Voirie communale mise à disposition d’un Epci : le Conseil d’État livre un vade-mecum pour fixer les montants de la « redevance réseaux »

Cours & Tribunaux

CE, 10 déc. 2021, n° 445108, Communauté urbaine Creusot Montceau c/ société Enedis : Lebon, T.

Si les dispositions de l’article L. 2333-84 du CGCT se réfèrent seulement au domaine public communal, elles sont applicables, en vertu de l’article L. 5211-36 du même code, aux communautés urbaines, auxquelles a été transférée la voirie ainsi que les droits et obligations qui y sont attachés, afin qu’elles fixent les tarifs des redevances d’occupation dues par les opérateurs de transport et de distribution d’électricité et de gaz. Lorsqu’une partie du domaine public d’une commune est mise à la disposition d’un Epci, l’un comme l’autre fixent le montant des redevances dues à raison de l’occupation, par les ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’énergie électrique, des dépendances domaniales dont ils sont gestionnaires, dans les limites du plafond communal global prévu par l’article R. 2333-105 du même code, réparti au prorata de l’occupation par ces réseaux de leur domaine public respectif. Ces dispositions s’appliquent également lorsqu’un Epci est devenu propriétaire de dépendances du domaine public par l’effet d’un transfert de compétences.


CONCLUSIONS

L’article L. 2333-84 du code général des collectivités territoriales (CGCT) a créé un régime spécial pour les redevances d’occupation du domaine public dues aux communes pour le transport et la distribution de l’électricité et du gaz et le transport d’hydro-carbures et de produits chimiques par canalisation. Le litige pose la question de savoir si et dans quelles conditions ce régime est applicable en cas d’occupation du domaine public d’un établissement public de coopération intercommunale (Epci), en l’espèce une communauté urbaine. Cette question est inédite dans votre jurisprudence et peu rencontrée par les juges du fond. Un récent jugement du tribunal administratif de Clermont- Ferrand 1 s’est toutefois inscrit dans le sillage de l’arrêt de la cour de Lyon ici contesté.

1. Il nous semble utile, tout d’abord, de rappeler les caractéristiques principales du régime prévu, pour les communes, à l’article L. 2333-84 du CGCT et, pour les départements, à l’article L. 3333-8 du même code 2. Nous le ferons à partir du régime prévu pour les communes, qui est le plus utile dans le cadre du litige.

L’article L. 2333-84 du CGCT pose seulement le principe de l’existence d’un régime particulier pour les redevances dues aux communes en raison de l’occupation de leur domaine public par les ouvrages de transport et de distribution d’électricité et de gaz et par les lignes ou canalisations particulières d’énergie électrique et de gaz, ainsi que pour les occupations provisoires de leur domaine public par les chantiers de travaux, et renvoie à un décret en Conseil d’État la fixation des paramètres de ce régime.

Parmi les neuf articles réglementaires, seuls trois sont utiles pour le litige :
● l’article R. 2333-105 est le cœur du régime. Il fixe le plafond de la redevance, en euros, en définissant cinq tranches en fonction de la population de la commune (première tranche : population inférieure ou égale à 2 000 habitants ; (…) ; cinquième tranche : population supérieure à 100 000 habitants). Pour les plus petites communes, le plafond de la redevance est fixé à 153 € ; pour les tranches suivantes, ce plafond est croissant, selon une formule prenant en compte la population communale (pour une commune de 100 000 habitants, le plafond atteint la somme de 49 102 € ; pour une commune de 500 000 habitants, il est de 323 502 €). Ces plafonds évoluent au 1er janvier de chaque année, proportionnellement à l’évolution de l’« index ingénierie », mesurée au cours des douze mois précédant la publication de l’index connu au 1er janvier ;
● les articles R. 2333-105-1 et R. 2333-105-2 ont trait à la redevance due aux communes pour l’occupation provisoire du domaine public par les chantiers de travaux sur des ouvrages du réseau public de transport (resp. de distribution) d’électricité. Logiquement, seul l’article R. 2333-105-2, relatif aux ouvrages

