Domaine public maritime et fluvial (2022)

I. Consistance du domaine public maritime et fluvial

L’annexe au décret n° 70-851 du 21 septembre 1970 portant délimitation de la circonscription du port autonome de Paris et remise des installations portuaires comporte la liste répertoire du domaine et des installations à remettre à cet établissement public. L’ensemble du port de Bonneuil est désigné comme appartenant au domaine public fluvial. Quand bien même ne serait pas produit le plan annexé au règlement d’exploitation du port, le local situé dans l’emprise du port appartient au domaine public (CAA Paris, 28 avr. 2022, n° 21PA02977).

Si un ouvrage réalisé sur le domaine public maritime par un occupant titulaire d’une autorisation domaniale appartient à celui-ci pendant la durée du contrat, à l’expiration de ce dernier le bâtiment maintenu en place fait partie du domaine public maritime (CAA Marseille, 25 mars 2022, n° 20MA00293, Sté Altea).

Il résulte de l’article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques que le rivage de la mer fait partie du domaine public maritime naturel de l’État et ne peut appartenir à une propriété privée, sans que puisse y faire obstacle les actes de propriété dont sont susceptibles de se prévaloir les riverains (CAA Marseille, 25 avr. 2022, n° 20MA00012, Sté Austin et a.).

La loi définit le domaine public maritime naturel, mais des exceptions sont admises, dont la détention d’un titre de propriété antérieur à l’Édit de Moulins de février 1566. En l’espèce, un moulin à marée n’était plus en activité depuis plusieurs dizaines d’années, ses vannes ne fonctionnant plus, le flot des marées avait repris son cours dans un étang entrainant le rétablissement d’une communication directe et naturelle avec la mer. Il a été jugé que cet étang faisait partie du domaine public maritime, bien que le requérant détienne des titres antérieurs à l’Édit de Moulins, mais leur contenu ne permettait pas d’établir un transfert en pleine propriété, et de surcroît ils n’émanaient pas d’une autorité compétente pour délivrer un tel droit (CAA Nantes, 28 oct. 2022, n° 21NT00099).

La reconnaissance du domaine public maritime naturel peut résulter de photographies montrant la présence de posidonies et de végétaux marins apportés par la mer. De surcroît, l’occupant des lieux avait déjà déposé plusieurs autorisations d’occupation du domaine public pour des aménagements projetés sur cette même zone (CAA Marseille, 8 juill. 2022, n° 21MA00205, Min. de la transition écologique et Min. de la mer).

La cour administrative d’appel de Marseille a constaté que le terrain d’assiette d’un projet qui s’intercale entre le domaine public routier et le domaine public maritime est une propriété privée, qui, par suite, ne peut être comprise dans une concession de plage ; une telle concession porte nécessairement sur le domaine public maritime (CAA Marseille, 3 févr. 2022, n° 21MA02731, Cne de Cavalaire-sur-mer).

Un port de plaisance fait partie du domaine public artificiel au sens de l’article L. 2111-6 du code général de la propriété des personnes publiques. En l’espèce, non seulement cette domanialité résulte du plan annexé à l’arrêté d’autorisation d’occupation temporaire, mais également, selon les éléments du dossier, de l’appartenance initiale du terrain à l’Amirauté (CAA Marseille, 24 juin 2022, n° 20MA00145). La seule présence d’un ouvrage à l’intérieur des limites d’un port de plaisance ne suffit pas à établir la domanialité publique du terrain d’assiette.

Dès lors qu’une cour d’appel a constaté que les requérants n’avaient jamais été propriétaires d’une parcelle vendue par l’État, la décision de vendre cette parcelle se rattachait à un pouvoir appartenant à l’État, et c’est à bon droit que la Cour s’est déclarée incompétente, sur le fondement de l’article L. 3231-1 du code général de la propriété des personnes publiques, pour connaitre la demande d’annulation de la vente (Cass 1re civ., 11 mai 2022, n° 20-22.462).

La délibération du conseil d’administration du conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres décidant du classement dans le domaine public de l’établissement d’une parcelle dont il est propriétaire ne constitue pas une décision réglementaire et ne présente pas davantage le caractère d’une décision administrative individuelle, et n’est pas soumis à l’accomplissement de la formalité de publicité obligatoire. Une publicité en ligne doit être considérée comme suffisante.

À la différence des opérations de bornage des propriétés privées, la délimitation du domaine public naturel, qui n’est pas attributive de propriété, relève d’une procédure unilatérale et non contradictoire ; elle ne peut être opérée à l’amiable ou sollicitée directement auprès du juge administratif, mais relève de la seule compétence de la personne publique chargée de la conservation de ce domaine (CAA Marseille, 16 déc. 2022, n° 20MA04618, SCI Villa Arpège).

Domaine public maritime dans les territoires ultra-marins

Il n’appartient pas au juge administratif – hors certaines conditions, notamment dans le cadre du contentieux spécifique des contraventions de grande voirie – de reconnaître lui-même les limites du domaine public maritime. En Nouvelle-Calédonie, les dispositions de l’article 13 de la loi du pays du 11 janvier 2002 permettent au propriétaire riverain de la mer d’initier une procédure de délimitation du domaine public maritime au droit de sa propriété lorsqu’aucune délimitation n’a été entreprise, ou que le niveau des plus hautes eaux a été modifié par des phénomènes naturels (CAA Paris, 3 févr. 2022, n° 20PA02465).

À propos de la zone des cinquante pas géométriques en Guyane française, le juge considère qu’il ne peut pas se fonder sur la simple position géographique d’une parcelle, sans autre précision, pour considérer qu’elle fait partie du domaine public maritime (CAA Bordeaux, 3 nov. 2022, n° 21BX03647).

Dans une autre instance, il a été jugé que des constructions réalisées sur des enrochements qui matérialisent le rivage de la mer étaient implantées dans la zone des cinquante pas géométriques faisant partie du domaine public maritime. La simple affirmation de l’existence d’une promesse de vente par le précédent propriétaire n’est pas de nature à démontrer que le requérant serait propriétaire de ladite parcelle (CAA Bordeaux, 3 nov. 2022, n° 21BX03406, SCI Etche Guadeloupe).

