Un stationnement payant particulièrement onéreux… pour le contribuable

En bref…

TA Lille, 15 juill. 2022, n° 1910125, Cne de Béthune

La commune de Béthune demandait l’annulation de l’ensemble contractuel – un contrat de délégation du service public de stationnement sur voirie, qui prévoyait l’installation d’équipements ainsi que l’exploitation de ces derniers, un contrat de concession pour la construction et l’exploitation d’un parc public de stationnement souterrain, un contrat d’affermage pour la rénovation et l’exploitation d’un parc public de stationnement souterrain et un contrat commun chapeautant l’ensemble – qu’elle avait conclu en 2005 avec la société Q-Park France, à qui elle confiait la gestion du stationnement payant de la ville, sur voirie ou en ouvrage.

Dans le cadre de ces contrats, la ville s’était engagée, « si au titre d’un exercice, l’équilibre financier de la délégation […] venait à être diminué par une baisse d’au moins 15 % des recettes de stationnement payant sur voirie par rapport aux recettes prévisionnelles de voirie », à verser une contribution financière égale, « au-delà de la prise en charge par le délégataire d’un montant de 5 % des recettes prévisionnelles de voirie, à 50 % de la différence entre les recettes prévisionnelles de voirie et les recettes réelles de voirie » (plafonnée à 300 000 € HT, valeur octobre 2004). Et ce compte tenu de « l’importance de l’investissement » mis à la charge du délégataire et de « la modération des conditions tarifaires de service imposées par la ville ».

Or, en raison « de l’infériorité chronique des recettes réelles de stationnement sur voirie par rapport aux recettes prévisionnelles », la société a sollicité de 2005 à 2018, le versement d’un montant total de 4 714 544 euros HT.

Et la ville de soutenir alors que cet ensemble contractuel est entaché de nullité en raison des vices de consentement ayant entaché sa conclusion, invoquant, d’une part, l’existence de manœuvres dolosives l’ayant trompée sur les incidences financières de la délégation de service public conclue, et, d’autre part, à tout le moins, l’erreur excusable née de l’insuffisance des informations mises à sa disposition au terme de la procédure de passation de l’ensemble contractuel.

En vain. Le tribunal relève d’abord que la commune de Béthune « avait connaissance des hypothèses, aussi exigeantes fussent- elles, soutenant [les] prévisions de recettes ». En l’espèce, l’augmentation du nombre d’emplacements de stationnement en surface pour atteindre, dès 2005, une capacité de 1 600 places et, dès 2006, une capacité de 1 800 places, l’institution du stationnement payant de 8h30 à 18h30 du lundi au samedi inclus et le maintien d’une brigade spécifique d’un minimum de dix agents de surveillance de la voirie, l’augmentation progressive de la tarification horaire de la voirie dès 2008 ou encore l’attractivité d’une halle aux produits frais devant être construite. Plus encore, le tribunal estime ensuite que « ces circonstances ne révèlent pas tant une erreur dans le montant des recettes prévisionnelles du stationnement en voirie que le choix de la commune de Béthune de ne pas satisfaire les conditions qui auraient permis d’atteindre ce montant » (le tribunal relevant que la commune n’a pas augmenté les places de stationnement payant, n’a pas instauré le stationnement payant sur l’un des sites prévus et n’a pas créé la halle aux produits frais).

Il estime de même que la durée de 30 années des différents contrats n’est pas excessive, « compte tenu du montant des investissements initiaux, soit 11 495 000 €, de la nature des ouvrages à exploiter et des hypothèses de fréquentation de ceux-ci, des contraintes d’exploitation imposées, des exigences du délégant en matière de limitation des tarifs, des modalités de financement des travaux par le délégataire, de ses charges prévisibles d’exploitation, évalués à 21 474 000 €, et de la nécessité de dégager une marge raisonnable ». Et ce, après avoir relevé que l’ensemble contractuel en litige, « pensé pour répondre à un besoin unique de la commune […] et qui a fait l’objet d’une même procédure de passation, s’inscrit dans un montage juridique cohérent et obéit à un équilibre économique global », a « le caractère d’un ensemble contractuel indissociable, en raison tout particulièrement de l’équilibre économique sur lequel il a été bâti, qui a été pensé globalement, en fonction des investissements, des recettes et des charges prévisionnelles de l’ensemble des contrats contestés ».

Le tribunal relève encore que « s’il est constant que l’ensemble contractuel en litige concerne à la fois le stationnement payant sur voirie, qui constitue un service public administratif, et le stationnement payant en ouvrage, qui présente, quant à lui, le caractère d’un service public industriel ou commercial, le mode de calcul de la contribution contestée n’implique pas la compensation systématique des déficits de fonctionnement de ce service public industriel ou commercial, mais la diminution du risque, supporté par le délégataire, de ne pas amortir le montant des investissements mis à sa charge, compte tenu de l’importance de ces derniers et de l’absence de maîtrise des tarifs appliqués aux usagers, qui relèvent de la seule compétence de la collectivité. Il n’est donc pas établi que la contribution financière en litige induirait la prise en charge, par la commune de Béthune, d’une dépense de fonctionnement d’un service public industriel ou commercial ».

Il juge que « la contribution financière litigieuse, représentant la contrepartie des prestations effectuées par le titulaire pour exécuter des obligations de service public, ne présente pas le caractère d’une aide d’État ».