de distribution d’électricité, est en cause dans le litige ; il prévoit que la redevance est plafonnée au dixième du plafond de celle calculée en application de l’article R. 2333-105 ;
● l’article R. 2333-106 traite le cas où une partie du domaine public communal est mise à la disposition d’un Epci ou d’un syndicat mixte, dans les conditions fixées à l’article L. 1321-2 du code. Dans ce cas, la commune d’une part, l’Epci ou le syndicat mixte, d’autre part, fixent, chacun en ce qui le concerne, le montant des redevances dues pour l’occupation du domaine public qu’ils gèrent par les ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’énergie. Le montant de la redevance fixé par chacun des gestionnaires est limité à un montant égal au plafond, calculé dans les conditions fixées à l’article R. 2333- 105, et multiplié par un coefficient égal au rapport entre la longueur des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité installés sur leurs domaines respectifs et la longueur totale de ces réseaux installés sur le territoire de la commune. Autrement dit, la mise à disposition d’une partie du domaine public communal est indolore au niveau du tarif de la redevance : l’addition de la redevance fixée par la commune et de celle fixée par l’Epci ou le syndicat mixte ne pourra dépasser le plafond fixé à l’article R. 2333-105.

Cette logique est transposée pour la redevance de l’article R. 2333- 105-2 : l’article R. 2333-106 prévoit qu’elle est plafonnée à un dixième de la redevance due à chacun des gestionnaires au titre de l’occupation permanente de leurs domaines respectifs par les ouvrages des réseaux publics de distribution d’électricité.

2. La communauté urbaine requérante exerce la compétence en matière de voirie, conformément aux dispositions du b du 2° du I de l’article L. 5215-20 du CGCT. En vertu de l’article L. 1321-1 du même code, un transfert de compétence entraîne de plein droit la mise à disposition des biens meubles et im- meubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l’exercice de cette compétence. Mais l’article L. 5215-28 du code, applicable aux communautés urbaines, va plus loin, en prévoyant que les immeubles et meubles faisant partie du domaine public des communes appartenant à l’agglomération sont affectés de plein droit à la communauté urbaine, dès son institution, dans la mesure où ils sont nécessaires à l’exercice des compétences de la communauté. Le transfert définitif de propriété ainsi que des droits et obligations attachés aux biens transférés est opéré par accord amiable et, à défaut d’accord amiable, par décret en Conseil d’État.

C’est en application de ces dispositions que la communauté urbaine Creusot Montceau (CUCM) est devenue propriétaire, par conventions successives, de l’ensemble de la voirie communale des vingt-sept communes qui en étaient membres en 2016 3.

Par deux délibérations des 4 novembre 2015 et 28 avril 2016, le conseil communautaire de la CUCM a institué des redevances pour l’occupation de son domaine public par les ouvrages de transport et de distribution d’électricité et par les chantiers de

travaux sur des ouvrages du réseau public de transport/distribution d’électricité et en a fixé le montant, en faisant application des dispositions des articles R. 2333-105, R. 2333-105-1 et R. 2333- 105-2 du CGCT. Sur le fondement de ces délibérations, le président de la CUCM a émis, le 21 juillet 2017, deux titres exécutoires à l’encontre de la société Enedis, pour des montants de 60 275 € (occupation du domaine public par les ouvrages, en 2016) et 6 027 € (occupation du domaine public par des chantiers de travaux, en 2016). Par un jugement du 3 mai 2018 confirmé, sur un terrain différent et plus radical, par un arrêt du 6 août 2020 de la cour administrative d’appel de Lyon, le tribunal administratif de Dijon a annulé ces titres exécutoires. La CUCM se pour- voit en cassation.

3. L’examen du pourvoi nécessite de répondre à deux questions : le régime spécial de redevances que nous venons de décrire est-il applicable au domaine public d’un Epci ? Si oui, comment fonctionne-t-il ? La cour de Lyon a répondu non à la première de ces questions, après l’avoir soulevée d’office.

3.1. Nous serons brève sur l’examen de la première question : nous n’avons guère de doute sur l’application du régime spécial, et les parties s’accordent d’ailleurs également sur ce point.

