dernier, la personne publique fera usage de prérogatives de puissance publique dans l’octroi d’un bail ou d’une autorisation, qui pourra faire entrer ceux-ci dans le champ de l’article 12. À titre d’exemple, des conventions passées par l’Office national des forêts sur des forêts domaniales qui relèvent du domaine privé 47 pourront contenir des clauses exorbitantes du droit commun exprimant des prérogatives de puissance publique, par exemple mettant à la charge du locataire des obligations particulières dans l’exercice de son activité 48.

Nous ajoutons qu’une telle solution mettrait un terme aux craintes de bouleversement du droit applicable aux baux privés, notamment les baux commerciaux et les baux ruraux, pour lesquels la loi prévoit un large droit à renouvellement automatique, évidemment difficilement compatible avec l’obligation de mise en concurrence qui résulterait de l’article 12 de la directive Services si elle leur était applicable.

Vous l’aurez compris, nous pensons qu’en l’espèce, la commune de Biarritz agit comme un propriétaire privé et non en tant qu’administration dotée de pouvoirs juridiques exorbitants du droit commun.

Vous n’aurez donc pas à vous prononcer sur le critère de la rareté de la ressource en cause. Mais si vous ne nous aviez pas suivie sur l’application du premier critère, nous vous inviterions à reconnaître que l’hôtel en cause est une ressource rare, compte tenu de son emplacement exceptionnel et non substituable sur le ressort géographique de la commune de Biarritz.

3. L’application de l’article 49 de TFUE

En revanche, si vous nous suivez pour considérer que le bail en cause n’entre pas dans le champ de l’article 12, il reste à vérifier la conformité à l’article 49 du TFUE, qui est invocable. Le requérant soutient que ces stipulations du TFUE imposent aux personnes publiques une obligation de publicité et de mise en concurrence pour les autorisations d’occupation tant de leur domaine public que privé. Il invoque notamment l’arrêt de la CJCE Steinhauser c/ Ville de Biarritz (C-197/84) 49, par lequel la Cour a jugé que l’article 52 du traité CEE, devenu l’article 49 du TFUE, était applicable à l’adjudication d’un local appartenant au domaine public. Il se prévaut également de l’arrêt Teleaustria 50. Mais aucun de ces arrêts ne nous paraît trancher la question de l’application de l’article 49 au cas d’espèce.

L’arrêt Steinhauser c/ Ville de Biarritz juge qu’une procédure de mise en concurrence pour l’occupation du domaine public ne peut prévoir aucune discrimination fondée sur la nationalité mais il ne nous dit rien de la question de savoir si en l’espèce une procédure devait être organisée en vertu de l’article 49. L’arrêt Teleaustria concerne les concessions de service public. L’arrêt Proimpresa lui-même ne nous paraît pas trancher la question concernant le cas d’espèce puisqu’il rappelle « que les autorités publiques sont tenues, lorsqu’elles envisagent d’attribuer une concession qui n’entre pas dans le champ d’application des directives relatives aux différentes catégories de marchés publics » de respecter les règles fondamentales du traité » (pt 64) ; mais justement, en l’espèce, nous considérons que la puissance publique n’agit pas comme une autorité attribuant une concession 51. La décision Belgacom 52, dont la rédaction est très générale 53, pourrait faire hésiter mais elle concernait l’hypothèse d’une autorité publique qui cède à titre onéreux à un opérateur économique le droit exclusif d’exploiter un service économique 54.

Là encore, la doctrine est divisée. Pour certains, et nous partageons cette approche, dès lors que le bail en cause ne constitue pas une autorisation d’exercer une activité économique, mais qu’il se rattache à la catégorie des actes de gestion, d’entretien et de valorisation du bien de la personne publique, il ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de porter atteinte à la liberté d’établissement, même dans l’interprétation large que la CJUE fait de cette liberté, que vous avez reprise dans votre propre jurisprudence : « Les stipulations de l’article 49 s’opposent à toute disposition qui, même applicable sans discrimination tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice par les ressortissants européens de la liberté d’établissement garantie par le traité » 55.