Domaine public maritime et tempête exceptionnelle

Lors de la tempête Xynthia, le 28 février 2010, une partie du mur de soutien du terrain d’assiette du centre hélio-marin construit en bordure de la plage de Plérin et une partie de la falaise surplombant la plage se sont effondrées. Le mur initial était séparé de la plage par quelques arbres ne devant dès lors pas être recouverts à l’époque des plus hautes mers. Ce mur ne jouxte pas directement la plage, mais en est séparé par une « banquette », il résulte de la seule circonstance, établie par une photographie, que le flot de la marée haute atteint le bord de la banquette mais ne permet pas d’établir que la ligne des plus hautes mers ait reculé jusqu’au mur en cause. En conséquence, le mur de soutien du centre hélio-marin établi en surplomb d’une falaise n’est pas implanté sur le domaine public maritime (CAA Nantes, 13 juill. 2022, n° 22NT01246, Assoc. Altygo).

Des vents de force entre 5 et 7 sur l’échelle de Beaufort ne caractérisent pas en l’espèce des perturbations météorologiques exceptionnelles susceptibles de remettre en cause l’appréciation de la consistance du domaine public maritime (CAA Marseille, 25 avr. 2022, n° 20MA00012, Sté Austin et a.).

Lais et relais de la mer

Depuis le 1er juillet 2006, date d’entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques, tous les lais et relais de mer sont entrés automatiquement dans le domaine public maritime naturel, quelle que soit la date à laquelle ils ont été formés et sans qu’il soit besoin de procéder à leur délimitation préalable (CAA Marseille, 8 juill. 2022, n° 21MA00205, Min. de la transition écologique et Min. de la mer).

La formation d’un cordon de galets résultant de l’action conjuguée de la mer et du vent sur une partie d’une propriété riveraine de la mer constitue un lais de mer faisant partie du domaine public maritime. Cette accumulation de galets ne constitue pas un ouvrage public (CAA Nantes, 20 mai 2022, n° 21NT02240).

« Une unité foncière est un îlot de propriété d’un seul tenant, composé d’une parcelle ou d’un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision ». Au regard de cette définition, il a été jugé qu’une île coupée par une bande de terre supportant, lors des fortes marées et tempêtes hivernales, des immersions périodiques de la mer, ne constituait pas une unité foncière, d’autant que cette bande de terre périodiquement submergée est couverte de sédiments, galets et sables apportés par la mer et fait ainsi partie du domaine public maritime (CAA Nantes, 10 mai 2022, n° 20NT03487).

Domanialité publique par accessoire

À l’occasion de l’implantation d’un réseau de fibres pour la téléphonie, il a été jugé que les digues artificielles permettant la canalisation d’un cours d’eau faisaient partie intégrante du domaine public fluvial. Par ailleurs, la circonstance que l’accotement et le fossé de la route départementale constituent l’accessoire de cette route ne saurait exclure, par elle-même, qu’ils puissent également être partie intégrante de la digue artificielle nord affectée à la sûreté du canal de la Colme, ces deux affectations étant compatibles. La cour conclut que c’est à bon droit que VNF a inclus dans la convention d’occupation temporaire du domaine public fluvial les emprises terrestres nord longeant la route départementale (CAA Douai, 14 juin 2022, n° 21DA00474, Voies navigables de France).


II. L’OCCUPATION DU DOMAINE PUBLIC MARITIME ET FLUVIAL

Occupation du domaine public et procédure d’instruction

« Lorsque le préfet, en exécution d’une décision d’annulation par le juge administratif du rejet de la demande d’autorisation d’exploiter une concession de culture maritime, statue à nouveau sur cette demande, il doit le faire en se plaçant à la date de sa nouvelle décision. Si, à cette date, l’autorisation délivrée à un autre pétitionnaire est devenue définitive et ne peut plus être légalement retirée, il est tenu de respecter l’autorisation ainsi délivrée qui est créatrice de droit pour son bénéficiaire et n’a donc pas à procéder à une nouvelle procédure de mise en concurrence pour la concession en cause ». L’arrêt ajoute que la circonstance que l’autorisation d’exploiter délivrée à un concurrent ait méconnu les dispositions du schéma des structures des exploitations de cultures marines ne constitue pas un motif d’utilité publique justifiant le retrait de cette autorisation au sens et pour l’application de l’article R. 923-41 du code rural et de la pêche maritime (CAA Nantes, 29 avr. 2022, n° 21NT02242).

Une mise en demeure adressée à un occupant sans titre et se bornant à lui rappeler le caractère irrégulier de sa situation constitue une simple mesure visant à la préservation de l’intégrité du domaine public maritime et n’entre dans aucune catégorie des actes administratifs exigeant une motivation de la ou végétales, protégées sur le domaine public maritime. En l’espèce, le préfet est incompétent pour instaurer des mesures de protection de deux îles faisant partie du domaine public maritime (CAA Nantes, 14 nov. 2022, n° 20NT04000, Assoc. des amis de l’île du large Saint-Marcouf).

Domaine public maritime dans les territoires ultra-marins

En Nouvelle-Calédonie, ressort du domaine des lois de pays la fixation des règles relatives à l’usage du domaine public. L’article 3 de la loi du pays n° 2002-017 du 11 janvier 2002 sur le domaine public maritime de la Nouvelle-Calédonie et des provinces dispose : « L’accès des piétons aux rivages et aux plages est libre sauf si des motifs justifiés par des raisons de sécurité, de défense nationale, de protection de l’environnement ou de respect des usages coutumiers de jouissance reconnus nécessitent des dispositions particulières. L’usage libre et gratuit par le public constitue la destination fondamentale des rivages et plages au même titre que leur affectation aux activités de pêche et de cultures marines ». Selon la cour, la délibération créant des dispositions du code de l’environnement des îles Loyauté soumettant « à déclaration ou autorisation la plupart des activités susceptibles d’être exercées sur le domaine public de la province est susceptible de méconnaître la répartition des compétences en matière de domanialité entre la Nouvelle-Calédonie et les provinces ». « En revanche, ni la création de lieux de mouillages et d’amarrages mis à disposition des plaisanciers, ni la création d’un régime de servitudes écologiques et coutumières destiné à favoriser l’accès de tous à la nature ne méconnaissent pas, par elles-mêmes, la répartition des compétences en matière domaniale » (CAA Paris, 17 mars 2022, n° 21PA04622, Province des îles Loyauté).