L’article L. 5211-36 du CGCT dispose : « Sous réserve des dispositions qui leur sont propres, les dispositions du livre III de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales sont applicables aux établissements publics de coopération intercommunale ». Cette disposition très générale rend applicable aux Epci l’article L. 2333-84 du code, sans qu’un renvoi exprès à cet article soit nécessaire, contrairement à ce qu’a jugé la cour. Il faut toutefois s’assurer que des dispositions propres aux Epci n’y font pas obstacle. Nous n’en voyons pour notre part aucune. Certes, l’article L. 2331-2 du CGCT relatif aux recettes des communes comporte un 7° très précis relatif au « produit des redevances dues en raison de l’occupation du domaine public communal par les ouvrages des entreprises concédées ou munies de permission de voirie pour les distributions d’électricité et de gaz (…) », dont on ne trouve pas l’écho à l’article L. 5215-32 du CGCT, relatif aux recettes du budget de la communauté urbaine. Mais ce dernier article comporte un 5° relatif aux revenus des biens meubles ou immeubles de la communauté urbaine, catégorie large qui englobe les redevances perçues pour l’occupation du domaine public. On peut d’ailleurs observer que le 7° de l’article L. 2331-2 ne vise pas, pour le domaine public des communes, l’ensemble des redevances d’occupation, de sorte qu’il faut, là aussi, se fonder, pour les redevances autres que celles mentionnées au 7°, sur le 1°, qui vise « les revenus de tous les biens dont les habitants n’ont pas la jouissance en nature ».

En opportunité, il nous semble en outre tout à fait souhaitable que le régime spécial de redevances s’applique lorsque le propriétaire du domaine est un Epci. La raison d’être de ce régime tient à la spécificité de l’occupation du domaine public par les ouvrages considérés et non à la nature de la collectivité propriétaire du domaine.

3.2. Si on estime l’article L. 2333-84 du CGCT applicable, il faut alors s’intéresser à la mécanique des articles réglementaires.

Nous commencerons par l’article R. 2333-106 qui, nous l’avons dit, intervient lorsque le domaine public communal est, pour partie, mis à la disposition d’un Epci. Nous pensons, comme le tribunal l’a jugé et comme le soutient Enedis, que cet article s’applique également lorsqu’une partie du domaine public communal n’est plus seulement mise à disposition, mais transférée en pleine propriété à l’Epci. La portée de cet article est de prévoir que, quand le domaine public communal est géré par deux gestionnaires distincts, le plafond de la redevance reste fixé à celui qui s’appliquerait si la commune était le seul gestionnaire. Au regard de cette logique, la circonstance que le second gestionnaire soit également propriétaire du domaine qu’il gère nous semble indifférente. Par ailleurs, la mise à dis- position à laquelle il est fait référence à l’article R. 2333-106, celle prévue à l’article L. 1321-2 du code, donne au bénéficiaire de nombreuses compétences du propriétaire : en particulier, l’article prévoit que la collectivité bénéficiaire de la mise à disposition « assume l’ensemble des obligations du propriétaire », qu’elle « possède tous pouvoirs de gestion », qu’elle « peut autoriser l’occupation des biens remis », qu’elle « en perçoit les fruits et produits ». L’effort à faire pour lire l’article R. 2333-106 comme s’appliquant y compris lorsqu’un transfert de propriété a eu lieu, comme prolongement ultime de la mise à disposition telle qu’elle est visée à cet article, nous semble raisonnable et opportun.