Ainsi, le bail serait « hors champ » de l’article 49. Dans l’arrêt Promoimpresa, la situation était tout autre ; c’est pourquoi la CJUE a jugé que les concessions qui étaient en cause dans Promoimpresa concernaient « un droit d’établissement dans la zone domaniale en vue d’une exploitation économique à des fins touristico-récréatives », de sorte que les situations concernées par les affaires au principal [relevaient], de par leur nature même, de l’article 49 TFUE (pt 63). Si vous retenez cette approche, vous estimerez que la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 49 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne était inopérant.

Une autre partie de la doctrine considère que l’article 49 est non seulement invocable mais qu’il est aussi tout à fait opérant en l’espèce, tout acte pris par une personne publique et susceptible d’apporter des restrictions à la liberté d’établissement devant en respecter les principes, même si la doctrine reconnait aussi qu’il faut faire l’effort de considérer que la solution de l’arrêt Teleaustria trouve son fondement dans les règles fondamentales du Traité, pour en élargir la portée au-delà de la commande publique 56.

Dans cette acception, vous devrez analyser si les critères posés par l’arrêt Teleaustria sont remplis. Vous ne pourrez que constater que le bail en cause présente un intérêt transfrontalier certain, compte tenu notamment de la situation géographique du bien et de la valeur économique de son exploitation.

Comme indiqué, nous pensons que nous sommes en l’espèce hors champ de l’article 49. Si votre formation de jugement avait un doute, elle pourrait envisager une question préjudicielle à la CJUE, qui devrait dès lors porter sur les deux questions précédemment étudiées, à savoir l’applicabilité de l’article 12 de la directive et celle de l’article 49 du Traité.

III. EN REVANCHE, SI VOUS NOUS AVEZ SUIVIE SUR LES MODALITÉS D’INTERPRÉTATION DE LA JURISPRUDENCE PROMOIMPRESA, IL VOUS RESTERA À EN FAIRE APPLICATION DANS LE RÈGLEMENT DES DEUX AFFAIRES

A. Règlement de l’affaire n°455033, Paris Tennis

Dans l’affaire Paris Tennis, vous devrez tout d’abord annuler l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris pour erreur de droit. En effet, celle-ci a jugé que « l’absence de procédure de mise en concurrence avant la signature de la convention en litige, à la supposer établie, n’était pas susceptible, en l’absence de toute circonstance particulière alléguée par la société, d’entacher la convention d’un vice d’une particulière gravité de nature à faire obstacle à la poursuite de son exécution et que le juge devrait relever d’office ».

La cour a mal interprété votre décision Société Ile de Sein Énergies 57. Elle a pensé que la règle que vous avez posée dans ce précédent, selon laquelle la méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence n’est « pas susceptible, en l’absence de circonstances particulières, d’entacher un contrat d’un vice d’une gravité de nature à faire obstacle à la poursuite de son exécution et que le juge devrait relever d’office », s’appliquait aux recours de type Département de Tarn-et-Garonne 58. Cependant, cette règle ne concerne, ainsi que le précise le fichage, que la « contestation par un tiers d’une décision refusant de mettre fin à l’exécution du contrat », dont le régime contentieux a été défini par votre décision de section Syndicat mixte de promotion de l’activité transmanche 59. Et vous aviez pris soin de rappeler, dans votre décision Société Ile de Sein Énergies, que « la méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence peut, le cas échéant, être utilement invoquée à l’appui du référé précontractuel d’un concurrent évincé ou du recours d’un tiers contestant devant le juge du contrat la validité d’un contrat » 60. La méconnaissance des obligations de publicité et mise en concurrence était bien invocable dans le présent litige, de type Tarn- et-Garonne, et la cour devait donc examiner si ce vice justifiait la résiliation ou l’annulation du contrat 61.

