Contre la création de péage “sur l’existant”

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Le sénateur Jean-Louis Masson a déposé une proposition de loi n° 604 « tendant à interdire l’instauration de péages sur les sections d’autoroutes existantes et actuellement gratuites ». Composé d’un article unique, le texte dispose qu’ « une section d’autoroute existante et gratuite ne peut être assujettie à un péage que si elle fait l’objet de travaux entraînant une transformation fondamentale de sa configuration ». Le parlementaire estime en effet « purement et simplement scandaleuse » la « nouvelle [nous soulignons] rédaction de l’article L. 122-4 du code de la voirie routière », qui dispose qu’il « peut être institué par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de régulation des transports, un péage pour l’usage d’une autoroute en vue d’assurer la couverture totale ou partielle des dépenses de toute nature liées à la construction, à l’exploitation, à l’entretien, à l’aménagement ou à l’extension de l’infrastructure ». Il concède que « des modifications fondamentales (nouveau tracé, création d’un grand ouvrage d’art sur la section existante…) peuvent légitimer l’instauration d’un péage sur une section d’autoroute existante et gratuite. Par contre, ce n’est absolument pas le cas de travaux d’entretien ou de simple aménagement (création d’une voie supplémentaire, amélioration d’un échangeur…) ». Et de dénoncer en outre l’inégalité de traitement des usagers devant le service public, en arguant notamment du fait « qu’en Bretagne, toutes les autoroutes et voies rapides [sont] gratuites alors que partout ailleurs le péage est généralisé ». Ou en invoquant encore le fait que « les insulaires de l’île de Ré peuvent franchir gratuitement le pont à péage alors que les autres automobilistes sont assujettis au paiement d’une écotaxe prétendument destinée à financer, non pas le coût de l’infrastructure, mais d’hypothétiques actions de préservation du littoral ». On relèvera que la « nouveauté » remonte tout de même à près de 20 ans, puisque la disposition a été introduite par la loi n° 2004-809 relative aux libertés et responsabilités locales. L’objectif affiché était alors que l’autoroute soit financée par l’usager, et non le contribuable. « Le péage devient un instrument essentiel de financement des grands programmes d’équipements collectifs et structurants », affichait l’exposé des motifs. À l’époque, la sénatrice communiste Marie-France Beaufils s’était, parmi d’autres, opposée à l’application de ce principe de « l’utilisateur-payeur », l’estimant « contraire aux principes de notre République ». Un principe qui a depuis grandement prospéré, et continue de le faire, comme en témoigne la directive dite Eurovignette, qui vient d’être transposée par la loi dite DADUE n° 2023-171 du 9 mars 2023. On relèvera encore qu’à l’époque, le sénateur Masson siégeait déjà à la Chambre haute, où il a été élu pour la première fois le 23 septembre 2001.