Les aires de stationnement, végétalisées or not végétalisées ?

Tribune

Bien que la question n’ait pas été abordée par la Convention citoyenne pour le climat, le Parlement s’est saisi de la question de la végétalisation des aires (publiques ou privées) de stationnement dans le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, en cours de discussion.

Contre l’avis du gouvernement et du rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, l’Assemblée nationale a adopté un article visant à réduire, en dix ans, de 50 % l’emprise au sol des constructions de parkings par rapport à la décennie précédente, à installer, également dans les dix ans, des ombrières pour 50 % des surfaces de parkings existants et à végétaliser l’ensemble des parkings d’ici 2025. On comprend pourtant de l’ensemble de ces mesures qu’elles ont pour objet de lutter tout à la fois contre l’artificialisation des sols et le réchauffement climatique, des objectifs poursuivis par la Convention. Le Sénat a retravaillé le dispositif et l’a scindé pour le traiter dans deux articles distincts du projet, obligeant la commission mixte paritaire (CMP) à se prononcer.

Et c’est là que la question prend une tournure intéressante puisqu’une mission « flash » a été confiée par l’Assemblée au député des Landes, Lionel Causse, celui-là même qui s’était opposé à l’amendement voté par la chambre basse. Bien qu’il ne disposait que de quelques semaines pour examiner les enjeux de l’aménagement des aires de stationnement, les conclusions de sa mission sont fort intéressantes. Déjà, quelle que soit la rédaction retenue par l’Assemblée nationale ou le Sénat, il est fantaisiste de fixer comme objectif à dix ans de réduire de 50 % l’emprise des aires de stationnement par rapport à la décennie précédente pour la simple et bonne raison qu’il n’existe aucune donnée statistique agrégée permettant de savoir combien de mètres carrés sont aujourd’hui consacrés en France à ces aires. Comment dès lors la réduire de 50 % ? Voilà donc l’exemple type de disposition à ranger dans la catégorie « bonne conscience », chacun sachant pertinemment qu’elle est vouée à n’avoir aucun effet.

En revanche, des propositions pertinentes ont été suggérées, qui doivent convaincre son homologue au Sénat en préparation de la CMP. Convoquant l’arsenal législatif existant, est suggéré un alignement des règles applicables – que les aires appartiennent à des acteurs publics ou privés ou que leur destination soit commerciale ou publique – en vue de les soumettre à des normes de perméabilité des sols, de végétalisation et d’ombrage soit dès leur création, soit à l’occasion de leur rénovation ou du renouvellement des concessions.

Ce n’est pas le lieu de discuter du fond de ces dispositions, d’autres occasions se présenteront. C’est l’aveu du rapporteur qui interroge – cet « (…) article que je ne soutenais pas, faute d’informations » – et d’ajouter : « les cinq semaines consacrées à cette mission flash ont forgé ma conviction qu’il ne faut pas abandonner l’objectif de végétaliser les parkings ». Et on se dit, Monsieur le rapporteur de la commission du développement durable, au moment de la discussion du projet de loi vous ne disposiez pas d’informations, donc vous avez voté contre. Et c’est parce que vous avez (re)travaillé le sujet que, finalement, vous mesurez, d’une part, le caractère inapplicable d’une des mesures et, d’autre part, la pertinence des autres. Que doit-on alors penser des autres dispositions du projet de loi ? Ont-elles fait l’objet d’un examen approfondi ? Pourquoi le gouvernement persiste-t-il à soumettre les projets de loi à la procédure accélérée, empêchant les parlementaires de mener un vrai travail de fond sur les enjeux de société ?

Philippe Zavoli
Institut fédératif de recherche sur les transitions juridiques (IFTJ)
Université de Pau et des Pays de l’Adou