Redevances domaniales dans les tribunaux de commerce : rejet de greffe ?

En bref…

CAA Toulouse, 21 févr.2023, n°20TL02729, Min. Économie

On se souvient que, confronté à la question de savoir si les greffiers des tribunaux de commerce doivent acquitter une redevance domaniale à raison des locaux qu’ils y occupent, le Conseil d’État avait répondu il y a deux ans en opérant une distinction. Ces greffiers participent, par l’exercice des missions non détachables de l’activité juridictionnelle qui leur sont confiées (C. com., art. R. 741-1 et R. 741- 2), à la mise en œuvre du service public de la justice commerciale auquel sont affectés les locaux des tribunaux de commerce et ne sauraient, par suite et dans cette mesure, être regardés comme en faisant une utilisation ou une occupation privative. Il en va différemment des locaux occupés par ces greffiers pour l’exercice des missions distinctes, de nature non juridictionnelle, qui leur sont par ailleurs confiées par les lois et règlements, telles que la tenue du registre du commerce et des sociétés ou celles relevant des centres des formalités des entreprises. Conformément aux règles découlant des articles L. 2122-1 et L. 2125-1 du CGPPP, l’occupation, par les greffiers des tribunaux de commerce, des locaux desdits tribunaux qu’ils utilisent pour l’exercice de celles de leurs missions revêtant un caractère détachable de l’activité juridictionnelle de ces tribunaux, est subordonnée à la condition qu’ils disposent d’un titre d’occupation et s’acquittent d’une redevance. En revanche, les gestionnaires du domaine public ne sauraient soumettre à autorisation et au paiement d’une redevance l’utilisation de locaux pour l’exercice de missions qui ne sont pas détachables de l’activité juridictionnelle, quand bien même les locaux en cause ne seraient pas exclusivement consacrés à ces activités (CE, 12 mars 2021, n° 442284, Conseil nat. des greffiers des tribunaux de commerce : AJCT 2021, p. 379, obs. Dreyfus ; AJDA 2021, p. 2518, note Tarlet ; Contrats-Marchés publ. 2021, comm. 185, note Ubaud-Bergeron ; ibid. 2021, chron. 7, obs. Soler-Couteaux, Zimmer et Waltuch ; Dr. Voirie 2021, obs. p. 76 ; Droit et ville 2021, p. 263, chron.

Bettio ; RDI 2021, p. 429, note Hasquenoph ; RFDA 2021, p. 469, concl. Victor. V. aussi concl. Fléchet sur TA Lyon, 8 juin 2020, n° 1808606, Salarl : RFDA 2021, p. 25 – CAA Lyon, 17 déc. 2021, n° 20LY02070 et n° 20LY02073, Sté Julien Khelfa, Sté Bravard, Superchi et Vidal- Penchinat).

Voici qui semble frappé au coin du bon sens, mais s’avère extrêmement complexe à mettre en œuvre. L’arrêt du 21 février, opposant l’État au greffier du tribunal de commerce de Mende, le montre bien. Le ministre de l’Économie demandait l’infirmation d’un jugement du tribunal administratif de Nîmes ayant annulé une série de décisions qui avaient pour effet de mettre à la charge du greffier en question une redevance domaniale pour l’occupation de locaux dans le tribunal de commerce local. Il n’obtient pas gain de cause en appel, la cour estimant que l’administration a exigé le paiement de redevances pour l’occupation de la totalité des locaux utilisés par l’intéressé, y compris pour ses missions non détachables de l’activité juridictionnelle. Le problème serait de savoir comment l’éviter, alors que les deux types de mission sont exercés en utilisant le même bureau, le même secrétariat et la même salle d’attente (sans même évoquer le cas des parties communes du tribunal…). Ce qui est fonctionnellement détachable ne l’est ici pas matériellement.

Philipe Yolka
Professeur en droit public
Université Grenoble Alpes