Affichage, signalisation et mobilier urbain – Publicité extérieure

SynthèseMai 2020 – Mai 2021

Comme chaque année, la présente synthèse fait le point sur l’état du droit de la publicité extérieure. Sur le terrain du droit applicable, pas d’évolutions législatives et réglementaires applicables, mais cela ne saurait tarder puisque la loi Climat en cours de discussion au Parlement comporte des dispositions intéressant cette rubrique (I). Le terrain contentieux de la publicité quant à lui, et contrairement à l’année passée, a donné lieu à des décisions particulièrement intéressantes, en particulier, sur les règles susceptibles d’être retenues dans les règlements locaux de publicité (RLP) (II).


I. DES MODIFICATIONS À VENIR APPORTÉES AU DROIT DE LA PUBLICITÉ EXTÉRIEURE

La Convention citoyenne pour le climat a investi le droit de la publicité en suggérant une modification du régime applicable (A). Elle devrait en partie être suivie par le législateur dans le cadre du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (B).

A. Ce qu’avait envisagé la Convention citoyenne pour le climat

La convention citoyenne pour le climat n’a pas caché son hostilité à l’égard de la publicité considérant que « la surexposition publicitaire n’est pas compatible avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici 2030 » 1. Consciente qu’une suppression pure et simple de la publicité n’était pas envisageable ne serait-ce que parce qu’elle génère d’importantes recettes pour les opérateurs économiques, elle n’en a pas moins proposé l’interdiction des panneaux publicitaires dans les espaces publics extérieurs à l’exception de celle relative à l’information locale et culturelle, ainsi que les panneaux indiquant la localisation d’un lieu de distribution, l’interdiction de la publicité numérique et, de manière plus anecdotique, l’interdiction des avions publicitaires.

Il faut le dire, son imparfaite connaissance du droit de la publicité de la publicité extérieure – au demeurant fort complexe –, malgré l’intervention du comité légistique 2, l’a conduit à confondre le message publicitaire et le dispositif sur lequel est diffusé le message. En bref, le média et le médium. Si l’on comprend la logique d’une réglementation relative au contenu publicitaire et par exemple celle consistant à interdire la pro- motion de toute activité économique contribuant à l’augmentation de la production de gaz à effet de serre, on avouera avoir du mal à comprendre quel est l’impact sur le réchauffement climatique, autre que sur le cadre de vie et le paysage, d’un panneau publicitaire.

B. Ce qui se profile dans les textes

Loin pour l’auteur de ces lignes d’avoir l’idée de préjuger de ce que va décider la représentation nationale dans le cadre de la discussion du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets dé- posé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 10 février 2021 3. Ce projet de loi qui a pour objet, selon son exposé des motifs, de traduire « les dispositions de nature législative recommandées par la Convention citoyenne » devait passer l’épreuve de la com- mission mixte paritaire le 12 juillet. À cet égard, les sénateurs ont remis en cause de très nombreuses dispositions adoptées par l’Assemblée nationale, et notamment celles nous intéressant. Quoi qu’il en soit, la montagne législative pourrait n’accoucher que d’une minuscule souris puisque la discussion semble se focaliser sur l’autorité de police compétente en matière de police de la publicité. S’agit-il du seul maire, éventuellement le président de l’EPCI compétent en matière d’élaboration d’un règlement local de publicité (RLP), qui la détiendrait que son territoire soit, ou non, couvert par un RLP – c’est la position de l’Assemblée – ou sera-t-il maintenu le partage de compétence entre l’autorité locale et le préfet – c’est la position du Sénat ? On le voit, rien qui n’ait, de près ou de loin, une quelconque résonnance avec la lutte contre le réchauffement climatique. Mais comment pourrait-il en aller autrement au vu de nos précédents développements ? En toute hypothèse, il nous sera loisible d’en reparler à l’occasion de la chronique de l’an prochain et ce d’autant plus que se pro- filent également, et à la faveur des dispositions réglementaires qu’appelleront nécessairement les prochaines évolutions législatives, de nouvelles modifications du décret portant règlement national de publicité (RNP) du 31 janvier 2012, en particulier celles relatives au calcul de la surface publicitaire fixée par le RNP ou les RLP, nous y reviendrons plus bas.