Compte tenu de ce que vous êtes saisis d’un second pourvoi en cassation dans cette affaire, vous devrez la régler au fond par application du second alinéa de l’article L. 821-2 du code de justice administrative. Vous êtes saisis comme juge d’appel du jugement du 16 mai 2017 rendu par le tribunal administratif de Paris, qui a rejeté la demande de la société Paris Tennis en considérant que (i) le contrat en litige ne constituait pas une concession mais une convention d’occupation du domaine public ; (ii) aucune disposition n’imposait la mise en concurrence des conventions d’occupation du domaine public.

Vous pourrez tout d’abord écarter l’exception d’incompétence soulevée par le Sénat. Le Sénat soulève aussi une fin de non- recevoir tirée de ce que la requête est irrecevable, faute pour la société Paris Tennis d’avoir établi un inventaire des pièces. Mais l’article R. 412-2 du code de justice administrative n’exige un inventaire que dans le cas où il y a plusieurs pièces jointes à la requête, alors qu’en l’espèce, il n’y avait que le jugement attaqué.

Vous confirmerez la qualification de contrat d’occupation du domaine public de la convention en cause. La société Paris Tennis soutient que le contrat attaqué, nonobstant cette qualité, aurait dû être accompagné d’une procédure de publicité et de mise en concurrence. Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que vous devrez faire droit à ce moyen et annuler le jugement.

Ce vice n’est pas susceptible d’être régularisé. Il n’implique pas l’annulation du contrat en l’absence de circonstances particulières 62, mais il doit être regardé, dans le cadre d’un recours Tarn-et-Garonne, comme justifiant la résiliation du contrat. Vous avez déjà affirmé cette solution dans le contentieux de l’acte détachable 63. Nous vous proposons de résilier le contrat en litige mais avec un effet différé de trois mois afin de permettre au Sénat d’organiser une procédure de publicité et de mise en concurrence.

B. Règlement de l’affaire n°460100

Si vous nous avez suivie, vous écarterez les moyens tirés de ce que la cour aurait commis une erreur de droit et une erreur de qualification juridique des faits en jugeant que le bail emphytéotique n’entrait pas dans le champ d’application de l’article 12 de la directive. Vous écarterez également le moyen tiré de l’erreur de qualification juridique qu’elle aurait commise en jugeant que le bail emphytéotique n’était pas un acte formel nécessaire à l’accès à l’exercice d’une activité de service. Il en sera de même des moyens tirés de l’erreur de qualification juridique ou de l’insuffisance de motivation portant sur la rareté du bien sur laquelle la cour s’est prononcée par un motif surabondant, et de l’erreur de droit à avoir jugé que le moyen tiré de la violation de l’article 49 du TFUE était inopérant.

Par ailleurs, vous écarterez le moyen tiré de la dénaturation des faits qu’aurait commise la cour en jugeant que les conseillers municipaux avaient été suffisamment informés de l’objet de la délibération du 30 juillet 2018 octroyant le bail.

Selon votre décision Commune de Mandelieu-la-Napoule 64, il résulte de l’article L. 2121-12 du CGCT que les membres du conseil municipal doivent être convenablement informés des mesures soumises à l’avis du conseil municipal 65. Cette exigence n’impose toutefois pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises. Vous exercerez sur le respect de cette exigence un contrôle de la dénaturation 66. M. A. reproche à la cour d’avoir considéré que les conseillers municipaux étaient suffisamment informés alors qu’ils ne savaient pas que la participation de la commune dans le capital de la SEM Socomix allait diminuer au profit de la société Decaux. Comme l’a jugé la cour, il ne nous semble pas que les conseillers municipaux devaient nécessairement savoir, dès cette délibération, que la commune aurait aussi l’intention de céder à une filiale de la société Decaux une partie de son capital.