Le Conseil d’État considère que si l’État est seul compétent en matière de garanties des libertés publiques, les provinces de Nouvelle-Calédonie, sont compétentes, en vue de la préservation de l’environnement, pour le cas échéant, adopter une réglementation qui soumette certaines activités susceptibles d’être exercées sur le domaine public maritime, notamment à caractère économique, à un régime de déclaration ou d’autorisation. Les règles du droit domanial des provinces, sous réserve de la compétence attribuée à l’État en matière de défense nationale, relèvent de la compétence de la Nouvelle-Calédonie et ressortissent des lois du pays délibérées par le congrès. Si la Nouvelle-Calédonie est compétente en matière de statut civil coutumier, de terres coutumières et palabres ainsi que de limites des aires coutumières, les dispositions légales concernant cette matière « ne font pas obstacle à ce qu’une province, en vue de préserver l’environnement dans le respect des usages coutumiers de jouissance, institue des servitudes écologiques et coutumières ayant pour objet de réglementer l’accès à la nature dans des zones situées sur le domaine public maritime ou sur des terres coutumières mises à la disposition de la province » (CE, avis, 18 juill. 2022, n° 462438, Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie).

Pour une occupation du domaine public maritime en Polynésie française, il a été jugé que si une demande d’autorisation domaniale impose qu’elle comporte en annexe le titre de propriété ou le bail de location, ou tous documents pouvant attester de droits immobiliers sur la terre attenante, cette obligation ne concerne pas que les titulaires d’un droit de propriété (CAA Paris, 21 avr. 2022, n° 21PA03889).

Ventes ambulantes sur le domaine public maritime

Les articles L. 2212-2 et L. 2212-3 du code général des collectivités territoriales confèrent au maire « le pouvoir de réglementer ou d’interdire la vente ambulante sur le territoire de sa commune, en particulier sur le domaine public maritime, dans l’intérêt de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publiques. Toutefois, dès lors que l’exercice de pouvoirs de police administrative est susceptible d’affecter des activités de production, de distribution ou de services, la circonstance que les mesures de police ont pour objectif la protection de l’ordre ou de la santé publics n’exonère pas l’autorité investie de ces pouvoirs de police de l’obligation de prendre en compte également la liberté du commerce et de l’industrie ». En raison de l’encombrement des plages durant la saison estivale, ainsi que diverses nuisances, un arrêté municipal 1 a pu restreindre l’exercice de la vente ambulante que pour certaines plages de la commune, pour la seule période estivale et pour une partie seulement de la journée (CAA Marseille, 13 juin 2022, n° 20MA02268).

En vue d’accorder des autorisations de vente ambulante sur le domaine public maritime, « aucun texte ni aucun principe n’imposait au maire d’indiquer une éventuelle hiérarchisation ou pondération de ces critères ni de préciser la composition de la commission ad hoc chargée d’assurer la sélection des candidats ». Si la vente ambulante est interdite à moins de 20 mètres de part et d’autre des établissements de plage, il ressort du dossier, qu’en prenant cette mesure de portée limitée, le maire n’avait pas pour objectif de protéger les commerces sédentaires de la commune, mais plutôt de prévenir les troubles à l’ordre public susceptibles de résulter d’une trop grande proximité entre deux points de vente sur une même plage dans un contexte de forte affluence (CAA Marseille, 13 juin 2022, n° 20MA02268).

Pour l’exercice de la vente ambulante sur une plage du 1er juillet au 15 septembre à partir de 15h00, le maire a pu soumettre les commerçants concernés à une autorisation préalable, en raison de l’affluence exceptionnelle de touristes durant la saison estivale et de l’encombrement de la plage qui en résulte. L’arrêté municipal avait une portée limitée dans le temps et dans l’espace, et ne portait pas une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l’industrie. L’autorisation accordée par le maire aux commerçants ambulants, ne constituait pas une autorisation d’occupation temporaire du domaine public maritime et ne donnait pas lieu au paiement d’une redevance (CAA Marseille 13 juin 2022, n° 20MA02267).

Cultures marines et activités accessoires

Selon l’article R. 923-9 du code rural et de la pêche maritime doivent faire l’objet d’une concession, sur le domaine public maritime ainsi que dans la partie des fleuves, rivières, étangs et canaux où les eaux sont salées, les activités exercées par un aquaculteur marin ainsi que les activités de dégustation de produits de la mer. Ces activités peuvent faire l’objet d’une autorisation spécifique 2, alors même la dégustation de ces produits est considérée comme le prolongement des activités conchylicoles. L’autorisation de dégustation a un objet distinct de l’agrément délivré par la direction départementale de la protection des populations, qui est chargée notamment, de la sécurité des produits alimentaires. En cas d’infraction à l’arrêté relatif aux activités de dégustation, le préfet ne peut pas imposer la suspension ou le retrait des autorisations d’exploitation des cultures marines et/ou d’exploiter la dégustation ; une telle mesure est disproportionnée au regard des buts poursuivis par l’arrêté qui a pour seul objet de réglementer les activités de dégustation sur le domaine public (CAA Bordeaux, 19 mai 2022, n° 21BX03571, SCEA de la Conche et a.).


III. L’ÉVACUATION ET LA REMISE EN ÉTAT DES LIEUX

Aux termes de l’article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques : « Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d’amende. » Le Conseil d’État considère que « ces dispositions tendent à assurer, au moyen de l’action domaniale qu’elles instituent, la remise du domaine public maritime naturel dans un état conforme à son affectation publique en permettant aux autorités chargées de sa protection, notamment, d’ordonner à celui qui l’a édifié ou, à défaut, à la personne qui en a la garde, la démolition d’un ouvrage immobilier irrégulièrement implanté sur ce domaine ». En l’espèce, il a été retenu que le gardien était le gérant d’un hôtel qui bordait le domaine public maritime, sur lequel étaient édifiées, sans autorisation, plusieurs installations (CE, 31 mai 2022, n° 457886, SCI Mayer : Dr. Voirie 2022, p. 117, obs. Chr. Otero ; Lexbase hebdo éd. publique n° 672, 23 juin 2022, obs. R. Rézenthel).

