Renouvellement des concessions funéraires : la quête de l’au-delà

En bref…

CAA Nancy, 23 nov. 2021,
n° 19NC02091

Les concessions funéraires sont, au sein des titres privatifs d’occupation du domaine public (T. confl., 25 nov. 1963, Cne Saint-Just-Chaleyssin : AJDA 1964, p. 24, chron. Fourré et Puybasset ; JCP G 1964, II, 13493, obs. Auby – CE, 21 oct. 1955, Méline : Lebon, p. 491 ; D. 1956, jurispr. p. 543, concl. Guionin, chron. Auby), marquées d’un particularisme indélébile : outre que leur dévolution constitue un quasi-droit (dès lors que le défunt pré- sente un lien direct avec la commune et que des emplacements sont vacants, v. S. Manson, Utilisations du domaine public terrestre autres que la circulation : JCl. Propriétés publiques, fasc. 407-20, § 117 et s. ; J.-Ph. Borel, Le point sur les concessions funéraires : Defrénois 2018, n° 18-19, p. 19 ; La gestion des concessions funéraires : AJCT 2019, p. 81), elles offrent à leur titulaire ou successeur un véritable droit au renouvellement. C’est en effet la solution qu’est venue généraliser le Conseil d’État récemment, y compris pour les concessions établies à durée déterminée, l’article L. 2223-15 du CGCT ayant été jugé conforme aux règles constitutionnelles (DDHC, art. 2 et 16), en ce qu’il ouvre, pour les successeurs, une durée de deux ans pour se manifester auprès de l’autorité publique afin de renouveler ladite concession (CE, 11 mars 2020, n° 436693, B. c/ Cne Épinal : Lebon, T. ; JCP N 2020, act. 375, obs. J.-Fr. Giacuzzo ; JCP N 2020, 1164 et Dr. fam. 2020, comm. 95, note A. Tani ; JCP A 2020, act. 208, obs. L. Erstein). Cette conformité n’en a pas moins été acquise au gré d’une interprétation constructive, le juge administratif estimant que, durant cette période, le maire est tenu de chercher et d’informer par tout moyen utile le concessionnaire ou ses ayants-droits de l’expiration de cette concession, notamment via une publicité appropriée. Cette position venait rejoindre tout à la fois les préconisations de la doctrine administrative et celles émises par le Défenseur des droits (Rép. min. à QE n° 22667 : JO AN 24 déc. 2019, p. 11389 – Rapport relatif à la législation funéraire, 2012, p. 3). Par là-même, le Conseil d’État abandonnait ainsi sa jurisprudence selon laquelle la reprise du terrain qui fait l’objet d’une concession à durée déterminée s’effectue sans aucune formalité (CE, 20 juill. 1988, n° 68454 – CE, 26 juill. 1985, n° 36749 : Lebon, T.), le terrain d’assiette de la concession rejoignant, le cas échéant, le domaine public (autorisant sa mise à disposition à d’autres), là où la sépulture gagne le domaine privé communal (ouvrant ainsi la faculté de la détruire) via l’accession (CE, avis, sect. Int., 4 févr. 1992, n° 350721). Faisant application, sur renvoi du Conseil d’État, de ces préceptes, la cour administrative d’appel de Nancy retient ici que la collectivité défenderesse ne parvient pas à démontrer la suffisance de ses diligences informatives, celle-ci se bornant à produire seulement la preuve d’un courrier envoyé aux ayants-droits (qui lui fut retourné, le destinataire n’étant pas identifiable). Partant, la cour en déduit une faute de la commune, celle-ci ayant manqué à son obligation d’information, la circonstance étant par ailleurs (« dans les circonstances de l’espèce ») constitutive d’une méconnaissance de l’article 1er du protocole n° 1 annexé à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (Conv. EDH), lequel vient, selon les juridictions françaises, protéger le droit à sépulture (la Cour de Strasbourg se plaçant plutôt sur le fondement de l’article 8 de la Conv. EDH. V. en ce sens CEDH, 30 oct. 2001, n° 37794/97, Panullo et Forte c/ France : Europe 2002, comm. 78, obs. N. Deffains).


Christophe Roux

Professeur de droit public
Directeur de l’EDPL (EA 666) Université Jean Moulin – Lyon 3