Poteaux (pas) rose, Orange amère

En bref…

CAA Marseille, 14 nov. 2022, n° 19MA04191,
Cne d’Aix-en-Provence

On sait que les personnes publiques bénéficient de la théorie de l’accession (C. civil, art. 552 : « La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous ». V. not. Cass. 3e civ., 3 juill. 2013, n° 12-20.237  : Bull. civ. III, n° 94 ; AJDA 2013, p. 1420, obs. Grand ; Contrats-Marchés publ. 2013, chron. 6, obs. Llorens et Soler-Couteaux ; Constr.-Urb. 2013, comm. 135, note Cornille ; JCP A 2013, act. 685, obs. Friedrich ; ibid. 2344, note Pauliat ; JCP N 2013, 1248, chron. Périnet-Marquet ; RFDA 2013, p. 1153, note Lavialle ; RJEP janv. 2014, comm. 2, note Chamard-Heim). Parmi les conséquences les plus connues, il en résulte l’incorporation aux patrimoines publics des ouvrages des occupants privatifs de propriétés publiques qui n’auraient pas été détruits au terme de la période d’occupation.

En l’espèce, était posée la question de la propriété d’installations de télécommunication – vieux poteaux ainsi que fourreaux établis avant la libéralisation du secteur – sur le domaine public communal (dans 25 zones d’aménagement concerté d’Aix-en-Provence). Sujet éminemment sensible vu les enjeux financiers (perception de redevances domaniales), techniques (possibilité pour les collectivités d’installer leurs réseaux « domestiques ») et un contexte hautement concurrentiel. 

La thèse d’une présomption de propriété de l’opérateur historique Orange avait pu être par le passé défendue (R. Ducloyer, obs. ss. CAA Versailles, 9 juin 2022, n° 19VE04256 : JCP A 2022, 2288). Les juges d’appel rétablissent ici l’orthodoxie civiliste, la commune étant reconnue propriétaire des poteaux et fourreaux, faute pour Orange d’être parvenue à combattre la présomption de propriété posée par l’article 552 par la preuve contraire résultant d’un titre de propriété ou de la prescription acquisitive. Les titres exécutoires émis à l’encontre de l’entreprise à raison de l’occupation domaniale sont donc validés (pour mémoire, l’exigence d’une redevance s’étend aussi au cas de l’occupation provisoire de la voirie pour la réalisation de travaux : CAA Toulouse, 21 mars 2023, n° 21TL02519, 21TL03890 et 21TL04248, Cne Montpellier, Montpellier Méditerranée Métropole). 

Philippe Yolka

Professeur en droit public – Université Grenoble Alpes