En bref…
CE, 14 oct. 2021, n° 425546, Sté Axxes : Lebon, T.
Autrefois largement exclus du champ de la transparence administrative (principalement au gré de l’antinomie entre service public et gestion du domaine privé : CE, sect., 26 juill. 1985, Amadou : Lebon, p. 243 ; RFDA 1986, p. 179, concl. Jeanneney ; AJDA 1985, p. 742, obs. Moreau ; D., 1987, jurisp, p. 51, obs. Fernandez), les actes relatifs à la gestion du domaine privé font désormais partie du giron des documents administratifs communicables aux administrés qui en feraient la demande, la loi pour une République numérique ayant intégré une disposition (spéciale) en ce sens au sein du code des relations entre le public et l’Administration (art. L. 300-3). En outre, même s’agissant des documents (relatifs à la gestion du domaine privé) produits ou détenus antérieurement à cette loi, leur communicabilité s’imposera dès lors qu’ils présentent un « un lien suffisamment direct avec une mission de service public […], indépendamment des règles de compétence régissant le contentieux des actes en cause » (CE, 24 oct. 2019, n° 425546, Cne de Saint-Pierre-du-Perray : Lebon, T. ; JCP A 2020, 2016, note Chr. Roux ; AJDA 2019, p. 1651). Le Conseil d’État vient, par la présente décision, encore renforcer cette extension du domaine de la transparence administrative, en interprétant avec largesse la notion de documents relatifs à « la gestion » du domaine privé, ces derniers devant être compris comme intégrant également tous ceux qui auraient trait à la cession d’un bien public (relevant par définition – et sauf exceptions – du domaine privé).
Au regard de l’opacité des cessions publiques – et des enjeux qu’elles recèlent – il y aura tout lieu de s’en réjouir. Tout juste relèvera-t-on une différence entre l’approche domaniale et celle, évasée, promue ici : si une partie de la doctrine intègre les cessions au sein de la « gestion domaniale » lato sensu (v. par ex. J.-Fr. Giacuzzo, La gestion des propriétés publiques en droit français, LGDJ, 2014), le Tribunal des conflits (T. confl., 22 nov. 2010, n° 3764, Sté Brasserie du théâtre : Lebon ; GDDAB, Dalloz, 3e éd., 2018, n° 73, note F. Melleray) se range – pour les besoins de la cause juridictionnelle – à une distinction entre les actes relatifs à la valorisation et la protection du domaine privé (actes de « gestion » relevant de la compétence du juge judiciaire) et ceux qui auraient pour effet d’affecter son périmètre ou sa consistance (principalement des actes de « disposition » relevant alors de la compétence du juge administratif). Il reste que, si les documents relatifs aux cessions publiques entrent dans le champ de la communicabilité, il pourra en aller différemment, ici comme ailleurs, lorsque cette dernière est susceptible de porter atteinte « à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret des affaires (…) » (CRPA, art. L. 311-6). Appréciant ces limites à la date où il statue afin de conférer un « effet utile » à son office (CE, 28 févr. 2020, n° 433886, S. c/ AFLD : Lebon ; JCP A 2020, 2159, chron. O. Le Bot ; Dr. adm. 2020, comm. 43 et RFDA 2020, p. 469 note et concl. G. Odinet), le juge de l’excès de pouvoir vient ici enjoindre la communicabilité desdits documents, ces derniers devant toutefois être occultés des mentions révélant l’identité des cessionnaires pour protéger le secret des affaires (CRPA, art. L. 311-7).

Christophe Roux
Professeur de droit public
Directeur de l’EDPL (EA 666) Université Jean Moulin – Lyon 3