Par ces motifs, nous concluons,
● sous le n° 455033 :
– à l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris ;
– à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Paris et à la résiliation de la convention attaquée avec effet au 1er mars 2023 ;
– à ce qu’il soit mis à la charge de l’État la somme de 3 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
– au rejet du surplus des conclusions présentées par la société Paris Tennis ;

● sous le n° 460100 :
– au rejet du pourvoi de M. A. ;
– au rejet de ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et au rejet, dans les circonstances de l’espèce, de celles présentées au même titre par la commune de Biarritz et la SEM Socomix.


EXTRAITS

● N° 455033
[…] 15. En premier lieu, d’une part, la convention litigieuse a pour objet, ainsi qu’il ressort des stipulations de son article 1er, de permettre l’exploitation de courts de tennis, laquelle constitue une activité de services au sens de la directive 2006/123/ CE du 12 décembre 2006 et non, contrairement à ce que soutient le Sénat, un service d’intérêt général non économique qui ne relèverait pas de son champ d’application en vertu du a) du paragraphe 2 de son article 2. D’autre part, en autorisant l’occupation d’une partie du jardin du Luxembourg, qui appartient au domaine public, le Sénat doit être regardé comme exerçant un rôle de contrôle ou de réglementation, et donc comme constituant une autorité compétente au sens de cette directive. Le titre d’occupation en litige, qui constitue un acte formel relatif à l’accès à une activité de service ou à son exercice, délivré à la suite d’une démarche auprès d’une autorité compétente, constitue donc une autorisation au sens de la même directive.

16. En deuxième lieu, l’autorisation d’occuper les six courts de tennis en litige doit être regardée comme étant disponible en nombre limité, pour l’application des dispositions de l’article 12 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, dès lors que les biens qui en font l’objet, eu égard à leur localisation, à la faible disponibilité des installations comparables à Paris, en particulier au centre de cette ville, ainsi qu’à leur notoriété, sont faiblement substituables pour un prestataire offrant un service de location de courts de tennis et d’enseignement de ce sport dans la région parisienne.

[…]18. Il résulte de ce qui a été dit aux points 15 à 17 que le contrat autorisant l’occupation d’une partie des dépendances domaniales du Sénat pour y exploiter six courts de tennis entrait dans les prévisions de l’article 12 de la directive 2006/123/ CE du 12 décembre 2006 et devait, par suite, faire l’objet d’une procédure de sélection préalable comportant toutes les garanties d’impartialité et de transparence. […]

● N° 460100
[…] 6. […] Si les dispositions de l’article 12 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, transposées à l’article L. 2122- 1-1 du code général de la propriété des personnes publiques cité ci-dessus, impliquent des obligations de publicité et mise en concurrence préalablement à la délivrance d’autorisations d’occupation du domaine public permettant l’exercice d’une activité économique, ainsi que l’a jugé la Cour de justice de l’Union européenne par son arrêt du 14 juillet 2016, Promoimpresa Srl (C- 458/14 et C-67/15), il ne résulte ni des termes de cette directive ni de la jurisprudence de la Cour de justice que de telles obligations s’appliqueraient aux personnes publiques préalablement à la conclusion de baux portant sur des biens appartenant à leur domaine privé, qui ne constituent pas une autorisation pour l’accès à une activité de service ou à son exercice au sens du 6) de l’article 4 de cette même directive. Il suit de là qu’en n’imposant pas d’obligations de publicité et mise en concurrence à cette catégorie d’actes, l’État ne saurait être regardé comme n’ayant pas pris les mesures de transposition nécessaires de l’article 12 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006. […]

