Un chemin rural ne s’échange pas

En bref…

CAA Nancy, 21 oct. 2021,
n° 19NC03523, D. c/ Cne de Luttange

Ouvert par l’article L. 3211-21 du CGPPP, l’échange constitue, aux côtés de la vente, une modalité de cession classique des biens publics, dès lors que ces derniers, en principe, relèvent du domaine privé. En l’espèce, le procédé d’échange imaginé par la commune de Luttange apparaissait doublement périlleux, celle-ci ayant mis dans la balance (de l’échange), tout à la fois une parcelle relevant de son domaine public et une dépendance relevant de son domaine privé, à savoir un chemin rural. Il s’est révélé en fin de compte doublement illégal. D’une part, en raison de l’absence de désaffectation et déclassement préalables de la dépendance relevant du domaine public, le CGPPP n’autorisant à s’en abstraire que dans l’hypothèse d’une circulation « publique – publique » (v. art. L. 3112-2 ; la désaffectation étant seulement superflue dans les autres hypothèses – restrictives – d’échange visées aux articles L. 2141-3 et L. 3112-3 du CGPPP). D’autre part car l’échange comprenait un chemin rural dont l’aliénabilité emprunte des formes particulières, renforçant l’hybridité de son régime domanial (V. en dernier lieu : H. Devillers, À la croisée des chemins ruraux. Réflexions sur leur régime domanial : Dr. Voirie 2021, p. 224). L’article L. 161-10 du code rural et de la pêche maritime dispose en effet que leur aliénation ne peut avoir lieu qu’en présence d’une enquête préalable, un droit de priorité étant par ailleurs accordé aux propriétaires riverains. Sans s’y attarder, la cour s’est fondée sur un autre élément pour censurer – sur un double chef – la délibération : reprenant une jurisprudence constante (CE, 13 févr. 1920, n° 43495 : Lebon, p. 157 – CE, 20 févr. 1981, n° 13526 : Lebon, p. 637 : Dr adm. 1981, comm. 114 – CE, 23 mai 1986, n° 48303 : Lebon ; Dr. adm. 1986, comm. 377 ; AJDA 1986, II, p. 462, note J. C. – Cass. 3e civ., 14 déc. 2004, n° 03- 16.834 – TA Clermont-Ferrand, 4 nov. 2009, n° 091083 : AJDA 2010, p. 917 – CE, 17 nov. 2010, n° 338338 : JCP A 2011, 2003, obs. Videlin et Yolka – CAA Lyon, 3 févr. 2015, n° 13LY01853), s’appuyant sur une approche littérale et stricte de l’article L. 161-10 ne visant que les « ventes », elle retient que la collectivité ne pouvait donc recourir à l’échange au sujet d’un chemin rural (pour davantage de précisions : v. Ph. Yolka, L’interdiction d’échanger les chemins ruraux : RD rur. 2008, comm. 43).


Christophe Roux

Professeur de droit public
Directeur de l’EDPL (EA 666) Université Jean Moulin – Lyon 3