L’autre question porte sur la lecture de l’article R. 2333-105. Si vous nous suivez pour juger l’article R. 2333-106 applicable, y compris lorsque l’Epci est propriétaire d’une partie du domaine public situé sur le territoire communal, nous ne voyons pas de raison de ne pas lire l’article R. 2333-105 comme nous l’avons proposé plus haut, c’est-à-dire en faisant appel, pour fixer le plafond de la redevance, à la population de chaque commune et non à la population totale des communes membres de l’Ep- ci. Dans cette lecture des textes applicables aux communes et à leurs Epci, c’est bien la commune, et son territoire, qui restent la maille à partir de laquelle on raisonne. L’article R. 2333-106 vise, selon nous, à répartir entre deux collectivités un produit obéissant aux règles de calcul de l’article R. 2333-105. Dans cette logique, pour le calcul du plafond de la redevance que peut fixer l’Epci, pour l’occupation de la partie du domaine public communal qu’il gère, celui-ci doit retenir la population de la commune considérée. Il pourra ainsi y avoir différents plafonds applicables à la redevance que peut percevoir l’Epci, en fonction de la population des communes membres de l’Epci et du territoire communal concerné. Nous sommes plutôt confortée dans cette lecture par le fait que, pour les départements, l’article R. 3333- 4 du code calcule le plafond de la redevance par une formule faisant intervenir « la somme des populations sans double compte des communes du département ». En l’absence d’une telle adaptation pour les Epci, il nous semble qu’il faut calculer les plafonds en retenant la population de la commune pour l’occupation du territoire de laquelle la redevance est instituée.

4. Il est temps maintenant de tirer les conséquences, dans le litige, de cette lecture des textes que nous proposons.

Si vous nous suivez, l’arrêt doit être annulé pour avoir jugé le régime spécial de redevance inapplicable.

Vous garderez l’affaire pour la régler au fond, ce qui permettra d’expliciter le « mode d’emploi » de la partie réglementaire du code.

Vous serez saisis de l’appel de la CUCM contre le jugement qui avait annulé les titres exécutoires. Si vous nous suivez, vous jugerez que l’article R. 2333-106 du CGCT était applicable, dès lors que, si la voirie communale a été transférée en pleine propriété à la CUCM, les ouvrages litigieux occupent aussi la partie du domaine public communal qui est restée propriété des communes. Et vous jugerez que la CUCM ne pouvait fixer la redevance en retenant un plafond unique déterminé à partir de la population de la communauté urbaine.

Nous nous séparons seulement du jugement du tribunal administratif de Dijon sur les conséquences à en tirer quant à l’annulation des titres exécutoires. Le tribunal les a annulés entière- ment. Or, d’une part, le contentieux des états exécutoires relève du plein contentieux 4 ; d’autre part, on ne peut douter, en l’espèce, que la CUCM aurait souhaité se placer au niveau de chaque plafond communal, compte tenu du mode de calcul qu’elle a elle-même adopté, consistant à prendre comme référence la population de la communauté urbaine toute entière. Il est donc possible au juge de définir précisément dans quelle mesure les titres exécutoires sont illégaux et de ne les annuler que dans cette mesure.

Dans ce cas, il faudra d’abord examiner un moyen se rapportant à la légalité externe des titres exécutoires présenté par la société Enedis devant le tribunal et dont le juge d’appel est saisi par l’effet dévolutif de l’appel, dès lors qu’Enedis ne l’a pas expressément abandonné en appel 5.

Enedis soutenait d’abord que les bordereaux des titres de recette n’étaient pas signés, puis, après que la CUCM avait produit la preuve de cette signature par Mme G., directrice générale adjointe des services de la CUCM, que la délégation de signature accordée à cette fonctionnaire était insuffisamment précise, en se bornant à viser « tous les autres bordereaux de mandats et de titres » et que le bordereau ne mentionnait pas la qualité de Mme G., ni le fait qu’elle agissait par délégation du président de la CUCM.

D’une part, l’arrêté de délégation de signature de Mme G. était, contrairement à ce qui est soutenu, suffisamment précis pour lui donner délégation pour signer les titres exécutoires en litige. D’autre part, le bordereau comportait le nom de Mme G., la mention qu’elle était l’ordonnateur, ainsi que la mention « DGA- DSF ». Ces informations sont suffisantes au regard des exigences de l’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration.

Vous écarterez donc ce moyen et annulerez les titres exécutoires contestés, en tant qu’ils ont mis à la charge d’Enedis une somme excédant celle calculée en application des principes que vous aurez fixés (avec fixation de la redevance au niveau du plafond découlant, pour chaque commune concernée, de l’application de la formule de calcul prévue à l’article R. 2333-105).

