Circulation & Voirie : Mai / Juin 2022

Actualité

Les voies vertes élargies

Espéré de longue date (v. le rapport Pistes pour l’évolution de l’encadrement juridique des voies vertes du CGEDD publié en février… 2011 – v. aussi Dr. Voirie 2012, p. 127, note C. Lantero), maintes fois annoncé – dernièrement dans le cadre du plan « Vélos et mobilités actives » présenté en septembre 2018 –, le décret n° 2022-635 du 22 avril relatif aux voies vertes a finalement réussi à couper la ligne d’arrivée le 24 avril dernier. Patience et longueur de temps…

Son objet ? « Lever des freins au développement des voies vertes qui résultent d’une définition trop restrictive des circulations qui peuvent y être ad- mises et d’imprécisions sur les modalités de leur classement et de l’exercice de la police de la circulation ». Concrètement, autoriser les engins d’entre- tien, d’exploitation et de gestion de ces voies, ainsi que les véhicules des propriétaires riverains, à les emprunter, permettant ainsi de conférer le statut de voie verte aux chemins de halage, routes forestières ou autres voies desservant des parcelles agricoles. Et officialiser la procédure de classement. Après être donc longtemps resté au chaud, le gouvernement a fait rougir le onze dents pour faire gicler le texte : c’est en urgence que le Conseil national d’évaluation des normes (Cnen) a ainsi été saisi début février d’une première version d’un texte… qui a alors pris un sérieux coup de bordure. Le Cnen n’a en effet guère apprécié la confusion entre vitesse et précipitation, déplorant que les associations d’élus « n’aient pas été suffisamment associées » à son élaboration – le manque de temps, sans doute… –, alors que ce sont elles qui assurent majoritairement le financement de ces voies. En outre, la version présentée encadrait par trop à son goût le pouvoir de police de la circulation du maire, notamment en fixant une liste fermée de véhicules pouvant être autorisés ou interdits sur ces voies. Une atteinte selon lui d’autant plus insupportable qu’elle était inutile, les collectivités conférant déjà le statut de voie verte « sans difficultés particulières en l’état du droit en vigueur depuis maintenant de nombreuses années ». Le gouvernement a donc revu sa copie, qu’il a présentée – sans doute après avoir salé la soupe – à nouveau au Cnen 12 petits jours ouvrés seulement après le premier examen…

À l’arrivée, le décret codifie quand même la pratique de création de ces voies, en la calquant sur celle en vigueur pour créer les « zones de rencontre » ou les « zones 30 ». Désormais, un nouvel article R. 411-3-2 du code de la route dispose notamment qu’« un arrêté pris par l’autorité détentrice du pou- voir de police de la circulation détermine les routes sur les- quelles est créée une voie verte après consultation des autorités gestionnaires de la voirie concernée » (et, en cas de superposition d’affectations, après consultation de l’autorité gestionnaire du domaine). Pour répondre aux inquiétudes du Cnen, il dispose que « les règles de circulation (…) sont rendues applicables par arrêté de l’autorité détentrice du pouvoir de police. Dans les conditions qu’elle détermine, les véhicules motorisés utilisés par une catégorie d’usagers qu’elle définit, ou par les titulaires d’une autorisation individuelle qu’elle délivre, peuvent, par dérogation, être autorisés à circuler pour accéder aux terrains riverains, sous réserve de respecter la vitesse maximale autorisée qu’elle fixe et qui ne peut excéder 30 km/h ». Exit, donc, la liste fermée. Et c’est bien à l’autorité de police qu’il revient de choisir les véhicules qu’elle entend autoriser ou interdire… y compris les vélos le cas échéant. La (petite) boucle étant ainsi bouclée.