Expropriation : Nov. / Déc. 2022

Actualité

La commune face à l’indivision

Une commune qui veut acquérir un terrain dont la propriété est indivise peut-elle acquérir la moitié des droits indivis auprès des indivisaires acceptant la cession, puis mettre en œuvre une procédure d’expropriation pour acquérir le solde des droits indivis ? À cette question (Rép. min. à QE n° 01837 [Masson] : JO 3 Sénat 3 nov. 2022), le ministère de la justice souligne d’abord qu’ « une commune qui entendrait acheter les droits indivis de personnes favorables à la cession du bien s’exposera à la préemption de ces droits par des co-indivisaires défavorables à l’opération » et que, « une fois la commune devenue membre de l’indivision, ses co-indivisaires pourront à tout moment solliciter le partage des biens indivis (C. civ., art. 815) ». Puis, s’agissant de la possibilité d’exproprier des droits indivis, il indique que « l’expropriation peut porter sur tout ou partie d’un immeuble mais égale- ment sur des droits réels. Les droits indivis comptant au nombre des droits réels, il est effectivement possible d’en poursuivre l’expropriation (ex : TGI Pontoise, juge de l’expropriation, 9 nov. 2016, n° 15/00059 : donner acte d’un accord sur l’indemnité d’expropriation des droits indivis d’une société au sein d’un centre-commercial). La loi le prévoit expressément en matière d’expropriation des parties communes d’un immeuble soumis au statut de la copropriété, qui sont des biens indivis entre les copropriétaires (CCH. art. L. 615-10). Dans l’hypothèse envisagée, l’expropriation porterait sur la moitié des droits indivis dans l’immeuble concerné, dont il conviendra de préciser les titulaires et les parts respectives dans l’acte d’expropriation. L’expropriation aurait alors pour effet de réunir entre les mains d’un seul des indivisaires (la commune, titulaire de la moitié des droits indivis en vertu des cessions antérieures), l’ensemble des droits indivis portant sur l’immeuble. L’expropriation mettrait donc fin à l’indivision portant sur cet immeuble. L’indivision successorale ne subsisterait, le cas échéant, que sur le surplus de la masse indivise ». Le ministère avait au préalable pris le soin de rappeler « que l’expropriation ne peut être prononcée qu’à la condition qu’elle réponde à une utilité publique préalablement et formellement constatée à la suite d’une enquête et qu’il ait été procédé contradictoirement à la détermination des parcelles à exproprier ainsi qu’à la recherche des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres personnes intéressées ». Peut-être pour conjurer le spectre du « spéculateur immobilier public » (v. infra p. 195, note Ph. Yolka).