La société Enedis est, pour l’essentiel, la partie gagnante et vous pourrez mettre à la charge de la CUCM le versement de la somme de 4 000 € au titre des frais engagés devant le Conseil d’État et la cour administrative d’appel. Vous rejetterez les conclusions présentées au même titre par la CUCM.

Par ces motifs, nous concluons :
– à l’annulation de l’arrêt du 6 août 2020 de la cour administrative d’appel de Lyon ;
– à l’annulation des titres exécutoires contestés, en tant qu’ils ont mis à la charge de la société Enedis une somme supérieure à celle calculée en application des principes énoncés par votre décision ;
– à la réformation du jugement en ce qu’il aura de contraire à votre décision ;
– au rejet du surplus de la requête d’appel de la CUCM ;
– à ce que la CUCM verse à la société Enedis une somme de 4 000 € au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
– au rejet des conclusions présentées au même titre par la CUCM.


EXTRAITS

2. Aux termes de l’article L. 5215-20-1 du code général des collectivités territoriales : « I. ‘ Les communautés urbaines existant à la date de promulgation de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 (…) continuent d’exercer à titre obligatoire, au lieu et place des communes membres, les compétences suivantes : / (…) 11° Voirie et signalisation, création et entretien des infrastructures de charge de véhicules électriques ; (…) ». En vertu de l’article L. 5215-28 de ce code, les immeubles faisant partie du domaine public des communes appartenant à l’agglomération sont transférés en pleine propriété à la communauté urbaine, de même que les droits et obligations qui y sont attachés, au plus tard un an après les transferts de compétences. Aux termes de l’article L. 5211-36 du même code : « Sous réserve des dispositions qui leur sont propres, les dispositions du livre III de la deuxième partie sont applicables aux établissements publics de coopération intercommunale ».

3. Aux termes de l’article L. 2333-84 du code général des collectivités territoriales : « Le régime des redevances dues aux communes en raison de l’occupation de leur domaine public par les ouvrages de transport et de distribution d’électricité et de gaz et par les lignes ou canalisations particulières d’énergie électrique et de gaz, ainsi que pour les occupations provisoires de leur domaine public par les chantiers de travaux, est fixé par décret en Conseil d’État (…) ». Si ces dispositions se réfèrent seulement au domaine public communal, elles sont applicables, en vertu de l’article L. 5211-36 du même code, aux communautés urbaines, auxquelles a été transférée la voirie ainsi que les droits et obligations qui y sont attachés, afin qu’elles fixent les tarifs des redevances d’occupation dues par les opérateurs de transport et de distribution d’électricité et de gaz.

4. Il résulte des pièces du dossier soumis au juge du fond qu’à la date des délibérations en litige, la CUCM exerçait, sur le territoire de ses communes membres, la compétence relative à la voirie et que celle-ci lui avait été transférée en pleine propriété. Dès lors, la cour ne pouvait, sans commettre d’erreur de droit, se fonder, pour confirmer l’illégalité des titres exécutoires contestés, sur ce que cette communauté urbaine n’était pas habilitée à mettre en œuvre le régime prévu à l’article L. 2333-84 du code général des collectivités territoriales.

5. Il suit de là, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la CUCM est fondée à demander, pour ce motif, l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque. […]

Sur le moyen tiré de l’applicabilité de l’article R. 2333-106 du code général des collectivités territoriales :

8. En vertu de l’article R. 2333-105 du code général des collectivités territoriales, pris pour l’application de son article L. 2333-84, la redevance due à la commune pour l’occupation de son domaine public par les ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’énergie électrique est fixée par le conseil municipal dans la limite de plafonds fixés par cet article selon un barème progressif en fonction de la population de la commune. Les redevances dues pour l’occupation provisoire du domaine public par les chantiers de travaux sur des ouvrages du réseau public de distribution d’électricité sont, en application de l’article R. 2333-105-2 du même code, fixées par le conseil municipal dans la limite du dixième du plafond prévu pour la redevance due par le gestionnaire du réseau de distribution au titre de l’article en application de l’article R. 2333-105.