1 CE, sect., 26 mars 1999, n° 202260 : Lebon, p. 95.
2 CE, avis, sect., 22 nov. 2000, n° 223645 : Lebon.
3 CE, sect., 3 nov. 1997, n° 169907 : Lebon, p. 406.
4 CE, 26 avr. 1944 : Lebon, p. 386.
5 CE, 10 juin 2009, n° 317671, Port autonome de Marseille : Lebon, T. p. 840, 890.
6 CE, sect., 3 déc. 2010, n° 338272, 338527, Ville de Paris et Assoc. Paris Jean-Bouin : Lebon.
7 La rapporteure publique Nathalie Escaut justifiait, entre autres motifs, sa réticence à vous proposer de dégager un principe de transparence par les conséquences qu’il pourrait avoir au-delà du seul champ des occupations privatives du domaine public. En effet, exposait-elle, « nous ne voyons pas pourquoi il serait limité au seul domaine public. Il aurait naturellement vocation à régir aussi le domaine privé qui peut être le siège d’activités économiques. Il pourrait ainsi s’appliquer à des locations mais aussi des ventes de biens appartenant à des personnes publiques. On pourrait même se demander si son champ ne devrait pas s’étendre jusqu’à l’attribution des subventions publiques ».
8 CJUE, 14 juill. 2016, n° C-458/14 et C-67/15, Promoimpresa Srl.
9 CE, 10 juill. 2020, n° 434582 : Lebon, aux conclusions de Mireille Le Corre.
10 Complété par l’article 60 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003.
11 CAA Bordeaux, 2 nov. 2021, n° 19BX03590 : AJDA 2022, 84, chron. I. Le Bris ; Dr. Voirie 2022, p. 25, obs ; Chr. Roux.
12 Rép. min. à QE n° 12868 : JO AN 29 janv. 2019, p. 861. ; Rép. min. à QE n° 13180 : JO Sénat 30 janv. 2020, p. 537 ; Rép. min. à QE n° 16130 : JO Sénat 10 sept. 2020, p. 4096 ; JCP N 2020, act. 761 ; JCP A 2020, act. 564, obs. Ph. Yolka.
13 T. confl., 22 nov. 2010, n° 3764 : Lebon, p. 590.
14 La contestation par une personne privée de l’acte, qu’il s’agisse d’une délibération du conseil municipal ou d’une décision du maire, par lequel une commune ou son représentant, gestionnaire du domaine privé, initie avec cette personne, conduit ou termine une relation contractuelle, quelle qu’en soit la forme, dont l’objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qui n’affecte ni son périmètre ni sa consistance, ne met en cause que des rapports de droit privé et relève donc de la compétence du juge judiciaire. Le juge administratif est toutefois compétent lorsque la convention d’occupation litigieuse comporte une ou plusieurs clauses exorbitantes du droit commun.
15 CE, 7 mars 2019, n° 417629 : Lebon ; Dr. Voirie 2019, p. 62, concl. R. Victor La juridiction administrative est compétente pour connaître de la demande formée par un tiers tendant à l’annulation de la délibération d’un conseil municipal autorisant la conclusion d’une convention ayant pour objet la mise à disposition d’une dépendance du domaine privé communal et de la décision du maire de la signer.
16 CE, 6 avr. 1998, n° 151752, Cté urbaine de Lyon : Lebon, p. 132.
17 CE, 15 mars 2017, n° 393407, Sarl Bowling du Hainaut et Sarl Bowling de Saint-Amand-les-Eaux : Lebon, T. Le juge administratif est compétent pour connaître de la contestation par une personne privée des délibérations d’un conseil municipal ayant respectivement pour objet d’annuler une précédente délibération autorisant la vente de parcelles de son domaine privé à cette dernière et d’autoriser la vente de ces parcelles à une autre personne, dès lors que ces actes affectent le périmètre ou la consistance du domaine privé de la commune.
18 CE, sect., 3 déc. 2010, n° 338272, 338527, Ville de Paris, Association Paris Jean Bouin : Lebon.
19 CE, sect., 10 avr. 1992, n° 112682, SNCF c/ Ville de Paris : Lebon, p. 168 ou CE, 14 nov. 2008, n° 306226 : Lebon, T. p. 891.