L’autorité absolue de la chose jugée dont est revêtu un jugement devenu définitif qui a condamné une entreprise à remettre en état les lieux qu’elle occupait sur le domaine public maritime s’impose tant à l’administration qu’au juge chargé de la liquidation de l’astreinte, et s’oppose à ce que soit remise en cause par l’appelante sa condamnation au paiement d’une astreinte par jour de retard (CAA Marseille, 7 oct. 2022, n° 21MA04025, Sté HMTP).

Tandis qu’une autorisation d’occupation du domaine public fluvial naturel avait été accordée à une entreprise pour l’implantation d’un « outil de mouillage » et d’un abri à bateaux, le préfet de Haute-Savoie a informé l’occupant de la date d’expiration de cette autorisation. L’entreprise, ayant maintenu son occupation au-delà de cette date, a été condamnée pour contravention de grande voirie à une amende et à libérer le garage à bateaux sur lequel avait été édifiée une habitation. Pour la cour administrative d’appel de Lyon, la libération des lieux concernait non seulement le garage à bateaux mais également l’habitation construite en surplomb de celui-ci (CAA Lyon, 3 nov. 2022, n° 20LY02929, Sté HT Immo).

Si l’auteur d’une occupation sans titre du domaine public maritime est condamné à remettre en état les lieux et qu’il n’exécute pas cette obligation dans le délai prévu par la décision de justice, l’administration peut y faire procéder d’office si le juge l’a autorisée à le faire. Les dispositions des articles L. 774-1 à L. 774-13 du code de justice administrative font dépendre l’exécution des mesures de remise en état du domaine de l’accomplissement régulier d’une procédure juridictionnelle préalable et d’une condamnation à cette fin par le juge. Dès lors, une mise en demeure de procéder à cette remise en état constitue un acte dépourvu d’effets juridiques propres qui ne présente pas le caractère d’une décision susceptible de recours (CAA Marseille, 16 déc. 2022, n° 20MA04644, SCI Château Saint-Jean).

Il appartient à la seule personne publique gestionnaire du domaine public d’apprécier si la démolition des ouvrages implantés irrégulièrement sur ledit domaine entraînerait, au regard de la balance des intérêts en présence, une atteinte excessive à l’intérêt général, soit avant d’engager la procédure de contravention de grande voirie en transmettant au juge le procès-verbal, soit après l’engagement de la procédure dont elle peut se désister (CAA Marseille, 16 déc. 2022, n° 20MA04618, SCI Villa Arpège).

Sur le fondement de l’article R. 821-5 du code de justice administrative, le Conseil d’État a jugé que si le juge des référés peut ordonner la libération d’un local situé sur le domaine public maritime naturel, en revanche, dès lors que l’occupant invoque des motifs sérieux, ce juge ne peut pas enjoindre l’occupant sans titre de procéder à la démolition de la fraction du local à usage de restaurant située sur ledit domaine (CE, 12 déc. 2022, n° 467497, Sté Cuisine écologique et diététique caribéenne et société Immoroma).


IV. PROCÉDURE D’OCTROI ET RETRAIT DES AUTORISATIONS DOMANIALES

Octroi des autorisations domaniales

Une autorisation d’occupation temporaire du domaine public maritime ne peut pas être tacite (CAA Bordeaux, 3 nov. 2022, n° 21BX03406, SCI Etche Guadeloupe).

Les tarifs applicables aux usagers d’une concession de service public portuaire présentent un caractère réglementaire. Or, aucun texte ni aucun principe n’impose la motivation d’une délibération à caractère réglementaire d’un conseil départemental propriétaire du port. De plus, dès lors que le tarif d’occupation du domaine public portuaire en cause présente un caractère annuel, la circonstance que sa modification ne soit intervenue qu’au mois d’avril n’entache pas ladite modification de rétroactivité illégale. Enfin, selon la cour, « quand bien même il n’y aurait pas eu de modification directe dans les services apportés par rapport aux années précédentes, l’autorité compétente étant en droit de réajuster ses tarifs pour mieux prendre en compte les avantages effectifs procurés à chaque catégorie d’occupant du domaine public » (CAA Marseille, 4 févr. 2022, n° 20MA01157, SPL La Ciotat Shipyards).

Un appel à candidature pour le stationnement et l’exploitation de péniches d’animation sur le domaine public fluvial des canaux parisiens, en vue de l’attribution de douze emplacements pour une durée maximale de dix ans, a été contesté. Tout tiers à une convention d’occupation du domaine public, susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses, est recevable à former, devant le juge du contrat, un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. La légalité du choix du cocontractant ne peut être contestée qu’à l’occasion d’un tel recours, exercé dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées. Le jury a pu légalement retenir le critère d’ancrage local, notamment que les candidats retenus justifiaient de partenariats avec des acteurs locaux et la prise en compte par le projet de la population locale et de l’environnement local (CAA Paris, 17 mars 2022, n° 20PA00588, Assoc. Les ailes d’Oragon).

Retrait des autorisations d’occupation et refus

Tandis qu’un maire, dans le cadre de ses compétences en matière de police municipale, a pris un arrêté de fermeture d’un restaurant en raison des risques de chute de blocs et de glissement de terrain provenant d’une falaise, le préfet pouvait légalement, pour ce motif, ordonner de cesser toute occupation du domaine public maritime et de démonter le bâtiment qui y était construit. Une telle mesure ne porte pas d’atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’entreprendre, à la liberté du commerce et de l’industrie, ni à la liberté du travail (CE, 9 sept. 2022, n° 467212, Sté Austin et a.).


V. LA REDEVANCE DOMANIALE

Fondement de la redevance domaniale

Des usagers d’un port ont exercé un recours en annulation contre une délibération du conseil départemental gestionnaire du port augmentant d’une somme forfaitaire le montant de la redevance des bateaux de plaisance au port à sec. Selon l’article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, « la redevance due pour l’occupation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l’autorisation ». Un chariot élévateur qui avait été mis à la disposition des usagers, devait être considéré, en l’espèce, comme un simple accessoire de l’occupation dont il est indissociable. Ainsi, la redevance d’amarrage doit être regardée, non comme une redevance de caractère mixte, mais comme une redevance domaniale qui rémunère un droit d’occupation

privative du domaine public. La rareté des emplacements disponibles ne saurait constituer un avantage pour les occupants du domaine public (CAA Marseille, 4 févr. 2022, n° 20MA01157, SPL La Ciotat Shipyards).