9. L’article R. 2333-106 du même code, également pris pour l’application de l’article L. 2333-84, prévoit que : « Lorsqu’une partie du domaine public communal est mise à la disposition d’un établissement public de coopération intercommunale ou d’un syndicat mixte, dans les conditions fixées à l’article L. 1321-2 du présent code, la commune, l’établissement public de coopération intercommunale ou le syndicat mixte fixent, chacun en ce qui le concerne, le montant des redevances dues pour l’occupation du domaine public qu’ils gèrent par les ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’énergie ou par les chantiers de travaux sur ces ouvrages. / Le montant de la redevance mentionnée à l’article R. 2333-105 fixé par chacun des gestionnaires mentionnés à l’alinéa précédent est alors limité à un montant égal au plafond calculé dans les conditions fixées par l’article R. 2333-105 du présent code et multiplié par un coefficient égal au rapport entre la longueur des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité installés sur leurs domaines respectifs et la longueur totale de ces réseaux installés sur le territoire de la commune. Le montant de la redevance mentionnée à l’article R. 2333-105-2 fixé par chacun des gestionnaires concernés est limité à un dixième de la redevance due à chacun d’eux au titre de l’occupation permanente de leurs domaines respectifs par les ouvrages des réseaux publics de distribution d’électricité ».

10. Il résulte des dispositions de l’article R. 2333-106 du code général des collectivités territoriales, cité ci-dessus, que lorsqu’une partie du domaine public d’une commune est mis à la disposition d’un établissement public de coopération intercommunale, l’un comme l’autre fixent le montant des redevances dues à raison de l’occupation, par les ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’énergie électrique, des dépendances domaniales dont ils sont gestionnaires, dans les limites du plafond communal global prévu par l’article R. 2333-105 du même code, réparti au prorata de l’occupation par ces réseaux de leur domaine public respectif. Ces dispositions s’appliquent également lorsqu’un établissement public de coopération intercommunale est devenu propriétaire de dépendances du domaine public par l’effet d’un transfert de compétences. Ainsi, lorsque des ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’énergie électrique occupent à la fois le domaine public d’une communauté urbaine et celui de ses communes membres, les tarifs de la redevance instituée par la communauté urbaine à raison de l’occupation permanente de son propre domaine public par ces ouvrages doivent être fixés dans la limite, pour chacune des communes, d’une fraction du plafond communal global, calculée au prorata de la longueur des réseaux installés sur ce domaine public par rapport à la longueur totale des réseaux installés sur le territoire de la commune concernée. De même, les tarifs de la redevance due à raison de l’occupation provisoire de ce domaine public pour les besoins de chantiers de travaux sur des ouvrages du réseau public de distribution d’électricité doivent être fixés dans la limite, pour chacune des communes, du dixième de cette même fraction.

11. Il résulte de l’instruction qu’à la date des délibérations fixant les redevances en litige, une partie des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité présents sur le territoire de la CUCM occupaient, non pas la voirie appartenant à cette dernière, mais des dépendances du domaine public de ses communes membres.

12. Dès lors, les délibérations des 4 novembre 2015 et 28 avril 2016 de la CUCM, qui fixent les tarifs au niveau maximal autorisé par le barème de l’article R. 2333-105 du code général des collectivités territoriales appliqué à la somme des populations de ses communes membres, méconnaissent la règle de plafonnement mentionnée au point 10 ci-dessus et sont illégales dans cette mesure. Toutefois, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif, la société Enedis est seulement fondée, en excipant de cette illégalité, à demander l’annulation des titres litigieux en tant qu’ils ont mis à sa charge des sommes excédant le montant déterminé par application de cette règle.

13. Il y a lieu, par suite, de réformer en ce sens le jugement du tribunal administratif. […]

1 TA Clermont-Ferrand, 12 mai 2021, n° 1800599, 1802554, Sté Enedis c/ Clermont Auvergne Métropole.
2 Et aux articles R. 3333-4 et suivants.
3 Aujourd’hui, 34 communes composent la CUCM, correspondant à une population de 97 000 habitants
4 CE, sect., 27 avr. 1988, n° 74319 : Lebon, p. 172.
5 Cf. CE, 6 oct. 2008, n° 283014, Scop Union technique du Bâtiment : Lebon, T.

Karin Ciavaldini
Rapporteure publique