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Entretien des routes : la Cour des comptes dénonce l’absence de pilote
Après avoir présenté trois rapports intermédiaires (relatifs aux réseaux de Brest Métropole, du Finistère et de Haute-Savoie – v. Dr. Voirie 2021, p. 222), la Cour des comptes a publié courant mars son rapport public thématique sur l’entretien des routes nationales et départementales, qui montre que « l’État stratège » reste en matière routière une notion très abstraite.
La Cour déplore en premier lieu que la fragmentation croissante de la compétence routière en France, fruit des différents mouvements de décentralisation (appelée à se poursuivre avec la loi 3DS – v. p. 47), n’ait pas donné lieu à une réflexion sur le nouveau rôle de l’État, alors qu’il « reste le garant, de par la loi, de la cohérence et de l’efficacité de l’ensemble du réseau routier ». À cette absence de véritable politique routière s’ajoutent (ou découlent ?) une perte d’informations (sur l’état de la voirie transférée) et de compétences (l’État serait désormais « mal armé pour assurer sa mission de conseil et d’appui pour la gestion des réseaux »), affaiblissement que les collectivités déploreraient elles-mêmes.
Au vu de la façon dont l’État gère le réseau non concédé (1,1 % du linéaire national hors auto- routes) et ses services, il convient toutefois de relativiser sérieusement la portée de ce manque de conseil et d’appui. La Cour relève en effet que l’évaluation par État de ses chaussées et ouvrages d’art conduite depuis les années 1990 était jusqu’ici « partielle » et « manquait de précision », se traduisant par une « lente dégradation de son réseau ». Et si depuis l’État a mis en œuvre un nouveau dispositif, la mise en œuvre défaillante de ce dernier « a privé les services d’une évaluation objective pendant plusieurs années ». Pis, il n’est « pas acquis non plus [qu’il] puisse servir à la sélection et à la programmation des chan- tiers ». De manière générale, le pilotage assuré par le ministère est jugé « à la fois trop étroit et trop lâche ».
La gestion des services frise aussi la sortie de route. La Cour relève que le calcul des rémunérations, « extrêmement complexe », « reconnait insuffisamment la responsabilité ». Elle déplore plus largement que la transformation des directions interdépartementales des routes (DIR) – instituées il y a plus de 15ans !–« n’a pas été réellement engagée ». « L’administration centrale s’est peu interrogée sur la pertinence des normes, souvent anciennes », parfois par « crainte de remettre en cause leur organisation, voire leurs habitudes », souligne cruellement rapport. Il met en valeur, horresco referens, « ce qui se pratique en Angleterre », i.e. « le suivi de la qualité du service perçue par les usagers, de même qu’une meilleure association de ces derniers à la collecte de données ». Dernier clou dans le cercueil, il est souligné que « par comparaison, plusieurs départements ont su davantage adapter ces objectifs, mais aussi leurs organisations, aux moyens disponibles. Ces démarches devraient inspirer l’ensemble des gestionnaires routiers, État comme collectivités territoriales ».
La gestion de ces dernières (où la programmation « demeure le plus souvent empirique ») ne trouve pas non plus toujours grâce aux yeux de la rue Cambon. Et ce même dans les départements, où « l’entretien et l’exploitation restent encore trop sou- vent des variables d’ajustement » (v. François Sauvadet ci-contre). La Cour constate néanmoins « une reprise de l’investissement spécifiquement routier, amorcée en 2017 et plus nette à partir de 2018-2019 ».
En conclusion, la Cour dresse plusieurs recommandations, parmi lesquelles : l’organisation au niveau national d’une remontée obligatoire des données, intégrées dans un système d’information partagé ; faciliter les conditions de la mobilisation du Cerema par les collectivités (ce que vient de prévoir la loi 3DS, v. p. 47), confier à ce dernier la tâche d’élaborer une grille d’harmonisation des diagnostics des chaussées des départements et intercommunalités supportant les trafics les plus importants ou en- core… réformer la gestion du réseau routier national non concédé. La Cour des comptes a depuis présenté deux nouveaux rapports « intermédiaires » : le 14 mars relatif au département de la Savoie et le 22 mars relatif au département de Haute-Loire.