En bref…
CAA Toulouse, 8 nov. 2022, n° 20TL02939, B. c./ Cne de Mauguio : Dr. Voirie 2023, p. 23, synth. C. Meurant
La notion d’accessoire est largement reçue en droit administratif (pour une vue d’ensemble, B. Blaquière, La théorie de l’accessoire en droit administratif, LGDJ, 2022), notamment en matière domaniale (H. Charles, Accessoire et domaine public en droit administratif français, in Mél. Stassinopoulos : LGDJ, 1974, p. 187). Elle y joue le plus souvent entre dépendances immobilières dans les conditions spécifiques – relations d’utilité et d’indissociabilité – prévues par l’article L. 2111-2 du CGPPP, mais il arrive de loin en loin que la théorie civiliste de l’accessoire (cf. C. civ, art. 524 et 525. V. G. Goubeaux, L’accessoire en droit privé, LGDJ, 1969) ait pour conséquence de transformer un meuble en immeuble, dès lors qu’il y a identité de propriétaire et rapport de destination entre l’immeuble par nature et le meuble qui devient immeuble par destination. Historiquement, l’on a vu cette dernière mécanique à l’œuvre à propos de meubles culturels situés dans des édifices publics comme les églises, les bibliothèques, etc. (V. d’une part., Cass. req., 17 juin 1896 : DP 1897, 1, p. 257 – CA Lyon, 19 déc. 1873, Cne de Nantua : DP 1876, 2, p. 89 – CA Paris, 12 juill. 1879, Préfet de la Seine : DP1880,2, p.101–CA Nîmes, 4 déc. 1944, État français c/ Brun : D. 1946, jurispr. p. 28, note Waline – TGI Rouen, 13 nov. 1961 : Gaz. Pal. 1962, 1, jurispr. p. 99 – T. corr. Montluçon, 29 sept. 1965 : D. 1965, jurispr. p. 774. D’autre part, CE, 4 août 1913, Desvals : S. 1913, 3, p. 161, note Hauriou – CE, 17 févr. 1932, Cne de Barran : D. 1933, III, p. 49, note Capitant). Si le juge judiciaire s’en est ensuite éloigné (Cass. 1re civ., 2 avr. 1963, Montagne : AJDA 1963, p. 486, note Dufau), certaines traces demeurent dans la jurisprudence administrative (CAA Douai, 17 sept. 2009, n° 08DA01268, Sté Delmas : AJDA 2010, p. 847, note Carpi- Petit. – Conf. sur le fond par CE, 7 déc. 2015, n° 362766, Sté CMA CGM : Lebon, T.) ainsi que dans les textes en vigueur (CGPPP, art.L.2112-1,7°).
L’arrêt du 8 novembre 2022 atteste cette rémanence, d’autant plus atypique qu’elle s’avère en l’espèce radicalement étrangère au droit du patrimoine culturel (qui constitue son habituel terreau). Était en cause la fausse manœuvre d’un automobiliste enthousiaste, qui avait percuté une jardinière – entendue ici comme meuble où l’on fait pousser des plantes, non comme garniture composée d’un mélange de légumes cuits ni (heureusement) comme personne du beau sexe travaillant au jardin. S’en est suivi un litige entre la commune propriétaire du bac à fleurs et le propriétaire du véhicule, la première réclamant au second les frais de remise en état dudit mobilier urbain. L’intérêt de cette décision d’appel vient de ce qu’elle admet que le litige financier en question entre dans le champ d’application des contraventions de voirie routière (quand même l’infraction n’a pas été poursuivie) ; ceci, en recourant à l’idée d’immobilisation par destination. En effet, la jardinière endommagée contribuait à l’aménagement d’un accotement goudronné de la voie publique (lui-même affecté aux besoins de la circulation terrestre) en matérialisant des emplacements réservés au stationnement, concourant par-là même à l’utilisation d’une dépendance du domaine public routier et relevant en conséquence de ce dernier.

Philippe Yolka
Professeur en droit public
Université Grenoble Alpes