En bref…
CAA Marseille, 11 juill. 2022, n° 20MA00519, Cne de St-Tropez
Le pouvoir de gestion domaniale a inspiré de nombreuses études académiques, majoritairement orientées vers le domaine public (V. spéc., pour un panorama d’ensemble, J.-F. Giacuzzo, La gestion des propriétés publiques en droit français, LGDJ, 2014). Une question importante, s’agissant du domaine privé, consiste à se demander quels standards de gestion doivent être mis en œuvre par les personnes publiques et sanctionnés – le cas échéant – par les juridictions ; car divers modèles apparaissent envisageables, du bonus pater familias à l’opérateur a visé en économie de marché. La figure du « spéculateur immobilier public » a, en tout cas, mauvaise presse ; la commune de Saint- Tropez – dont le blason représente certes un pèlerin d’or, une épée d’argent à la main… – devrait s’en convaincre. Rappelons que dans les dernières années, la célèbre station balnéaire s’était déjà illustrée par une « culbute » spectaculaire, revendant un terrain théoriquement destiné à la réalisation d’espaces verts acquis en application du droit de délaissement prévu par l’article L. 123-9 du code de l’urbanisme 40 fois plus cher, après l’avoir rendu constructible. Cette – trop bonne – affaire avait conduit la Cour de cassation à imposer l’indemnisation de l’ancien propriétaire sur le fondement de l’article 1er du Protocole CEDH n° 1 (Cass. 3e civ., 18 avr. 2019, n° 18- 11.414, X. c/ Cne de St-Tropez : AJDA 2019, p. 903, obs. de Montecler ; D. 2019, p. 1801, obs. Strickler ; Dr. Voirie 2019, p. 120 ; JCP G 2019, p. 1190, avis Burgaud, p. 1193, note Struillou, p. 1979, chron. Périnet-Marquet ; RDI 2019, p. 190, note Hostiou).
Pourtant la municipalité varoise a persisté dans l’inconduite, utilisant à mauvais escient le droit de priorité prévu aux articles L. 240- 1 et suivants du code de l’urbanisme, qui permet aux communes et Epci titulaires du droit de préemption urbain d’acquérir en priorité des immeubles appartenant à l’État – ou à certains établissements et sociétés du secteur public national – en vue de la réalisation immédiate ou future d’opérations d’aménagement (V., Y. Gaudemet, Le droit de priorité des communes n’est pas un droit de préemption : JCP N 2006, 1364 ; D. Dutrieux, Le droit de priorité des communes rénové en cas de vente de biens du domaine privé de l’État : JCP A 2006, 1181 ; E. Asika, M.-C. Pelé, Le droit de priorité, un outil méconnu : Gaz. cnes 18 déc. 2017, p. 56). La cour administrative d’appel de Marseille annule en l’espèce pour détournement de pouvoir – un moyen particulièrement infamant, que les juridictions accueillent (avec parcimonie) dans les cas d’atteinte sévère à la « moralité administrative » – une délibération décidant la revente de terrains achetés à la société Naval Group (ex DCNS) au titre de l’exercice de ce droit de priorité et manifestant l’intention d’aliéner le foncier acquis au profit d’un promoteur pour faire réaliser des villas de standing – avec une grosse plus-value à la clef – en lieu et place des logements sociaux initialement prévus pour des agents publics (dont l’histoire ne dit pas s’ils portaient képi).
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Philippe Yolka
Professeur de droit public – Université Grenoble Alpes