II. LE CONTENTIEUX DU DROIT DE LA PUBLICITÉ

Depuis la réforme du droit de la publicité née de la loi du 12 juillet 2010, les communes et leurs groupements compétents en matière de PLU élaborent de nouveaux RLP dit de « seconde génération ». La précédente chronique nous avait déjà permis de relever que le contrôle du juge présentait une certaine continuité si on le compare au contentieux des RLP de première génération, c’est-à-dire ceux adoptés sur le fondement de la loi du 29 décembre 1979. C’est encore le cas cette année (A). Mais l’année en cours est marquée par des décisions portant sur les premières interprétations de dispositions propres à la réforme de 2010 tenant aux méthodes de calcul des surfaces publicitaires (B), mais aussi tenant au régime de la publicité de petit format (C).

A. Les limites du pouvoir d’appréciation de l’autorité de police

L’article L. 581-14 du code de l’environnement confie aux communes et aux intercommunalités compétentes en matière de PLU la compétence d’élaborer des RLP dont les dispositions sont, en principe, plus restrictives que celles issues du RNP. La juridiction administrative en a déduit que l’autorité de police disposait d’un large pouvoir discrétionnaire. L’examen du RLP de la commune de Soyaux (Charentes) a conduit la cour administrative d’appel de Bordeaux de rappeler l’existence d’un tel pouvoir, mais également d’en fixer les limites (CAA Bordeaux, 19 mai 2020, n° 18BX00795, Sté Jouretnuit). La société requérante était spécialisée dans l’implantation de dispositifs publicitaires lumineux et était confrontée au refus que lui avait opposé le maire de la commune d’installer un tel dispositif sur son territoire. Le refus était fondé sur les dispositions du RLP interdisant la publicité lumineuse. Amenée à examiner la légalité du règlement de publicité et le zonage associé, la cour a relevé que dans les trente-trois zones (sic !) qui ont été instaurées, toutes interdisaient la publicité lumineuse conduisant à ce que cette dernière soit interdite sur la quasi-totalité du territoire urbanisé de la commune. Elle en a ainsi déduit que le règlement avait institué une interdiction générale et absolue de la publicité lumineuse. Or, on sait que dans le cadre de son contrôle des mesures de police, le juge administratif est méfiant à l’égard d’une telle interdiction suspectée de contradiction avec les exigences posées par la « règle d’or » 4 tirée de ce que ces mesures doivent être nécessaires, adaptées et proportion- nées. Toutefois, et la cour le précise également ici, des circonstances locales peuvent commander une telle mesure d’inter- diction. Or, en l’espèce, la commune n’a pu établir que des circonstances locales particulières imposaient que la publicité lumineuse soit interdite dans cette commune. Par conséquent, le refus opposé à la société requérante a été annulé.

En tout état de cause cela ne signifie pas qu’il ne soit pas possible d’interdire la publicité lumineuse dans un RLP. C’est un enseignement qu’il convient de tirer de la décision rendue par le Conseil d’État à l’occasion du contentieux opposant un afficheur spécialisé dans la publicité numérique, forme de publicité lumineuse, à la commune de Rouen (CE, 2 mars 2021, n° 437612, Cne de Rouen). De la même manière que l’affaire précédente, le maire de la commune avait refusé l’installation d’un dispositif numérique en se fondant sur l’interdiction instaurée par son RLP sur une de ses zones. La cour administrative d’appel de Douai avait annulé le refus au motif de l’absence de justifications avancées par le maire. Et nous avions convenu, lors de la chronique précédente, que l’exercice s’avérait bien difficile vu que le RLP sur lequel était fondé le refus est un document de première génération qui ne comporte ni rapport de présentation, ni explication des règles retenues 5. Pourtant, la commune a eu la bonne idée de se pourvoir en cassation car le Conseil d’État est par- venu à extraire du préambule du règlement quelques idées générales justifiant qu’une telle décision de refus soit opposée et l’arrêt d’appel a été censuré pour insuffisante motivation. C’est à nouveau la preuve du large pouvoir de réglementation dont dispose l’autorité de police. L’affaire a été renvoyée à la cour.