Fixation du montant de la redevance domaniale

Il résulte des articles L. 2125-1 et L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques que la personne propriétaire du domaine public (en l’espèce fluvial) ou celle chargée de sa gestion dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour fixer le montant de la redevance due en contrepartie de l’occupation effective du domaine (CAA Douai, 30 août 2022, n° 18DA00364, EDF).

Par une convention, Voies navigables de France (VNF) a autorisé une entreprise à occuper temporairement le domaine public fluvial aux fins d’implanter des infrastructures permettant la mise en œuvre de réseaux de télécommunication. Au regard des dispositions du code des postes et des communications électroniques, « la redevance imposée à un occupant du domaine public doit être calculée non seulement en fonction de la valeur locative d’une propriété privée comparable à la dépendance du domaine public pour laquelle la permission est délivrée mais aussi en fonction de l’avantage spécifique procuré par cette jouissance privative du domaine public » (CAA Douai, 11 janv. 2022, n° 20DA00187, Sté Centurylink communication France). L’antériorité de la présence d’un occupant du domaine public fluvial ne saurait le placer dans une situation comparable à celle des opérateurs s’installant ultérieurement (CAA Nancy, 17 nov. 2022, n° 20NC00872, Sté Centurylink communications France, devenue Sté Lumen Technologies France).

Pour l’aménagement d’un bâtiment en béton, d’un ponton et d’un cordon en enrochements édifiés sur le domaine public fluvial, et d’un plan d’eau pour l’activité de l’hôtel-restaurant de la Plage, le préfet a pu estimer que l’atout majeur que constitue l’accès direct pour l’établissement, qui offre à sa clientèle un usage exclusif et privatif des ouvrages concernés est un avantage qui doit être pris en compte dans la détermination de la redevance domaniale (CAA Lyon, 7 avr. 2022, n° 20LY01475, ministre de l’économie, des finances et de la relance).

« Qu’elle détermine ou qu’elle révise le tarif d’une redevance d’occupation domaniale, l’autorité compétente doit tenir compte des avantages de toute nature que le titulaire de l’autorisation est susceptible de retirer de l’usage privatif du domaine public ». Le montant de la redevance ne saurait être manifestement disproportionné au regard de ces avantages. En ne prenant pas en compte le caractère saisonnier de l’autorisation accordée, le tribunal a commis une erreur manifeste d’appréciation en approuvant le barème établi sur une base annuelle (CAA Nantes, 20 mai 2022, n° 21NT01012, Assoc. Sté des régates de Saint-Pierre-Quiberon).

Expulsion pour non-paiement de la redevance

Le concessionnaire de la gestion et de la valorisation du littoral balnéaire de Saint-Paul à La Réunion a obtenu du juge administratif des référés qu’il ordonne l’expulsion d’un amodiataire établi sur le domaine public maritime, pour non-paiement de la redevance d’occupation. Cette décision est censurée par le Conseil d’État qui reproche au juge des référés de ne s’être pas prononcé sur l’utilité de la mesure demandée (CE, 20 juill. 2022, n° 457447).

Recouvrement de la redevance

À propos du recouvrement d’une redevance pour occupation du domaine public maritime artificiel, il a été jugé que « l’annulation d’un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n’implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d’une régularisation par l’administration, l’extinction de la créance litigieuse, à la différence d’une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre » (CAA Marseille, 24 juin 2022, n° 20MA00145).

Indemnité d’occupation sans titre

L’existence de relations contractuelles autorisant l’occupation privative du domaine public ne peut se déduire de sa seule occupation effective, même si celle-ci a été tolérée par l’autorité gestionnaire et a donné lieu au versement de redevances domaniales. Une convention d’occupation du domaine public ne peut pas être tacite et doit revêtir un caractère écrit. Si une autorisation d’occupation ou d’utilisation du domaine public peut être délivrée gratuitement aux associations à but non lucratif qui concourent à la satisfaction d’un intérêt général, dès lors que l’occupant est une société, même associée à une association, exerçant une activité de commerce de restauration qui lui procure des avantages au sens de l’article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, toute gratuité d’occupation est exclue (CAA Marseille, 25 mars 2022, n° 20MA00293, Sté Altea).

Dans le cas d’une occupation sans titre d’un restaurant et d’une terrasse sur le domaine public portuaire, dans une zone ayant fait l’objet d’une superposition de gestion par l’État au profit du département, la cour administrative d’appel précise que « la superposition d’affectations permet à une même dépendance du domaine public de cumuler plusieurs affectations qui peuvent relever de personnes publiques distinctes ». Tant que le transfert de propriété du port n’est pas intervenu au profit de la commune, c’est l’État qui est compétent pour fixer le montant de l’indemnité d’occupation sans titre du domaine public en cause (CAA Marseille, 23 sept. 2022, n° 21MA00267, SARL Bar du Marin).

La cour administrative d’appel de Paris a jugé que : « Une personne publique est fondée à réclamer à l’occupant sans titre de son domaine public [en l’espèce, maritime], au titre de la période d’occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu’elle aurait pu percevoir d’un occupant régulier pendant cette période. À cette fin, elle doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l’occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l’occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu’aurait pu produire l’occupation régulière de la partie concernée du domaine public » (CAA Paris, 15 nov. 2022, n° 21PA03582, Sté Perlière de Manihi).

Les titres de perception émis à la suite d’un ordre de versement d’une indemnité d’occupation sans titre du domaine public maritime, dès lors qu’ils ne font pas référence à ce document qui n’y est pas joint, et qu’ils ne précisent pas le barème appliqué, doivent être considérés comme insuffisamment motivés. La circonstance qu’un courrier du directeur départemental des finances publiques accompagnant l’ordre de versement indique les modalités de calcul des redevances d’occupation de ce domaine ne saurait compenser la motivation défaillante des titres de perception (CAA Marseille,18 nov. 2022, n° 20MA01559, SCI Villakulla).