20 CE, sect., 22 févr. 2007, n° 264541, Assoc. du personnel relevant des établissements pour inadaptés : Lebon, p. 92 : « Indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l’inverse, exclure l’existence d’un service public, une personne privée qui assure une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l’exécution d’un service public. Même en l’absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’administration a entendu lui confier une telle mission ».
21 Plus généralement, il soutient qu’une analyse réaliste du contexte dans lequel le contrat a été conclu imposerait d’identifier un service public, le Sénat ayant entendu restaurer davantage d’équité dans l’attribution des courts et réserver l’enseignement aux personnes qualifiées. Le pourvoi insiste particulièrement sur l’article 10 selon lequel tout manquement du titulaire aux stipulations de la convention ou aux « recommandations » du Sénat peut entraîner des sanctions. La société Paris Tennis y voit un mécanisme de direction intrusif : rien ne cantonnant les recommandations formulées par le Sénat, elle considère que ce dernier pourrait imposer n’importe quelle obligation au titulaire sur cette base. Mais c’est sans dénaturation que la cour a fait l’interprétation inverse en jugeant que « le Sénat ne s’est pour autant réservé aucun droit de contrôle sur la gestion même de l’activité sportive par la Ligue de Paris de Tennis ». Sur de nombreux points, le précédent Ville de Paris sur le stade Jean-Bouin est tout à fait topique : par exemple, vous y écartiez l’argumentaire selon lequel la modicité de la redevance révèlerait des obligations de service public ; l’obligation d’accueillir les sénateurs et le personnel du Sénat est, bien entendu, moins contraignante que les stipulations relatives à l’accueil des scolaires de l’affaire Jean-Bouin.
22 CE, 8 juill. 1996, n° 121520 : Lebon, p. 272. V. également CE, 10 mars 2006, n° 284802, Sté Unibail Management.
23 CJUE, 14 juill. 2016, n° C-458/14 et C-67/15, Promoimpresa Srl.
24 CJUE, 30 janv. 2018, n° C-360/15 et C-31/16, College van Burgemeester en Wethouders van de gemeente Amersfoort contre X BV et Visser Vastgoed Beleggingen BV contre Raad van de gemeente Appingedam, pt 110.
25 En revanche, elle est cantonnée aux procédures présentant un intérêt transfrontalier lorsqu’elle est fondée sur l’article 49 du TFUE.
26 Cass. civ., 7 nov. 1950 : S. 1952, 1, 173.
27 CE, sect., 19 oct. 1956 : Lebon, p. 375.
28 Un bien d’une personne publique, qui n’est plus affecté à un service public ou à l’usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l’intervention de l’acte administratif constatant son déclassement (CGPPP, art. L. 2141-1). Font partie du domaine privé les biens des personnes publiques qui ne relèvent pas du domaine public par application des dispositions du titre Ier du livre Ier. Il en va notamment ainsi des réserves foncières et des biens immobiliers à usage de bureaux, à l’exclusion de ceux formant un ensemble indivisible avec des biens immobiliers appartenant au domaine public. Font également partie du domaine privé les chemins ruraux et les bois et forêts des personnes publiques relevant du régime forestier (art. L. 2211-1 et L. 2212-1). Ainsi que le prévoient les dispositions du second alinéa de l’article 537 du code civil, les personnes publiques gèrent librement leur domaine privé selon les règles qui leur sont applicables (L. 2221-1).
29 Ainsi, en vertu de l’article L. 2122-1 du CGPPP, nul ne peut, sans disposer d’un titre l’y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d’une personne publique ou l’utiliser dans des limites dépassant le droit d’usage qui appartient à tous. L’article L. 28 du code du domaine de l’État, rappelait déjà ce même principe selon lequel nul ne peut, sans autorisation délivrée par l’autorité compétente, occuper une dépendance du domaine public national.
30 Ord. n° 2017-562, 19 avr. 2017 relative à la propriété des personnes publiques.
31 Dont le délai de transposition expirait le 28 décembre 2009.