B. La liberté quant à la méthode de calcul des surfaces publicitaires

C’est à la faveur de l’examen du RLPi de Bordeaux Métropole que la cour administrative d’appel de Bordeaux (CAA Bordeaux, 26 avr. 2021, n° 19BX01464, Union pour la publicité extérieure) a pu apporter d’intéressantes précisions concernant la méthode de calcul des surfaces publicitaires retenue par la métropole 6. Le RNP fixe des surfaces publicitaires maximales en fonction de l’importance de la population des agglomérations qui les ac- cueillent et de la nature des dispositifs en cause. Pour faire simple, dans les agglomérations de plus de 10 000 habitants, la publicité ne peut dépasser 12 m2, une surface ramenée à 8 m2 pour la publicité numérique, tandis que dans les agglomérations de moins de 10 000 habitants, la surface publicitaire est limitée à 4 m2. Sauf que l’article R. 581-26 du code de l’environnement qui fixe ces surfaces ne précise pas quels sont les éléments du dispositif pris en compte pour le calcul de la surface maximal. Dans sa version arrêtée, le projet de RLPi avait fixé des surfaces maximales en prenant l’initiative de distinguer une « surface utile » – c’est-à-dire la surface se rapportant à l’affiche – et une « surface hors tout », c’est-à-dire une surface prenant en compte l’affiche mais aussi les éléments d’encadrement. Lors de l’enquête publique, de nombreux avis s’étaient exprimés pour limiter les surfaces maximales instituées par le projet de règlement en même temps que le Conseil d’État, dans un arrêt d’octobre 2016 7, apportait la précision que pour calculer la surface d’un dispositif publicitaire, « il convient de prendre en compte, non pas la seule surface de publicité lumineuse apposée sur le dispositif publicitaire mais le dispositif lui-même dont le principal objet est de recevoir cette publicité, c’est-à-dire la surface du panneaux litigieux tout entier ».

Aussi la métropole a-t-elle fait le choix, dans son RLP soumis à l’approbation, de supprimer la distinction surface utile/surface hors-tout de son règlement et de retenir comme surfaces maximales les surfaces correspondant auparavant aux surfaces utiles. Cette évolution des dispositions a été contestée par le syndicat requérant au motif, d’une part, qu’elle constituerait une atteinte à l’économie générale du projet nécessitant l’organisation d’une nouvelle enquête publique et, d’autre part, qu’elle illustrerait l’incompétence négative de l’Epci qui se serait senti lié par la jurisprudence du Conseil d’État. Le juge d’appel a rejeté les deux arguments, en rappelant que pour que substantielle que soit la réduction des formats publicitaires sur la métropole imposée par le règlement, elle répond aux orientations que cette dernière avait fixées dans sa délibération de prescription du RLPi. Ce faisant, le juge administratif rappelle implicitement le large pouvoir discrétionnaire dont disposent les auteurs du RLP, comme on l’avait déjà souligné plus haut.

En outre, le choix de ne retenir qu’une seule méthode de calcul des surfaces maximales répond au seul but de clarté et d’intelligibilité de la règle. En effet, il n’y a aucune obligation de retenir la méthode de calcul des surfaces retenue par la Haute Juridiction administrative dans les RLP. Cette méthode ne s’impose que pour les surfaces figurant dans le RNP. Un RLP peut parfaitement choisir d’autres méthodes de calcul pourvu qu’elles ne conduisent pas à admettre des surfaces supérieures à celles du RNP puisque, et conformément à l’article L. 581-14 du code de l’environnement, un RLP ne peut pas être plus permissif que le RNP. Mutatismutan- dis, c’est l’application de la méthode de calcul de la hauteur d’un bâtiment. Dans le silence d’un PLU, cette hauteur est déterminée en prenant comme point bas le niveau du sol existant avant tous travaux d’exhaussement ou d’excavation effectués en vue de la réalisation du projet 8 et comme point haut l’égout du toit. Mais un PLU peut en décider autrement en exprimant cette hauteur en niveau (R+1, R+2) 9 ou, lorsque la hauteur est exprimée en mètre, en retenant comme point haut le faîtage de la construction.