VI. LA RESPONSABILITÉ, UTILISATION DU DOMAINE PUBLIC, ET DOCUMENTS D’URBANISME

L’État n’est pas tenu de réaliser des travaux de protection contre la mer dès lors qu’aucun texte ne l’y oblige (CAA Nantes, 20 mai 2022, n° 21NT02240).

Le refus de renouvellement d’un bail verbal locatif à usage commercial par le concessionnaire d’un port peut donner lieu à une indemnisation du preneur dès lors qu’un tel contrat ne saurait être conclu sur le domaine public. En laissant croire au preneur qu’il bénéficiait des garanties prévues par le législateur sur les baux commerciaux, le gestionnaire du domaine public commet une faute de nature à engager sa responsabilité. L’exploitant peut alors prétendre, sous réserve, le cas échéant, de ses propres fautes, à être indemnisé de l’ensemble des dépenses dont il justifie qu’elles n’ont été exposées que dans la perspective d’une exploitation dans le cadre d’un bail commercial ainsi que des préjudices commerciaux et, le cas échéant, financiers. En l’espèce, le requérant avait obtenu précédemment, sur la parcelle en cause, une autorisation d’occupation temporaire du domaine public, il ne pouvait ignorer l’impossibilité d’obtenir un bail commercial. La faute commise par l’occupant qui connaissait la domanialité publique du terrain exonère le gestionnaire du domaine public de toute responsabilité (CAA Bordeaux, 17 févr. 2022, n° 19BX02811, Sté Géminga et a.).

L’érosion provoquée au pied d’un talus bordant un cours d’eau par le déversement des eaux d’une station d’épuration engage la responsabilité du maître d’ouvrage, d’autant que les délestages mal contrôlés sont réalisés par ce dernier. Toutefois, le cours d’eau en cause n’étant pas domanial, seul l’entretien des ouvrages que constituent les épanchoirs incombe à VNF, et non celui des ruisseaux ou rivières dans lesquels se déversent les eaux. Le fait pour le propriétaire riverain du cours d’eau d’avoir laissé des arbres sur le talus qui montrait des signes de déstabilisation constitue une faute de la victime de nature à exonérer partiellement VNF de sa responsabilité (CAA Bordeaux, 7 avr. 2022, n° 19BX04535).

Les services de l’État ayant mis en place un dispositif de suivi de la trajectoire des algues sargasses en mer, et le préfet ayant autorisé l’occupation du domaine public maritime pour l’installation de barrages destinés à empêcher l’arrivée des algues sargasses sur le littoral, la responsabilité de l’État pour carence ne peut pas être retenue, d’autant qu’un barrage avait été édifié à proximité de l’établissement du requérant (CAA Bordeaux, 11 oct. 2022, n° 20BX02762, Sté hôtelière du Lagon).

Les brûlures aux pieds d’un enfant de quatre ans provoquées par la présence de braises provenant d’un feu de bois allumé à l’occasion de la fête des vendanges sur une plage faisant partie du domaine public maritime ne sauraient mettre en cause la responsabilité du maire, compte tenu de l’étendue de la plage, de l’affluence du public et la présence des forces de l’ordre. Selon la cour, l’accident est imputable à un défaut de surveillance étroite des parents sur un enfant en bas âge (CAA Toulouse, 22 nov. 2022, n° 20TL04412, Cne de Banyuls-sur-mer).

La circonstance que le domaine public maritime ferait l’objet d’occupations illégales est sans incidence sur la légalité d’un plan local d’urbanisme (CAA Nantes, 22 nov. 2022, n° 21NT02543, Assoc. qualité de la vie à Larmor-Baden).

La responsabilité de l’État en sa qualité de propriétaire ou gestionnaire du domaine public ne peut être utilement invoquée dès lors qu’aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne met à sa charge une obligation générale d’entretien du domaine public maritime (CAA Nantes, 18 nov. 2022, n° 21NT02865, Mutuelle assurance des instituteurs de France).


VII. LE DOMAINE PUBLIC MARITIME ET LA FISCALITÉ

« Le législateur a entendu que la valeur locative de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle sont assujetties les installations des ports de plaisance situées sur le domaine public maritime soit établie en fonction du seul nombre de postes d’amarrage du port, multiplié par un tarif déterminé selon la situation géographique du port de plaisance concerné et les services et équipements qu’il offre aux usagers » (CE, 20 mai 2022, n° 437810, Cne du Grau-du-Roi : Lebon, T.).

À propos de l’assujettissement à la taxe foncière d’un grand port fluvio-maritime pour les biens provenant d’un transfert de propriété de la part de l’État, le Conseil d’État a jugé que « lorsqu’un port autonome est transformé en un grand port maritime, cette transformation n’emporte pas une mutation de propriété au sens et pour l’application des dispositions du code général des impôts […]. Dès lors une telle transformation ne nécessite pas la publication d’un acte translatif de propriété au fichier immobilier ». Les biens faisant partie du domaine public maritime et fluvial naturel ne sont remis qu’en jouissance et non en pleine propriété à un grand port maritime par l’État (CE, 22 juill. 2022, n° 449554, Grand port fluvio-maritime de l’axe Seine : Lebon, T. et CE, 22 juill. 2022, n° 452961).

La taxe sur les titulaires d’ouvrages hydrauliques a pour fait générateur la détention d’une autorisation d’occupation du domaine public fluvial. Les éléments constitutifs de la taxe, qui sont définis de manière objective et transparente, sont déterminés en fonction, d’une part, de la superficie de l’emprise au sol des ouvrages sur le domaine public fluvial confié à Voies navigables

de France, et, d’autre part, des volumes d’eau qui y sont « prélevables ou rejetables ». Par suite, le montant de la taxe dont les éléments constitutifs sont ainsi déterminés en fonction de l’utilisation de ce domaine, présente un lien direct avec les obligations de service public de l’établissement public Voies navigables de France (CAA Douai, 30 août 2022, n° 18DA00364, EDF).

La valeur locative de la cotisation foncière des entreprises à laquelle sont assujetties les installations des ports de plaisance situées sur le domaine public maritime est établie en fonction du seul nombre de postes d’amarrage du port, multiplié par un tarif déterminé selon la situation géographique du port de plaisance concerné et les services et équipements qu’il offre aux usagers (CAA Marseille, 25 nov. 2022, n° 21MA00795, SEML de gestion du port de Bandol).

