Urbanisme : Mai / Juin 2022

Actualité

L’ordonnance « trait de côte » publiée

Habilité en la matière par la loi Climat & résilience, le gouvernement a publié l’ordonnance relative à l’aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte (Ord. n° 2022- 489, 6 avr. 2022).

Le texte définit d’abord la méthode d’évaluation des biens les plus exposés à horizon de trente ans, applicable dans le cadre de la procédure du nouveau droit de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte et lors de la détermination des indemnités en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique. Le prix est fixé en priorité par référence à des mutations et accords amiables portant sur des biens de même qualification et avec un niveau d’exposition similaire situés dans cette même zone. Lorsqu’elles sont insuffisantes, il est fixé en en priorité par référence à des mutations et accords amiables portant sur des biens de même qualification situés hors de la zone exposée au recul du trait de côte dans laquelle il se situe, en appliquant un abatte- ment tenant compte de la durée limitée restant à courir avant la disparition du bien.
Le texte précise également les conséquences en cas d’annulation de la décision de préemption. Il dispose par ailleurs que des réserves foncières peuvent également être constituées par l’État, les collectivités locales ou leurs groupements, ou les établissements publics y ayant vocation en vue de prévenir les conséquences du recul du trait de côte sur les biens situés dans les zones exposées au recul du trait de côte. Avant leur renaturation, les immeubles acquis pour la constitution de ces réserves pourront faire l’objet d’un « bail réel d’adaptation à l’érosion côtière », institué par le décret.

Par ce nouveau contrat de bail, l’État, une commune ou un groupement de communes, un établissement public y ayant vocation ou le concessionnaire d’une opération d’aménagement consent à un preneur, pour une durée comprise entre 12 ans et 99 ans (durée fixée par le contrat en fonction de l’état des connaissances à la date de conclusion du bail quant à l’évolution prévisible du recul du trait de côte), des droits réels immobiliers en vue d’occuper lui-même ou de louer, exploiter, réaliser des installations, des constructions ou des aménagements, dans les zones exposées au recul du trait de côte. À l’échéance du bail, le terrain d’assiette du bien fait l’objet par le bailleur d’une renaturation comprenant, le cas échéant, la démolition de l’ensemble des installations, des constructions ou des aménagements, y compris ceux réalisés par le preneur, et les actions ou opérations de dépollution nécessaires.

Ce bail ne peut faire l’objet d’une reconduction tacite, mais peut être prorogé si la situation permet de maintenir la destination du bien, sans que cette prorogation puisse avoir pour effet de porter sa durée totale à plus de 99 ans. Il est résilié de plein droit à la date de l’arrêté du maire ou du préfet prescrivant les mesures nécessaires lorsque l’état du recul du trait de côte est tel que la sécurité des personnes ne peut plus être assurée (et donnera alors lieu à indemnisation).

Le preneur s’acquitte d’un prix à la signature du bail pour les droits réels consentis et, le cas échéant, du paiement pendant la durée du bail d’une redevance (révisable, le versement d’un complément de prix étant également possible). Il ne peut se libérer de cette redevance, ni se soustraire à l’exécution des conditions du bail, en délaissant le bien.

Le bail précise la destination des lieux autorisée et, le cas échéant, les activités accessoires qui peuvent être exercées. Le preneur est tenu de réaliser les travaux d’entretien et de réparation nécessaires à la conservation du bien. Le bail précise la nature, la consistance et l’étendue des travaux que le preneur peut réaliser. Il peut limiter ou interdire l’extension des installations, des constructions ou des aménagements mis à bail au regard de l’évolution du recul du trait de côte. Le preneur peut jouir librement des droits réels immobiliers et des installations, des constructions ou des aménagements qu’il occupe, exploite, ou réalise. Il peut librement consentir des baux et titres d’occupation de toute nature ne conférant pas de droits réels sur les installations, les constructions ou les aménagements qui font l’objet du bail (le contrat pouvant prévoir que le preneur l’occupe ou l’exploite sans pouvoir le louer). L’occupant ne peut ni céder le contrat d’occupation, ni sous-louer le bien. Le contrat d’occupation s’éteint de plein droit au terme du bail réel d’adaptation à l’érosion côtière.<

Le prix de cession des droits réels issus du bail ne doit pas excéder notablement le prix résultant de la prise en compte d’une valeur du bien estimée selon la procédure précédemment décrite.

Le décret prévoit que l’obligation de démolition des nouvelles constructions dans les zones exposées au recul du trait de côte à l’horizon de trente et cent ans (C. env., art. L. 121-22-5) ne s’applique pas aux constructions nouvelles ou extensions de constructions existantes réalisées dans le cadre d’un tel bail.

Par ailleurs, le décret facilite la mise en œuvre des opérations de relocalisation des installations et constructions menacées par le phénomène d’érosion lorsqu’un contrat de projet partenarial d’aménagement est conclu, en prévoyant certaines dérogations aux règles existantes, et notamment celles relatives à la continuité de l’urbanisation existante. Des dispositions particulières sont également instituées pour concilier le dispositif avec la zone des cinquante pas géométriques dans les départements d’outre-mer.