C. La limitation des possibilités d’encadrer la publicité de petit format

La même décision rendue par la juridiction d’appel sur le RLPi de Bordeaux Métropole est à relever concernant la possibilité pour un RLP(i) de réglementer l’installation de la publicité de petit format. Précisons qu’il s’agit d’un procédé de publicité qui, comme son nom l’indique, concerne des dispositifs de petite taille puisque, selon l’article R. 581-57 du code de l’environne- ment, leur surface est limitée à 1 m2, apposés sur une devanture commerciale dans une limite maximale de 2 m2. Le règlement de Bordeaux métropole avait interdit leur installation dans certaines zones du territoire et avait limité leur surface cumulée à 1 m2 dans d’autres. La société requérante avait contesté ces dispositions arguant de ce qu’un RLP ne pouvait apporter des restrictions à l’implantation de la publicité de petit format plus sévères que celles issues du RNP. Un tel moyen était fondé sur l’application du III de l’article L. 581-8 du code de l’environnement qui dispose qu’en dehors des cas d’interdiction fixés par l’article L. 581-4 et I du même article L. 581-8, la publicité de petit format se soumet aux prescriptions fixées par décret en Conseil d’État – en l’occurrence l’article R. 581-57 évoqué plus haut. Le syndicat requérant avait déduit de cette disposition que, soit ce procédé publicitaire est interdit dans certains lieux et immeubles fixés par la loi, soit il est soumis au RNP dans les autres lieux et immeubles. Et l’argument est renforcé par la lecture de l’article L. 581-14 qui dispose qu’un RLP a pour objet d’adapter les dispositions prévues par les articles L. 581-9 et L. 581-10. Le III de l’article L. 581-8 n’est pas cité.

Autrement dit et a contrario, il n’est pas possible pour un RLP d’instituer des règles d’implantation de la publicité de petit format plus sévères que celles issues du RNP. Contrairement au tribunal administratif de Bordeaux qui l’avait écarté, l’argument a été entendu par la cour qui a annulé les articles du RLP limitant son implantation. La démonstration est incontestablement solide, mais elle oublie, à notre sens, le principe général figurant au 2e alinéa de l’article L. 581-14 selon lequel « le RLP définit une ou plusieurs zones où s’applique une réglementation plus restrictive que les prescriptions du règlement national ». Or, l’article R. 581-57 est bien une disposition issue du règlement national. De sorte que, de notre point de vue, rien n’interdit de prévoir dans un RLP des dispositions plus sévères que le RNP applicables à la publicité de petit format. À n’en pas douter, une telle décision – la première à notre connaissance à se pencher sur cette question – animera les discussions devant d’autres juridictions au vu du nombre de RLP ayant adopté des dispositions comparables à celles du règlement de la métropole bordelaise. C’est ainsi le cas du RLPi de la métropole de Toulouse dont les dispositions relatives à la publicité de petit format ont été annulées par le tribunal administratif de Toulouse pour les mêmes motifs (TA Toulouse, 2 juill. 2021, n° 1905615, UPE). Bien que les enjeux soient limités en termes d’impact sur le cadre de vie au vu de la taille des dispositifs 10, il y a là une belle question de droit qu’il serait intéressant de voir tranchée par le Conseil d’État.

1 Proposition C2.2 in Rapport de la Convention citoyenne pour le climat, 21 juin 2020, p. 27. Consultable ici : https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/ Convention/ccc-rapport-final.pdf
2 Par exemple, le comité légistique a suggéré que l’interdiction de la publicité sur les banderoles tractées par un aéronef figure dans une section nouvellement créée dans le code de la consommation alors que ce procédé publicitaire est déjà régi par l’article L. 581-15 du code de l’environnement qui renvoie à un décret en Conseil d’État le soin d’en préciser les modalités d’installation, lequel n’a jamais été pris… Ce qui fait que la publicité sur les aéronefs est actuellement déjà interdite…
3 Projet de loi n° 3875.
4 Pour reprendre l’expression de Pierre Bon sous son commentaire de CE, 26 août 2016, Ligue des droits de l’Homme in RFDA 2016, p. 2122.
5 Dr. Voirie 2020, p. 125, spéc. p. 126.
6 Conformément à l’avis du collège de déontologie rendu le 14 décembre 2020 relatif à la transparence des intérêts portés par certains enseignants- chercheurs à l’occasion d’une publication et à la prévention des risques de conflits d’intérêts, il est précisé aux lecteurs de la présente chronique que l’auteur de ces lignes, au titre de ses activités de consultant, est à l’origine des dispositions figurant dans le RLPi de la métropole bordelaise, ainsi que de celui de la métropole toulousaine.
7 CE, 20 oct. 2016, n° 395494, Cne de Dijon : Lebon, T. ; Dr. Voirie n° 196 ; AJDA 2016, p. 2394, concl. X. Domino.
8 CE, 27 oct. 2000, n° 195651, SCI Vista Amena.
9 Par ex., CE, 6 déc. 2017, n° 399524 : Lebon, T.
10 N’oublions cependant pas l’enjeu économique pour les opérateurs économiques, dont c’est la principale activité

Philippe Zavoli
Institut fédératif de recherche sur les tran- sitions juridiques (IFTJ)
Université de Pau et des Pays de l’Adour