32 À l’exception de celui de « courte durée » de l’occupation ou de l’utilisation.
33 CJUE, 14 juill. 2016, Promoimpresa, pt 43.
34 V. CE, 21 déc. 2007, n° 305966 : Lebon.
35 V, sur la nature de l’activité, CAA Nantes, 3 juin 2022, n° 21NT02050 ou 27 janv. 2022, n° 20NT03565, Assoc. Les Amis du collectif pour un festival Hellfest respectueux de tous : « Il ressort des pièces du dossier que seuls les deux gymnases mis à la disposition de l’organisateur du festival appartiennent au domaine public communal. Il n’en ressort pas, en revanche, que la mise à disposition de ces seuls équipements pour l’organisation d’un festival de musique par une association sans but lucratif, pendant une durée de trois semaines au maximum et dans le cadre d’une convention portant uniquement sur les modalités d’organisation matérielles et techniques de l’évènement culturel en cause, constituerait une ‘‘exploitation économique’’ au sens des dispositions citées ci-dessus du code général de la propriété des personnes publiques, dont la méconnaissance ne peut ainsi être utilement invoquée ».
36 L’avocat général indiquait ainsi que, « s’agissant des autorisations octroyées au niveau communal, il convient de tenir compte des zones domaniales concernées » (pt 75).
37 CE, 9 juin 2020, n° 433253.
38 CAA Lyon, 22 oct. 2020, n° 18LY04739.
39 « (…) les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre sont interdites (…) ».
40 La CJUE a jugé que « que les articles 9 à 13 de cette même directive procèdent à une harmonisation exhaustive concernant les services relevant de leur champ d’application » (pt 61).
41 V. également, en ce sens, CJUE, 14 nov. 2013, n° C-221/12, Belgacom, pt 29, ainsi que CJUE 17 déc. 2015, n° C-25/14 et C-26/14, UNIS et Beaudout Père et Fils Sarl, pt 30.
42 V., sol. contr. : CE, 7 déc. 2016, n° 366345, Sté Allianz Iard : Lebon, T. (pour un contrat de plus de 40 millions d’euros dont l’attribution présente d’autres avantages) ; CE, 8 juill. 2016, n° 357115, Sté Beaudout : Lebon, T. (350 millions d’euros).
43 Et non par celles de l’article L. 1311-2 du CGCT qui concerne les baux emphytéotiques administratifs, qualification juridique erronée du contrat en litige que le requérant soutient dans son mémoire en réplique.
44 TJ Mans, 19 août 2021, n° 20/00813 : JCP A 2021, 2311, obs. P.-M. Murgue-Varoclier.
45 CE, 6 févr. 1903, n° 07496 : Lebon.
46 Voir sur la défense de cette thèse, M. Emery, Domaine privé et mise en concurrence : quand le ministre se trompe : JCP A 2019, 2081 ou N. Foulquier, Pas de procédure de sélection pour la location du domaine privé : RDI 2022, p. 171.
47 T. confl., 25 juin 1973, Office National des Forêts : Lebon, p. 847 et CGPPP, art. L. 2212-1.
48 V. pour des exemples d’analyse de ces clauses : CE, 29 mars 2017, n° 403257, Office national des forêts : Lebon, T. ; 20 juill. 2022, n° 457616.
49 CJCE, 18 juin 1985, n° C-197/84.
50 CJCE, 7 déc. 2000, n° C-324/98.
51 Il en est de même dans l’arrêt CJCE, 17 juill. 2008, n° C-347/06, ASM Brescia, pts 59 et 60, qui concerne des concessions de service.
52 CJUE, 14 nov. 2013, n° C-221/12, Belgacom, pt 37.
53 Pt 34 : « Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question posée que les articles 49 TFUE et 56 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’un opérateur économique d’un État membre peut invoquer devant les juridictions de cet État membre la violation de l’obligation de transparence découlant de ces articles qui aurait été commise à l’occasion de la conclusion d’une convention par laquelle une ou plusieurs entités publiques dudit État membre ont soit attribué à un opérateur économique du même État membre une concession de services présentant un intérêt transfrontalier certain, soit accordé à un opérateur économique le droit exclusif d’exercer une activité économique présentant un tel intérêt ». V. aussi CJUE, 3 juin 2010, n° C-203/08, Sporting Exchange Ltd, qui porte sur une procédure d’octroi d’un agrément par une personne publique à un opérateur unique dans le domaine des jeux de hasard.