La redevance (en réalité une taxe) d’archéologie préventive doit être perçue pour des travaux d’extraction de granulats sur le domaine public maritime immergé. Dès lors qu’il n’existe pas de lien d’affectation contraignant entre cette redevance et les éventuelles aides d’État dont aurait bénéficié l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), ladite redevance ne constitue pas une telle aide (CE, 9 déc. 2022, n° 448108, Min. de la culture et de la communication).


VIII. L’EXERCICE DE LA POLICE SUR LE DOMAINE PUBLIC MARITIME

En vertu de l’article L. 2212-3 du code général des collectivités territoriales : « La police municipale des communes riveraines de la mer s’exerce sur le rivage de la mer jusqu’à la limite des eaux ». Le rivage fait partie du domaine public maritime. S’il appartient au maire d’une commune, en vertu des pouvoirs de police qu’il tient de ces dispositions, de prendre les mesures nécessaires pour assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrités publiques, les interdictions édictées à ce titre ne doivent être ni générales, ni absolues. Le risque d’effondrement et de ruine des ouvrages de défense contre la mer justifie l’adoption d’une mesure de police administrative, afin de prévenir, par des précautions convenables, ce risque d’atteinte à la sécurité publique matérialisé par des éboulements de terre et de roches (CAA Bordeaux, 13 janv. 2022, n° 20BX02438, Sarl Restaurant de la Pointe chez Hortense).


IX. LA CONTRAVENTION DE GRANDE VOIRIE

La procédure d’instruction

Un procès-verbal de contravention de grande voirie qui constate une atteinte au domaine public est un acte administratif. Il appartient à la juridiction administrative, saisie du litige afférent à cette contravention, d’apprécier l’exactitude de ses mentions (Cass 1re civ., 15 juin 2022, n° 21-12.566).

Lors de l’instruction d’une procédure pour contravention de grande voirie, l’absence de délimitation administrative du domaine public maritime ne fait pas obstacle à ce que le juge administratif détermine dans le cadre de son office les limites entre le domaine public maritime et les propriétés riveraines. Pour la cour, la détermination de l’appartenance au domaine public maritime doit être exclusivement fondée sur les critères prévus à l’article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques (CAA Marseille, 25 avr. 2022, n° 20MA00012, Sté Austin et a.).

Pour constater que l’infraction, à caractère matériel, d’occupation sans titre du domaine public, est constituée, le juge de la contravention de grande voirie doit déterminer, au vu des éléments de fait et de droit pertinents, si la dépendance concernée relève du domaine public. S’agissant du domaine public maritime, le juge doit appliquer les critères fixés par l’article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques et n’est pas lié par les termes d’un arrêté de délimitation qui n’est qu’un élément d’appréciation soumis au juge (CAA Bordeaux, 18 mars 2022, n° 20BX03295 – CAA Marseille, 8 juill. 2022, n° 21MA00205, Min. de la transition écologique et Min. de la mer).

Si le procès-verbal constatant la contravention de grande voirie mentionne l’identité d’une personne en son nom personnel alors que la poursuite devant le tribunal a été faite au nom de l’intéressé en sa qualité de gérant de sa société, cette circonstance n’est pas de nature, en l’absence de toute ambiguïté sur l’identification de l’intéressé, à l’exonérer des poursuites engagées à son encontre (CAA Bordeaux, 18 mars 2022, n° 20BX03295).

À propos d’une société qui a occupé sans titre une partie du domaine public maritime, le gérant en activité au moment du constat de l’occupation peut être poursuivi pour contravention de grande voirie alors que le procès-verbal d’infraction a été dressé postérieurement à son remplacement par un autre gérant, et que ce remplacement à été publié au Bodacc (CAA Marseille, 16 déc. 2022, n° 21MA03228, EURL Cala di Lume).

L’autorité portuaire n’est pas tenue d’enjoindre au propriétaire d’un navire de le déplacer avant de dresser un procès-verbal d’infraction (CAA Nantes, 11 mars 2022, n° 21NT01725).

En l’absence d’identification du propriétaire de bateaux en état d’abandon stationnant sans autorisation sur le domaine public fluvial, les constats d’abandon sont affichés sur les bateaux en cause (CAA Toulouse, 25 mai 2022, n° 20TL02757).

Aucun des articles auxquels renvoie le 4° de l’article L. 2131-23 du code général de la propriété des personnes publiques ne prévoit que l’occupation sans autorisation d’un bâtiment est susceptible de constituer une contravention de grande voirie (CAA Paris, 28 avr. 2022, n° 21PA02977, Sarl Techno Chimic).

Une mise en demeure de remettre en état le domaine public ne peut légalement intervenir sans qu’ait été mise en œuvre la procédure de contravention de grande voirie (CE, 31 mai 2022, n° 457886, SCI Mayer, préc.). Plus précisément, le Conseil d’État a jugé que « l’occupant du domaine public maritime naturel ne peut être contraint à le remettre en état qu’à la suite d’une condamnation prononcée par le juge administratif au titre de l’action domaniale à l’issue de la procédure de contravention de grande voirie. Une mise en demeure de procéder à cette remise en état […] constitue un acte dépourvu d’effets juridiques propres qui ne présente pas le caractère d’une décision susceptible de recours » (CE, 14 juin 2022, n° 455050, Sté Immobilière de la Pointe du Cap Martin : Lebon, T.).

Un marinier a amarré sa péniche à divers endroits sur le domaine public fluvial, et notamment sur un emplacement qui n’était pas ouvert au stationnement. Le contrevenant ne peut dès lors se prévaloir, par voie d’exception, de l’illégalité des refus de stationnement qui lui auraient été précédemment opposés, à cet endroit. Les sommes mises à sa charge par VNF ne procèdent pas des refus d’autorisation de stationner sa péniche, mais constituent exclusivement la contrepartie de l’occupation irrégulière d’une dépendance domaniale (CAA Lyon, 23 juin 2022, n° 20LY00650).

S’agissant d’une occupation sans titre du domaine public fluvial, il a été jugé que les constats d’huissier et les photographies jointes font foi jusqu’à preuve du contraire, et établissent l’absence de remise en état du site concerné ainsi que la présence de matériaux déposés sans autorisation (CAA Marseille, 7 oct. 2022, n° 21MA04025, Sté HMTP).