54 Il s’agissait en l’espèce des réseaux câblés de télédistribution ainsi que leur activité de fourniture de services de télévision et les contrats d’abonnement liés à cette activité.
55 CE, 27 févr. 2015, n° 369949, Assoc. Collectif des sels de pharmaciens et a. : Lebon, T. pp. 576-877.
56 V. en ce sens la thèse de Christophe Roux, Propriété publique et droit de l’Union européenne, LGDJ, 2015, p. 530 et s.
57 CE, 12 avr. 2021, n° 436663, Sté Île de Sein Énergies (IDSE) : Lebon, T.
58 CE, ass., 4 avr. 2014, n° 358994, Département de Tarn-et-Garonne : Lebon.
59 CE, sect., 30 juin 2017, n° 398445 : Lebon, p. 209, aux conclusions de Gilles Pellissier.
60 « Si la méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence peut, le cas échéant, être utilement invoquée à l’appui du référé précontractuel d’un concurrent évincé ou du recours d’un tiers contestant devant le juge du contrat la validité d’un contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles, cette méconnaissance n’est en revanche pas susceptible, en l’absence de circonstances particulières, d’entacher un contrat d’un vice d’une gravité de nature à faire obstacle à la poursuite de son exécution et que le juge devrait relever d’office. »
61 CE, 9 juin 2021, n° 438047, 438054, Conseil national des barreaux : Lebon, T. : « Le juge du contrat saisi par un tiers de conclusions en contestation de la validité du contrat ou de certaines de ses clauses dispose de l’ensemble des pouvoirs mentionnés au point précédent et qu’il lui appartient d’en faire usage pour déterminer les conséquences des irrégularités du contrat qu’il a relevées, alors même que le requérant n’a expressément demandé que la résiliation du contrat ».
62 CE, 12 avr. 2021, n° 436663, IDSE : Lebon, T. sur ce point ; 23 mai 2011, n° 314715, Département de la Guyane : Lebon, T. sur ce point ; 12 janv. 2011, n° 338551 : Lebon.
63 CE, 6 nov. 2013, n° 365079 et a., Cne de Marsannay-la-Côte : Lebon : « Considérant que le vice entachant la délibération annulée par la cour administrative d’appel de Lyon, tiré de l’absence de publicité et de mise en concurrence pour la désignation du concessionnaire, a affecté gravement la légalité du choix de ce concessionnaire ; que, toutefois, cette illégalité, qui n’affecte ni le consentement de la personne publique ni le contenu même de la convention, ne justifie pas, en l’absence de circonstances particulières, que soit recherchée une résolution de cette convention ; que ce vice implique cependant, par sa gravité et en l’absence de régularisation possible, que soit ordonnée aux parties contractantes, qui n’invoquent pas de motif d’intérêt général s’attachant au maintien de la convention, de résilier cette convention dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision ; ».
64 CE, 14 nov. 2012, n° 342327 : Lebon, T. pp. 602-603.
65 S’agissant d’une délibération approuvant, comme en l’espèce, un bail emphytéotique, vous avez jugé que cette obligation n’était pas remplie si la notice explicative de synthèse mentionnée à l’article L. 2121-12 du CGCT et l’avis du service du domaine ne permettaient pas de vérifier si l’indemnité due à la commune pour sa renonciation au droit d’accession à la propriété à l’issue du bail ne serait pas inférieure à la valeur de ce droit (CE, 13 sept. 2021, n° 439653, 439675, Cne de Dourdan et SNC Dourdan Vacances : Lebon, T. ; Dr. Voirie 2021, p. 192, concl. R. Victor).
66 CE, 10 juill. 2020, n° 423901.

Cecile Raquin : Promoimpresa étend son emprise sur le domaine public, mais bute sur le domaine privé

Cécile Raquin
Rapporteuse publique