À l’occasion d’une procédure de contravention de grande voirie engagée à l’encontre de la requérante, si la personne poursuivie conteste la propriété des constructions établies sur le domaine public portuaire, en fournissant un titre de propriété, l’appréciation du bien-fondé des procès-verbaux de contravention de grande voirie étant subordonnée à la détermination du propriétaire desdites constructions, la question de savoir si elles appartiennent au propriétaire du port ou à la requérante, soulève une difficulté sérieuse, de nature à justifier que soit posée une question préjudicielle au juge judiciaire (CAA Toulouse, 18 oct. 2022, n° 20TL01186).

L’empiètement d’une maison d’habitation sur le domaine public maritime constitue une infraction continue qui peut donner lieu à des poursuites à tout moment, tant qu’elle n’a pas pris fin. La tolérance par le gestionnaire du domaine public de cette occupation irrégulière, durant plusieurs années, ne saurait constituer un motif de relaxe du contrevenant à la police de la grande voirie (CAA Paris, 15 nov. 2022, n° 21PA00496).

Quelle que soit la date d’achèvement de travaux réalisés sur le domaine public maritime sans autorisation domaniale, l’action publique n’est pas prescrite dès lors que l’occupation illégale n’a pas pris fin et le délai de prescription ne court qu’à compter du jour où l’infraction a été constatée, voire du jour du dernier acte de poursuite ou d’instruction. Les travaux de remblaiement réalisés sur la mer sans autorisation domaniale, n’ont pas pour effet d’exclure les terrains en cause du domaine public maritime 3 (CAA Marseille, 8 juill. 2022, n° 21MA00235).

Il résulte de l’article L. 322-10-4 du code de l’environnement que toute atteinte à l’intégrité et à la conservation du domaine public relevant du conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, ou de nature à compromettre son usage, constitue une contravention de grande voire (CAA Marseille, 16 déc. 2022, n° 20MA04618, SCI Villa Arpège).

La répression des infractions

L’acquéreur d’une villa située sur le front de mer doit être considéré comme gardien des ouvrages construits sur le domaine public maritime dont il a l’usage même non exclusif, alors que des panneaux interdisant l’accès aux piétons sont apposés à proximité du seul cheminement permettant au public d’y accéder. La circonstance que l’ancien propriétaire de la villa comme le nouveau ont payé une redevance d’occupation malgré l’absence de titre ne saurait permettre au contrevenant d’échapper aux poursuites à son encontre (CE, 31 mai 2022, n° 457886, SCI Mayer, préc.).

Au titre de la police de la grande voirie, une annexe d’un navire de pêche doit être regardée comme un navire de pêche, auquel elle est du reste indissociablement liée. L’amarrage de cette annexe de navire à un ponton malgré l’interdiction d’y procéder constitue une contravention de grande voirie (CAA Nantes, 11 mars 2022, n° 21NT01725).

L’occupation sans titre d’une parcelle du domaine public maritime faisant partie de la zone des cinquante pas géométriques est constitutive d’une contravention de grande voirie, alors même que cette occupation porte sur une parcelle résultant d’une division parcellaire dont l’autre partie a été déclassée du domaine public (CAA Bordeaux, 19 mai 2022, n° 20BX03100).

Les co-gérants d’une société civile immobilière disposent du pouvoir de prendre toute disposition pour libérer le domaine public maritime d’une construction appartenant à cette société, ils doivent en être qualifiés de gardiens et chacun d’eux doit être condamné à une peine d’amende sur le fondement des articles L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques et 131-13-5° du code pénal (CAA Bordeaux, 3 nov. 2022, n° 21BX03406, SCI Etche Guadeloupe).

En cas d’occupation irrégulière d’une dépendance du domaine public, il appartient au juge administratif, saisi d’un procès- verbal de contravention de grande voirie, d’enjoindre au contrevenant de libérer sans délai le domaine public et, s’il l’estime nécessaire et au besoin d’office, de prononcer une astreinte. Lorsqu’il a prononcé une astreinte dont il a fixé le point de départ, le juge administratif doit statuer sur sa liquidation, en cas d’inexécution totale ou partielle ou d’exécution tardive (CAA Marseille, 7 oct. 2022, n° 20MA03384).

Le juge administratif saisi d’une contravention de grande voirie sur le domaine public fluvial peut prononcer la confiscation d’un bateau stationné sans autorisation sur ledit domaine. Une telle confiscation, qui ne constitue pas une sanction, a pour seul objet de garantir l’administration du remboursement des frais d’enlèvement, laquelle doit déduire la valeur de l’objet du coût des opérations d’enlèvement et, si ce coût est inférieur, reverser le surplus au propriétaire. La mise en œuvre de la procédure de confiscation ne peut être engagée qu’à l’encontre du propriétaire. Le juge doit tenir compte de la nature et de l’usage des biens concernés et s’assurer de la nécessité d’une telle mesure pour garantir la couverture des coûts exposés afin de mettre fin aux désordres, laquelle ne peut être ordonnée que si cet objectif ne peut être atteint selon d’autres modalités (CAA Lyon, 8 déc. 2022, n° 21LY02018).

Après avoir rappelé que la contravention de grande voirie est une infraction matérielle qui met en cause la responsabilité objective du contrevenant, la cour administrative d’appel de Marseille a relaxé deux personnes poursuivies pour une telle infraction, alors que fut constatée, hors de leur présence, l’existence de quatre tables avec bancs sur une plage faisant partie du domaine public maritime à un endroit où leur oncle avait une autorisation d’occupation temporaire (CAA Marseille, 23 sept. 2022, n° 21MA00553).

1 Sur le pouvoir du maire en matière de vente ambulante sur les plages : CE, 21 févr. 1986, n° 58124, Cne d’Agde c/ Roustan : Lebon, T. et CE, 21 févr. 1986, n° 54228, Cnes de Fleury d’Aude et de Gruissan c/ Roustan : Lebon, T. ; JCP G 1986, II, 20680 obs. R. Rézenthel).
2 Cass crim 29 nov. 2022, n° 21-85579
3 Cf. CE, 16 nov. 1977, n° 01786 : Lebon, p. 439.

Robert Rézenthel
Docteur en droit
Avocat au barreau de Montpellier